Outreau : d'une curée médiatique à l'autre
28 janvier 2006
L'abbé Wiel, prêtre-ouvrier, ne porte pas le col romain, et son langage cru n'est pas toujours très sacerdotal. Mais son attitude dans l'affaire d'Outreau est un exemple : après avoir dénoncé la curée contre lui et ses co-accusés, il explique dans Le Monde qu'il ne participera pas à l'audition publique du juge Burgaud.
[C]e que j'ai regretté à Saint-Omer, c'est justement l'ambiance désastreuse des débats dans l'enceinte de la cour d'assises. J'ai assisté à un véritable "dégueulis" — et je pèse mon mot — d'émotions, dont j'ai souffert pendant neuf semaines. Je désirais que l'on se situe au niveau des faits, ce fut rarement le cas.
J'imagine le juge Burgaud seul face à la commission, avec, dans son dos, la pression des treize acquittés témoins muets devenus à leur tour jurés. [...] Le juge Burgaud deviendra le bouc émissaire désigné au peuple responsable de toutes les insuffisances de l'institution judiciaire.
L'utilisation par l'abbé Wiel de l'expression bouc émissaire est comme un clin d'oeil au philosophe catholique René Girard, qui a montré que le christianisme a brisé les mécanismes traditionnels de la violence sacrée. Car c'est le Christ lui-même qui est devenu bouc émissaire : "Il est requis qu'un homme meure, de peur que tous les autres ne périssent, que toutes les gens ne périssent" (Caïphe, in Jn XI, 49,50.)
Le juge Burgaud, que l'abbé Wiel critique rudement, n'est pas le Christ. Mais la mise en scène anti-Burgaud sert à exonérer de leurs fautes le système judiciaire, les médias ou, pour Patrice de Plunkett, "l'époque". Les catholiques ont hérité, ou devraient avoir hérité, d'un refus de participer à ces hystéries médiatiques ritualisées. Et on tient peut-être là une réponse à la question que se pose cette semaine Famille chrétienne : "pourquoi un tel malentendu entre l'Eglise et les médias ?"