"La vente des églises en France n'est plus taboue. A Saint-Quentin, dans l'Aisne, c'est Sainte-Thérèse, et son terrain constructible de 5 000 m2, qui est à vendre au prix de 590 000 euros. Plantée au coeur d'un quartier ouvrier, sur un petit promontoire, encore majestueuse, avec son dôme en cuivre et son style art déco et néobyzantin, l'église n'aura guère été utilisée. Achevée en 1937, elle a fermé ses portes il y a deux ans. [...] Le diocèse se sépare également d'une autre Sainte-Thérèse, près de la Belgique, à Hirson, imposante église, mise à prix 245 000 euros. L'évêché a donné mandat à une société immobilière spécialisée dans les vieilles pierres, qui s'affirme sourcilleuse sur le devenir et la préservation des bâtiments. L'agence Patrice Besse propose des dizaines d'églises, chapelles, presbytères ou couvents dans toute la France.
Juridiquement, depuis la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat, les diocèses sont propriétaires des édifices construits après 1905, environ trois mille édifices. Les communes prennent en charge le reste du patrimoine, c'est-à-dire l'essentiel, environ quarante-cinq mille biens, édifiés antérieurement à 1905. Le droit canonique autorise la désaffectation d'une église et sa réduction à un usage profane lorsqu'il " n'est plus possible de la réparer " ou que " des causes graves conseillent qu'une église ne serve plus au culte divin ". Le droit français évoque encore comme cause possible la non-célébration du culte plus de six mois consécutifs et l'insuffisance d'entretien.
La désaffectation, qui est irréversible, est prononcée par arrêté préfectoral pour les édifices appartenant aux communes. Les diocèses, propriétaires privés, sont eux dispensés de cette démarche. Cependant, pour être vendue, toute église doit être désacralisée par décret de l'évêque qui rappelle que l'usage profane ne devra " pas être inconvenant ". [...]
Dans un document datant de 2009, l'assemblée [des évêques de France], qui regroupe évêques et cardinaux, estimait cependant à cent quarante-quatre le nombre des églises communales désaffectées depuis 1905. Trente avaient été détruites, quarante-quatre transformées pour un autre usage et cinq vendues pour en faire des habitations. [...]
L'Observatoire du patrimoine religieux, une association de sauvegarde, s'est alarmé de l'état du patrimoine religieux français. Selon ses calculs, et compte tenu de la crise financière, cinq mille à dix mille édifices religieux pourraient être vendus, détruits ou abandonnés avant 2030. Deux cents églises seraient immédiatement concernées en France métropolitaine. L'association cite notamment trois édifices à Paris, " menacés " de destruction ou de " privatisation ", l'église Sainte-Rita, dans le 15e arrondissement, la chapelle de l'hôpital Saint-Vincent-de- Paul, dans le 14e arrondissement, en cours de reconversion, et celle de l'ancien hôpital Laennec, vendue par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à un promoteur. [...]"