Relativiser la famille revient à fragiliser un fondement essentiel de la vie en société
27 septembre 2010
Extrait de la conférence donnée le 14 septembre par Mgr Jean Laffitte, secrétaire du Conseil pontifical pour la famille, au Congrès « Caritas in Veritate » organisé à Bruxelles par le Groupe du Parti populaire européen et le COMECE :
"Pour comprendre le lien entre Famille et société, il ne suffit pas d'approfondir la nature de l'amour ; il y a en réalité deux pas ultérieurs à accomplir : le passage de l'amour au mariage ; le passage du mariage à la famille : Impossible de développer ici le premier passage dans les limites de temps imparties. Simplement, le fait de se marier donne à l'expérience amoureuse sa dimension sociale. Il la fait sortir des limites individuelles de l'intimité interpersonnelle, et lui permet de s'enrichir en la revêtant d'une signification nouvelle. L'existence même de l'alliance conjugale (civile ou religieuse) signifie que la société ne se désintéresse pas de ce qui advient entre des époux, mais au contraire considère leur relation comme un bien ; elle va donc, par l'autorité qui est la sienne (autorité de la société civile ou autorité de la société de l'Eglise), lui donner les moyens de sa stabilité. La société intègre comme une donnée nouvelle le fait qu'en son sein cet homme précis et cette femme sont unis d'une manière unique qui non seulement les engage pour le futur, mais encore qui lui impose à elle, la société, de considérer cette union, de lui témoigner son intérêt, son estime, de l'aider à s'établir ou à se consolider, et de considérer comme un enrichissement la possibilité qu'elle s'agrandisse en devenant une famille. Du point de vue des personnes, il faudrait montrer comment le fait de faire une démarche publique qui engage le futur donne à leur union sa maturité et son objectivité. [...] Concrètement : y a-t-il meilleure preuve d'amour que de donner à l'aimée non seulement la disponibilité du temps présent mais aussi son futur ? et y a-t-il meilleur gage de cette volonté que d'en prendre Dieu à témoin (démarche religieuse) et en tous les cas la société des hommes ?
Le deuxième passage est celui qui relie le mariage à la famille. L'expérience familiale peut être appréciée de trois points de vue différents : le point de vue de l'enfant ; celui des époux eux-mêmes, au moment où ils deviennent parents ; enfin, le point de vue de la société elle-même. [...] Jusqu'à ces dernières décennies, était communément admis dans l'ensemble des législations, le fait que la famille était fondée sur un engagement public entre un homme et une femme ; l'extension récente du terme famille et du terme mariage à d'autres formes de réalités sociales : familles recomposées, unions libres (sans autre acte fondateur que la seule volonté des partenaires) et, dans plusieurs législations, à des unions entre personnes de même sexe, a sans aucun doute affaibli la perception du lien structurel et fondateur entre mariage et famille. Pourtant, les droits reconnus à une famille fondée sur l'alliance conjugale, a toujours eu le sens d'une reconnaissance que la cellule familiale est un bien pour la société ; qu'une telle cellule favorise une socialisation progressive des futurs citoyens adultes au travers des tâches d'éducation ; que cet accompagnement par leurs parents des enfants et des adolescents participe à la stabilité du lien social. [...]
Relativiser l'institution familiale revient à fragiliser un fondement essentiel de la vie en société. Cela se fait par une privatisation absolue de la famille qui devient le lieu de la privacy, l'espace où la personne trouve une gratification immédiate pour ses aspirations affectives. La question juridique ici se déplace : à l'autorité civile est reconnu le droit (ou plutôt le devoir) de garantir la liberté des choix privés des individus, et non plus de soutenir l'union qui lui donne son assise et sa cohésion naturelles. Certes, à l'aube de ce Millénaire, l'institution familiale est encore présente dans de nombreuses sociétés qu'elle cimente et unifie. Elle est cependant dangereusement mise à mal dans les pays occidentaux qui n'en finissent pas de vouloir imposer et exporter leurs modèles sociaux et culturels. En amont de toute considération spécifiquement éthique de la question, c'est bien à un modèle anthropologique que nous sommes désormais confrontés : celui qui consiste, en pensant exclusivement la personne de façon individualiste comme une monade isolée et titulaire d'une liberté absolue, à ignorer sa dimension sociale originelle et donc à ne plus voir dans le mariage et la famille une société naturelle qui provient précisément de cette socialité naturelle de l'homme et de la femme ; le risque social est le désintérêt politique pour la sauvegarde de l'institution conjugale et familiale qui ne serait plus aux yeux des gouvernements substantiellement liée au bien commun et donc digne d'être défendue et promue. Il faudrait aussi pouvoir développer ici ce que la disparition du lien stable peut avoir en termes de démographie et de remplacement des générations.
L'encyclique Caritas in Veritate, ayant en vue le futur même de la société des hommes, appelle les législations à honorer et encourager la famille pour des raisons qui ne sont pas seulement éthiques, mais qui regardent d'abord la subsistance même du lien social :
Continuer à proposer aux nouvelles générations la beauté de la famille et du mariage, la correspondance de ces institutions aux exigences les plus profondes du coeur et de la dignité de la personne devient ainsi une nécessité sociale, et même économique. Dans cette perspective, les Etats sont appelés à mettre en oeuvre des politiques qui promeuvent le caractère central et l'intégrité de la famille, fondée sur le mariage entre un homme et une femme, cellule première et vitale de la société (N. 44)."
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