L'Eglise au Portugal et l'avortement : mauvaise surprise ou désinformation?
03 octobre 2006
Les Portugais sont appelés aux urnes en janvier prochain dans le cadre d'un référendum sur la légalisation de l'avortement.
La question posée est :
"Etes-vous d'accord pour que l'avortement réalisé dans les dix premières semaines de grossesse, avec le consentement de la femme, dans un établissement de santé légal, cesse d'être un crime?".
La réponse est évidemment "non".
On note cependant deux soucis majeurs dans la questions
- le total relativisme induit dans la question qui conduit le citoyen à définir lui-même ce qu'est un crime.
- la femme seule a son mot à dire dans l'assassinat de son enfant, bien que le père, de par la nature, a la corresponsabilité de la vie de l'enfant. La "dépaternalisation" de la société occidentale n'est pas un phénomène récent et plonge ses racines dans l'idéologie maçonnique qui a remplacé Dieu le Père qui établit la fraternité entre les hommes par la raison de l'homme.
Mais la mauvaise surprise est ailleurs : le cardinal patriarche de Lisbonne José Policarpo aurait précisé que l'Eglise au Portugal ne donnera pas de consigne de vote sous prétexte que l'avortement "n'est pas une question religieuse" mais une question "d'éthique fondamentale".
Il préfererait "que ce soient plutôt les pères de famille et les médecins qui défendent le non".
Et de préciser : "Je pense que si j'avais des doutes sur un problème aussi fondamental, moi, je m'abstiendrais". C'est tellement gros que je n'ose y croire. Attendons une confirmation ou une autre traduction que celle de l'AFP...
Addendum 19h00 : la mauvaise surprise est confirmée.
En 1998, les Portugais avaient répondu non à la même question à une très faible majorité (50,07%) lors d'une consultation marquée par une très forte abstention (68,11%). Mgr Policarpo avait alors osé affirmer que voter 'oui' n'entraînerait pas d'excommunication. Les évêques colombiens n'ont pas reculé devant la proclamation de la vérité, eux : lire le Catéchisme de l'Eglise Catholique (§ 2272), dans le chapitre qui condamne l'avortement (à partir du § 2270), rappelé dans le code de droit canonique (§ 1398), lequel précise que "qui procure un avortement, si l’effet s’en suit, encourt l’excommunication latæ sententiæ" précisant par ailleurs (§ 1314) que l'excommunication est latae sententiae, "de telle sorte qu'elle est encourue par le fait même de la commission du délit". MJ
En effet ce serait plus que navrant car si ce n'était pas la Vérité et La Vie qui éclaire "l'éhique fondamentale" qui serait-ce ?
Vous avez raison de prendre soin de recouper, ce peut une intox de plus dans un combat qui semble se déchaîner.
Rédigé par : sancenay | 03 octobre 2006 à 15:37
Stupéfiant!
Je suppose que l'Eglise n'aurait aussi pas dû avoir son opinion quant au nazisme et au communisme...
On croit rêver...
C'est pas un franc-mac, justement, celui-là???
Rédigé par : Marie | 03 octobre 2006 à 16:10
Hélas, encore un "loup" qui sort du bois.Mon Dieu ayez pitié de votre courageux serviteur Benoît XVI !
Une telle position d'un prélat ne serait-elle pas justiciable, au minimum d'un billet sans retour à Parténia, si ce n'est précisément d'une excommunication ? Question posée aux éventules spécialistes du droit canon.
Rédigé par : Sancenay | 03 octobre 2006 à 19:26
Cette distinction du cardinal Policarpo entre question religieuse (qui relève des évêques) et question d’éthique (qui ne concernerait que les laïques) m’étonne aussi.
Contrairement à ce que l’ont entend parfois, le Magistère ne concerne pas que les questions de foi. Il comprend aussi la morale, les mœurs, la loi naturelle, la doctrine sociale, les principes justes d’organisation politique et économique… Il n’y aurait donc pas d’un côté des évêques qui parleraient uniquement des anges et de l’autre des laïcs qui organiseraient selon leurs critères propres la société.
Le Concile Vatican II (Lumen Gentium, ch. 25), nous dit clairement, et à plusieurs reprises, que le magistère des successeurs des apôtres concerne la « foi et les mœurs ».
Dans le Nouveau catéchisme (n° 2032 à 2038), il est bien précisé, et même avec une certaine insistance, que la doctrine de l’Eglise comprend aussi les principes moraux. Les fidèles ont ainsi « le droit d’être instruits des préceptes divins salutaires qui purifient le jugement ». Parmi ces préceptes, on compte bien sûr le décalogue et donc le commandement « Tu ne tueras pas » qui interdit l’avortement.
La légalisation de l’avortement est donc une question morale (et « éthique », puisque les deux mots sont synonymes) sur laquelle les Evêques ont, il me semble, le droit de se prononcer. C’est ce que n’ont pas hésité à faire le Cardinal Ruini et d’autres évêques en Italie, à l’occasion d’un référendum sur des questions de bioéthique.
Extrait du Nouveau catéchisme :
I Vie morale et magistère de l'Eglise
2032 L'Eglise, "colonne et soutien de la vérité" ( 1Tm 3,15 ), "a reçu des Apôtres le solennel commandement du Christ de prêcher la vérité du salut" ( LG 17 ). "Il appartient à l'Eglise d'annoncer en tout temps et en tout lieu les principes de la morale, même en ce qui concerne l'ordre social, ainsi que de porter un jugement sur toute réalité humaine, dans la mesure où l'exigent les droits fondamentaux de la personne et le salut des âmes" ( CIC 747 ).
2033 Le magistère des pasteurs de l'Eglise en matière morale s'exerce ordinairement dans la catéchèse et dans la prédication, avec l'aide des oeuvres des théologiens et des auteurs spirituels. Ainsi s'est transmis de génération en génération, sous l'égide et la vigilance des pasteurs, le "dépôt" de la morale chrétienne, composé d'un ensemble caractéristique de règles, de commandements et de vertus procédant de la foi au Christ et vivifiés par la charité. Cette catéchèse a traditionnellement pris pour base, à côté du Credo et du Pater, le Décalogue qui énonce les principes de la vie morale valables pour tous les hommes.
(…)
2035 Le degré suprême dans la participation à l'autorité du Christ est assuré par le charisme de l'infaillibilité. Celle-ci s'étend aussi loin que le dépôt de la Révélation divine (cf. LG 25 ); elle s'étend encore à tous les éléments de doctrine, y compris morale, sans lesquels les vérités salutaires de la foi ne peuvent être gardées, exposées ou observées ( décl. "Mysterium Ecclesiæ" 3).
2036 L'autorité du Magistère s'étend aussi aux préceptes spécifiques de la loi naturelle, parce que leur observance, demandée par le Créateur, est nécessaire au salut. En rappelant les prescriptions de la loi naturelle, le Magistère de l'Eglise exerce une part essentielle de sa fonction prophétique d'annoncer aux hommes ce qu'ils sont en vérité et de leur rappeler ce qu'ils doivent être devant Dieu (cf. DH 14 ).
2037 La loi de Dieu, confiée à l'Eglise est enseignée aux fidèles comme chemin de vie et de vérité. Les fidèles ont donc le droit (cf. CIC 213 ) d'être instruits des préceptes divins salutaires qui purifient le jugement et, avec la grâce, guérissent la raison humaine blessée. Ils ont le devoir d'observer les constitutions et les décrets portés par l'autorité légitime de l'Eglise. Même si elles sont disciplinaires, ces déterminations requièrent la docilité dans la charité.
Rédigé par : Noel | 03 octobre 2006 à 19:50
Où peut-on protester ? Congrégation pour les Évêques... Si on a protesté pour la chapelle de Versailles (fort bien par ailleurs) il y a ici bcp plus important...
Rédigé par : Cousin du Nouveau-Monde | 03 octobre 2006 à 20:22
Cet évêque est mûr pour un diocèse au Québec...
Ceci dit en passant, c'est un qui s'exprime... pour combien d'évêques occidentaux qui diraient la même chose ou pire...
Oremus pro papam.
Rédigé par : cousin du Nouveau-Monde | 03 octobre 2006 à 20:24
L'archevêque de Lisbonne est supérieur à beaucoup des évêques français et aux dirigeants de la Commission épiscopale qui pensent très exactement comme lui, mais ne le disent jamais......
Cela me rappelle la réflexion de Mgr Barbarin, invité sur une radio, à propos des recherches dites thérapeutiques sur les embryons, auquel le journaliste faisait remarquer que l'Eglise avait déjà du accepter de voir voter d'autres lois qu'elle n'avait pas approuvées, comme l'avortement ou le PACS : "oui, mais après le vote démocratique, il y a la force de la loi...."
Rédigé par : Pascal G. | 03 octobre 2006 à 20:56