Morale et politique
30 décembre 2010
Mgr Crepaldi était jusqu'en octobre 2009, le secrétaire du Conseil pontifical Justice et Paix, où à ce titre, il a supervisé la préparation du Compendium de la doctrine sociale de l'Église. Il répond aux questions de Riccardo Cascioli, pour le site de l’Observatoire international cardinal Van Thuan, dont il est le président. Traduction française de Libertépolitique.com. Extraits :
Mgr Crepaldi, dans la confusion politique actuelle, quels sont les critères de jugement qui devraient guider les catholiques ?
Pour les catholiques, la politique n'est pas seulement de la politique. Ils ne voient pas d’abord le jeu politique, souvent si confus et à courte vue, mais dans sa sphère propre la présence d’un sens absolu. En politique, se jouent aussi les valeurs éternelles. [...] D'un point de vue strictement politique, cela signifie qu’il faut défendre et promouvoir les fameux « principes non négociables ». Leur effet est triple. Tout d'abord, ils constituent en eux-mêmes un moyen de défense de la dignité transcendante de la personne. Deuxièmement, ils indiquent un programme de politique générale sur les divers problèmes sociaux. Enfin, ils renvoient la politique à son fondement transcendant. Je crois qu'aucun autre critère, même s’ils sont légitimes, doivent les précéder.
Ces dernières semaines, a été maintes fois soulevée la question du comportement moral de tel ou tel politicien. Du point de vue de la doctrine sociale, que signifie une attitude morale en politique ?
Le problème du comportement moral se pose à deux niveaux. Il y a d'abord le niveau stratégique de la perspective culturelle du programme et de l'histoire du parti de l’homme politique. Ce programme prévoit-il la négation des principes non-négociables ? Quelle est sa culture de référence ? Et son histoire ? Puis il y a le niveau du comportement personnel, celui de la « morale privée ». Bien sûr, l'idéal serait que ce comportement soit moralement acceptable et cohérent aux deux niveaux, dans les deux sens. S'il n’y a pas une telle cohérence, il faut garder à l'esprit que c’est la morale dans le premier sens qui est préférable. Entre un homme politique au comportement personnel irréprochable, mais qui fait de mauvaises lois, par exemple contraire à la protection de la famille et de la vie, et un homme politique au comportement personnel désordonné, mais qui fait de bonnes lois, c’est lui qu’il faut préférer. [...] L'attitude négative de la « moralité privée » ne doit jamais être offerte comme exemple. Mais il faut toujours se prémunir contre le « moralisme », qui peut avoir de nombreuses variantes : déplorer le comportement immoral de l'adversaire politique sur le plan privé après avoir soi-même pendant des années semer une culture de relativisme moral ; profiter des bénéfices de sa position publique pour stigmatiser l’immoralité des autres ; exiger de l'adversaire, avec une rigueur inquisitoriale, une parfaite cohérence entre morale privée et moralité publique, après avoir théorisé et promu le divorce, l'avortement ou les nouvelles « formes » de famille, etc. ; restreindre le concept de moralité publique à seulement certains domaines, comme la corruption, plutôt la violence morale ou familiale sur l'embryon, par exemple, ne sont certainement pas des exemples clairs de moralité publique. Souvent, aujourd'hui, les donneurs de leçons de moralité sont des personnalités politiques qui distribuent la pilule abortive aux mineurs, libéralisent l'usage des drogues ou comparent les couples homosexuels à la famille. [...]"