Réagissant au débat entre les abbés Grosjean et de Tanoüarn paru dans l'Homme Nouveau sur le thème "Les cathos doivent-ils descendre dans la rue ?", Rémi Fontaine écrit :
"Avant de discuter si les cathos doivent ou non descendre dans la rue, la question première à se poser, nous semble-t-il, n’aurait-elle pas été de savoir comment ils peuvent être présents ou représentés dans une société radicalement séculariste, dite « christianophobe » ? Comment peuvent-ils agir dans une société apostate qui pratique de plus en plus l’exculturation catholique sous toutes ses formes y compris par la provocation sacrilège plus ou moins consciente ? (...)
Etre catholiquement visible dans une telle société outrancièrement étrangère, sinon hostile au christianisme, ne peut évidemment pas se faire par mode d’inculturation ou d’enfouissement consentants. Il faut lire ce que dit Benoît XVI aux évêques américains à ce sujet. Cela implique forcément ce que Mgr Rey a nommé une culture de dissidence, dont les us et coutumes peuvent prendre de multiples formes, toutes conformes à la charité (...)
Le fait de descendre dans la rue relève alors en somme d’un « épiphénomène », d’une option tactique pour exprimer publiquement, avec force, cette « contre-culture » (chrétienne) selon l’expression du Saint-Père. Cela appartient à l’ordre prudentiel, toujours plus ou moins relatif et discutable. On pourrait souhaiter néanmoins que, lorsque des représentants du laïcat chrétien, avec un certain suivi, un certain dévouement et une certaine efficacité, prennent l’initiative d’une telle option avec des motifs plus que sérieux, ils ne soient pas systématiquement contrés par des clercs sur la manière dont ils agissent prétendument « sans mandat » (en se faisant traiter en outre d’« intégristes »). Car, en dépit de leurs imperfections inévitables, ce sont les laïcs et leur(s) association(s) en l’occurrence qui ont mission de gérer et défendre le temporel dans un sens chrétien. L’abbé de Tanouärn le dit d’ailleurs fort bien : « Il faut distinguer entre le rôle des clercs et celui des laïcs. Les prêtres doivent inviter à prier, à témoigner, à avoir la fierté du Christ. Mais c’est au laïc, d’une manière qui n’est pas immédiatement subordonnée à l’institution ecclésiale, d’inventer des moyens d’action. »
Jean Ousset s’était justement battu pour que cette distinction soit restaurée à l’intérieur même de l’Eglise, de manière à ce qu’un pouvoir temporel du laïcat chrétien puisse, si possible, s’opposer efficacement au pouvoir temporel (...) du laïcisme agressif, sans contredire ni gêner la mission surnaturelle du pouvoir spirituel, ni se confondre avec lui (...)
Sans qu’il soit question pour nous de négliger la vertu de prudence politique, l’abbé Grosjean paraît aussi donner un peu trop d’importance à la « forme » ou à la « méthode » du témoignage au détriment de sa finalité. Comme si entre les témoins de la contre-culture (de mort) et le pays réel, il n’y avait pas aujourd’hui le prisme déformant des médias désinformateurs, auquel se rangent beaucoup trop de clercs (...)
Ce n’est pas tant le témoignage le plus souvent qui est inopportun que la vérité elle-même qu’il porte, intempestive à notre époque relativiste et subjectiviste ! Ce qui rend les témoins comme les prophètes toujours encombrants, quels qu’ils soient et quelles que soient leurs bonnes méthodes ou leurs maladresses éventuelles. On se souvient ce que lançait un coadjuteur du cardinal de Paris au Pr. Lejeune, ce prince pourtant de la pédagogie : « Vous êtes un mauvais chrétien ! »
Conclusion : faute encore, malheureusement, d’unanimité suffisante des laïcs (et des clercs) chrétiens sur le moyen d’action et le rassemblement nécessaire, on souhaiterait un respect des clercs (au moins par un pieux silence !) vis-à-vis de ces témoins minoritaires qui mènent à l’évidence le bon combat, à la manière des catholiques en Italie (...)"