On ne remercie pas souvent l'actuel Chef de l'État ici - même si on préfèrerait être amené à le faire beaucoup plus souvent - , mais on lui est redevable d'avoir remis au goût du jour le problème de la laïcité : depuis son fameux discours du 20 décembre, la France des idées est en ébullition. Essayons d'y voir clair, mais avant de développer, nous pouvons affirmer que la question de la laïcité trouve une réponse vraie et nette dans l'Église - donc pour nous -, tandis qu'elle offre ailleurs un large spectre d'interprétations erronées.
1 - Ce que dit l'Église : une saine laïcité impose de reconnaître Dieu et la liberté naturelle de Le chercher
Les deux derniers souverains pontifes ont parlé clairement à ce sujet :
- La dernière lettre de Jean-Paul II aux évêques de France portait, par une clairvoyance providentielle, sur la laïcité (document, explication).
- En décembre 2006, Benoît XVI a donné une audience lors du 56° congrès national d'études de l’Union des Juristes catholiques italiens et son discours s'intitulait "Pour une saine laïcité".
La lecture incontournable de ces deux textes permettent une approche juste et affinée de la laïcité, telle qu'entendue par l'Eglise et telle qu'elle se présente comme garante de notre liberté de culte présente et à venir. Sur laïcité et la laïcisme, voir notre post ici.
2 - Ce qu'a dit Nicolas Sarkozy : sa "laïcité positive" veut conjuguer les richesses religieuses et dialoguer avec les religions
Il est flagrant que, pour le Président de la République, l'harmonie entre l'Église catholique et la France appartient au passé auquel il rend hommage et que désormais République rime avec "laïcité" selon son acception qui ne reconnaît pas l'Eglise, une et sainte (détenant la Vérité), mais comme une parmi d'autres proposant un regard pouvant être politiquement ou socialement intéressant. Entre les rappels historiques justes et précis et l'explicitation de sa vocation, je retiendrai trois passages fondamentaux de son long discours au Palais du Latran :
"il existe incontestablement une morale humaine indépendante de la morale religieuse".
"Dans la République laïque,
l’homme politique que je suis n’a pas à décider en fonction de considérations
religieuses. Mais il importe que sa réflexion et sa conscience soient éclairées
notamment par des avis qui font référence à des normes et à des convictions
libres des contingences immédiates. Toutes les intelligences, toutes les
spiritualités qui existent dans notre pays doivent y prendre part. Nous serons
plus sages si nous conjuguons la richesse de nos différentes traditions".
"C’est pourquoi j’appelle de mes
vœux l’avènement d’une laïcité positive, c’est-à-dire une laïcité qui, tout en
veillant à la liberté de penser, à celle de croire et de ne pas croire, ne
considère pas que les religions sont un danger, mais plutôt un atout. Il ne
s’agit pas de modifier les grands équilibres de la loi de 1905. Les Français ne
le souhaitent pas et les religions ne le demandent pas.
Il s’agit en revanche
de rechercher le dialogue avec les grandes religions de France et d’avoir pour
principe de faciliter la vie quotidienne des grands courants spirituels plutôt
que de chercher à la leur compliquer".
A cette conception de la laïcité s'opposent ces paroles sans appel de Benoît XVI :
"En effet, à la base de cette conception, il existe une vision
a-religieuse de la vie, de la pensée et de la morale : c’est-à-dire une
vision où il n’y a pas de place pour Dieu, pour un Mystère qui
transcende la pure raison, pour une loi morale de valeur absolue, en
vigueur en tout temps et en toute situation. Ce n’est que si l’on se
rend compte de cela que l’on peut mesurer le poids des problèmes
contenus dans un terme comme laïcité, qui semble être presque devenu
l’emblème caractérisant la post-modernité, en particulier la démocratie
moderne".
3 - Ce qu'ont dit les autres : séparation définitive, laïcisme, contrôle des religions, etc...
- Bayrou, on l'a vu ici, prône une séparation nette et tranchée entre l'Église et l'État.
- Le Grand Orient de France rappelle sa propre définition de la laïcité qui devrait enfermer la foi dans la désormais officielle et risible "sphère privée" (dossier et photo très intéressants ici) :
"La laïcité c’est le vivre ensemble, malgré nos différences".
- Jean-Pierre Raffarin va plus loin (en précurseur?) en voulant ajouter à la loi de 1905 une entrave officielle à la liberté fondamentale des hommes en imposant et contrôlant le dialogue entre les religions sur des bases définies par sa loi et non par la loi naturelle :
"Aujourd'hui, nous avons besoin de la laïcité partagée pour régler les
relations entre religions et politique, mais aussi pour servir de
grammaire entre les différentes religions, pour leur permettre de se
parler dans l'espace public".
- Et tous ceux qui véhiculent les autres erreurs fondées sur le refus ou sur la non-reconnaissance de Dieu et de sa loi naturelle, erreurs qui prennent racine dans la révolution des cœurs et de la cité qui prétend que l'homme seul peut offrir les Lumières nécessaires à l'homme, alors que Dieu seul est cette lumière (Jn 8,12).
4 - Conclusion
"Il est vieux comme le diable, le monde qu'ils disent nouveau et qu'ils veulent fonder dans l'absence de Dieu" : Les erreurs de Sarkozy et consorts s'enracinent toutes dans le même refus du primat de Dieu, Sarkozy considérant la religion comme un atout possible parmi d'autres pour la vie publique, d'autres comme une affaire strictement privée.
La vérité est ailleurs : ainsi, la conclusion du discours de Benoît XVI qui synthétise bien tout son enseignement (Dieu est amour, l'Espérance, reconnaissance de la loi naturelle et le devoir d'évangélisation), s'impose à nous :
"Nous vivons une période historique
exaltante en raison des progrès que l’humanité a accomplis dans de
nombreux domaines du droit, de la culture, de la communication, de la
science et de la technologie.
Dans le même temps, toutefois, il existe
de la part de certains la tentative d’exclure Dieu de tous les domaines
de la vie, en le présentant comme antagoniste de l’homme.
C’est à nous,
chrétiens, qu’il revient de montrer qu’au contraire, Dieu est amour et
qu’il veut le bien et le bonheur de tous les hommes.
Il est de notre
devoir de faire comprendre que la loi morale qu’Il nous a donnée, et
qui se manifeste à nous à travers la voix de la conscience, a pour but
non pas de nous opprimer, mais de nous libérer du mal et de nous rendre
heureux.
Il s’agit de montrer que sans Dieu, l’homme est perdu et que
l’exclusion de la religion de la vie sociale, en particulier la
marginalisation du christianisme, mine les bases mêmes de la
coexistence humaine.
Avant d’être d’ordre social et politique, ces
bases sont en effet d’ordre moral".
Lahire