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Egypte : le président sous les ordres des Frères Musulmans
Euthanasie : encore une proposition de loi

A propos de la liberté religieuse

Benoît-et-moi a traduit un article intéressant du professeur italien Roberto de Mattei. En voici des extraits :

"Parmi les slogans du langage «politiquement correct», il y a le terme de liberté religieuse, parfois improprement utilisé par les catholiques comme synonyme de liberté de l'Église ou de liberté des chrétiens. Il s'agit en réalité de termes et de concepts distincts, sur lesquels il convient de faire la clarté. L'ambiguïté, présente dans la Déclaration conciliaire Dignitatis humanae, découle d'une absence de distinction entre le for intérieur, qui est le domaine de la conscience personnelle, et le for extérieur, qui est la sphère publique, c'est-à-dire la profession et la propagation publique de ses propres convictions religieuses.

L'Eglise, avec le Pape Grégoire XVI, dans l'encyclique Mirari Vos, avec Pie IX dans le Syllabus (note d'accompagnement de l'encyclique Quanta Cura) et Quanta Cura (1864, condamnation des erreurs politico-religieuses du XIXe siècle) , mais aussi avec Léon XIII dans Immortale dei (1885, sur la constitution chrétienne des Etats) et Libertas (1888, sur la liberté humaine), enseigne que:

  1. Dans le for intérieur, nul ne peut être contraint à croire, parce que la foi est un choix intime de la conscience de l'homme.
  2. Dans le for extérieur, l'homme n'a pas droit à la liberté religieuse, c'est-à-dire à la liberté de professer et de diffuser une religion, parce que seule la vérité, et le bien et non pas le mal et l'erreur, ont des droits.
  3. Le culte public de fausses religions peut éventuellement être toléré par les pouvoirs civils en vue d'un plus grand bien à obtenir ou d'un plus grand mal à éviter, cependant, par lui-même, il peut être réprimé par la force si nécessaire. Mais le droit à la tolérance est une contradiction, parce que, comme il ressort du terme lui-même, ce qui est toléré n'est jamais le bien, c'est toujours et uniquement le mal. Dans la vie sociale des nations, l'erreur peut être tolérée comme un fait, jamais admise comme un droit. L'erreur «n'a objectivement aucun droit, ni à l'existence, ni à la propagande, ni à d'action» (ndt: Pie XII, Discours aux juristes catholiques italiens , 1953).

En outre, le droit d'être libre de toute coercition, c'est-à-dire le fait que l'Eglise n'impose la foi catholique à personne, mais exige la liberté de l'acte de foi, ne naît pas d'un présumé droit naturel à la liberté religieuse, c'est à dire d'un présumé droit naturel à croire en n'importe quelle religion, mais il est fondé sur le fait que la religion catholique, la seule vraie, doit être embrassée librement et sans aucune contrainte. La liberté du croyant est fondée sur la vérité crue et non pas sur l'autodétermination de l'individu.

Le catholique, et seulement le catholique, a le droit naturel de professer et de pratiquer sa religion et il l'a parce que sa religion est vraie. Cela signifie qu'aucun autre croyant en dehors du catholique n'a le droit naturel à professer sa religion. La contre-preuve est donnée par le fait qu'il n'y a pas de droits sans devoirs, et vice versa. [...]

Comparer le droit à la liberté religieuse au droit à la vie, les considérant tous les deux comme des droits naturels, cependant, n'a pas de sens. Les trois (quatre?) premiers commandements du Décalogue, en effet, ne se réfèrent pas à un dieu quelconque, mais seulement au Dieu de l'Ancien et du Nouveau Testament. Du premier commandement qui impose d'adorer l'unique vrai Dieu naît le droit et le devoir de professer non pas n'importe quelle religion, mais l'unique vraie religion. Et cela s'applique à la fois à l'individu et à l'État. L'État, comme chaque individu, a le devoir de professer la vraie religion, parce qu'il n'y a pas d'autre fin de l'Etat que celle de l'individu.

La raison pour laquelle l'État ne peut contraindre personne à croire ne naît pas du principe de la neutralité religieuse de l'Etat, mais du fait que l'adhésion à la vérité doit être totalement libre. [...] Certains soutiennent qu'aujourd'hui, nous vivons de fait dans une société pluraliste et sécularisée, les États catholiques ont disparu, et l'Europe est un continent qui a tourné le dos au christianisme. Le problème concret est donc celui des chrétiens persécutés dans le monde, et pas de l'Etat catholique. Personne ne le nie, mais la constatation d'un fait n'est pas équivalent à l'affirmation d'un principe. Le catholique doit désirer de toutes ses forces une société et un État catholique où le Christ règne, comme l'a expliqué Pie XI dit dans l'encyclique Quas Primas (1925, sur la Royauté Sociale de Jésus-Christ).

La distinction entre la «thèse» (le principe) et «l'hypothèse» (la situation réelle) est connue. Plus on est forcé de subir l'hypothèse, plus on doit essayer de faire connaître la thèse. Ne renonçons donc pas à la doctrine de la Royauté sociale du Christ: parlons des droits de Jésus-Christ à régner sur la société toute entière, et de Son Royaume comme la seule solution aux maux modernes. Et au lieu de nous battre pour la liberté religieuse, qui est l'égalité juridique de la vraie religion avec celles qui sont fausses, luttons pour la défense de la liberté des chrétiens, aujourd'hui persécutés par l'islam en Orient, et par la dictature du relativisme en Occident."

Commentaires

C.B.

Néanmoins, je n'ai jamais entendu dire que, dans une famille catholique, on essaie de tuer un ex-catholique qui s'est converti à autre chose (on prie pour lui et pour son retour au bercail, ce qui n'est quand-même pas la même chose).
Ce qui est loin d'être le cas ailleurs.
http://www.christianophobie.fr/television/la-persecution-des-chretiens-sur-direct8

Denis Merlin

Le Pape Benoît XVI lui-même dit que la liberté religieuse est un droit naturel. Ce droit est un droit de la personne. Seule l'Eglise enseigne la vérité totale, elle enseigne cependant qu'elle reçoit aussi la vérité des humains en général sans distinction de croyances, mais cela ne veut pas dire que l'Etat peut enseigner la foi catholique.

D'ailleurs à quel titre un laïc, un simple particulier, voire un magistrat (au sens antique) pourrait intervenir dans les affaires religieuses, dans les affaires théologiques des autres particuliers ou groupements s'il ne peut invoquer un mandat de l'Eglise ?

Le titre dès lors serait la bonne opinion qu'il a de ses opinions. En réalité, le seul titre qu'un laïc peut avoir à la contrainte est cette loi inscrite dans le cœur de tout homme : "ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'ils te fassent."

Au lieu de tenter de condamner un pape au moyen des textes d'un autre pape, tâchons plutôt de saisir l'entier enseignement des Souverains pontifes qui sont naturellement cohérent en tachant de concilier ce qui nous semble inconciliable en raison de la faiblesse de notre culture et de notre intelligence.

Il est conforme à la raison cependant que ceux qui s'opposent à la vérité de la liberté religieuse n'ont pas de titre à enseigner leurs erreurs. Dans un Etat bien constitué ces menées contraires à la raison et à la morale devraient être réprimées.

clovis

Magnifique exposé de la vérité qui, pour claire qu'elle soit, n'en demeure pas moins "au fond du puits " où il faut aller la chercher comme l'eau claire.

Cet effort, nos évêques qui impriment des tracts en arabe pour souhaiter aux musulmans un "fructueux" (?) ramadan ( à Nanterre!), ou qui sont actifs dans le SRI, cet effort, sont-ils prêts à le faire? Ils devraient l'avoir fait depuis longtemps au cours de leur formation. Heureusement il y a les laïcs! Ce n'est peut-être pas le monde à l'envers mais enfin on aimerait que tous nos pasteurs connaissent aussi bien la religion que NS père le Pape et que certains laïcs. Est-ce trop demander?

Lati

Très bon rappel !
Et excellent résumé de la question.
Grand merci !

Agnès

"la religion catholique, la seule vraie"

OUI, pour un catholique... Le problème c'est que le musulman pense la même chose, idem pour le juif, le bouddhiste, etc.

Donc, dans un pays comme la France (mais c'est à peu près la même chose dans toute l'Europe), l'Etat ne peut QUE respecter "la liberté religieuse" de chacun des citoyens. Il n'a aucun moyen d'imposer une religion plutôt qu'une autre et, dans un sens, c'est mieux comme ça, non ?

Emmanuel

L’absence de distinction entre le for intérieur et le for extérieur dans Dignitatis Humanae est présenté par Roberto de Mattei comme une ambiguité laquelle il tient comme point de départ pour développer la réflexion contenue dans son article.

Je suggère que c’est là une aspect très intéressant de Dignitatis Humanae que de ne justement pas faire cette distinction. En effet, comment déterminer et qui décidera de ce qui relève de l’un ou de l’autre? La conscience personnelle est ce qui produit la sphère publique.

Enfin, on notera en passant que la réflexion du Professeur de Mattei fait la part belle à certains textes à l’exclusion de Dignitatis Humanae d’où il puise pourtant le point de départ de sa réflexion. S’il l’avait fait, l’on aurait pu ainsi aborder une quantité d’éléments qui explicitent et développent la notion de liberté religieuse. Dommage, et peut-être pas très honnête.

Thibaud

Cet excellent article oublie juste un document d'importance mineure "Dignitatis Humanae" proclamée en 1965 par le Synode Aventin III ou le Concile Vatican II, je ne sais plus en tout cas c'est l'une des collines de Rome.

Ce texte méconnu aurait précisé la doctrine de l'Eglise sur les droits de tous les fils d'Adam qu'ils soient déjà adeptes de la vraie religion (le christianisme catholique) ou d'une des fausses religions ou d'aucune. Il paraîtrait même que des catholiques de faible importance (un certain Karol Woljtyla, prêtre polonais, contre l'Union Soviétique et les autres régimes communistes, un certain Joseph Ratzinger, par la suite) aurait utilisé le concept de "liberté religieuse" pour défendre les chrétiens persécutés dans le monde. Etranges rumeurs.

Donc oui, je me moque, parce que faire un article qui joue l'herméneutique de rupture en faisant semblant d'ignorer l'existence du Concile Vatican II et le développement de la doctrine catholique apostolique sur la liberté religieuse (qui signifie : "Le christianisme tel qu'enseigné par l'Eglise catholique est la seule vraie religion et tout homme a le devoir de rechercher la vérité (= le catholicisme) et quand il l'a trouvé, de mettre sa vie en conformité avec elle. Par conséquent, pour pouvoir rechercher la vérité, il faut la liberté religieuse garantie par l'Etat, qui doit permettre à tous les hommes de rechercher la vérité") c'est un peu du foutage de gueule. Et du sédévacantisme de couard.

Il faut que les catholiques connaissent la doctrine catholique de la liberté religieuse enseignée par Vatican II et les papes de Paul VI à Benoît XVI, quand on voit le niveau déplorable de certains commentaires qui oscillent entre négation de Dignitatis Humanae (schisme sédévacantiste) et hérésie indifférentiste (chère Agnès) condamnée également par Vatican II et tous les papes de Paul VI à Benoît XVI.

Cril17

Ciel ! Commencerions-nous à voir la lumière au milieu de nos ténèbres ?

jean.belmondo

le N°2 est faux,
il insinue que Vatican II enseignerait un "droit" à répandre l'erreur
or Vatican II, dignitatis humanae enseigne le droit de suivre sa conscience et les devoirs de
N°1 chercher la vérité
N°2 y adhérer quand on la trouver
les papes du XIXème ont condamné la liberté de faire n'importe quoi
Dignitatis Humanae encourage la liberté de suivre notre conscience

Benjamin

Thibaud, je ne vois pas ce que vous pouvez reprocher au fond de l'article, indépendamment de la démarche de Roberto de Mattei.

Même si l'on admet un développement doctrinal homogène avec Dignitatis Humanae, il va sans dire que la Déclaration sur la liberté religieuse ne peut pas aller contre, par exemple l'encyclique Libertas de Léon XIII.

DH peut dire autre chose que Léon XIII, mais pas une chose contraire à Libertas. Sans quoi, nous ne serions pas confrontés à un développement doctrinal homogène, mais à une vérité essentiellement changeante, ce qui n'a aucun sens.

Auquel cas, même si l'interprétation de DH demeure souvent difficile, il est clair que professer la doctrine (je ne parle pas ici de l'option pastorale, c'est évident), disons de Pie XII, ne peut pas revenir à contredire DH, et réciproquement.

Pourquoi donc faudrait-il s'interdire de parler comme Pie XII ? En 2012, on peut parler sans risque comme saint Pierre et saint Paul: le désenveloppement du dogme n'implique aucunement que nous les condamnions.

Jean Theis

Toujours aussi flou dans mon esprit, mais l'injonction de la dernière phrase est excellentissime.

Denis Merlin

Il faut être très attentif, car vouloir « parler comme Pie XII » peut conduire à parler en pratique contrairement à ce que dit PIe XII.

Qu'on réfléchisse à ce seul fait que dans l'Eglise coexistent plusieurs écoles théologiques qui peuvent parfois se contredire, sans cesser d'être catholiques. Je pense que monsieur Mattei est fort imprudent dans son exposé.

Dans son discours Pie XII parle d'un mandat positif d'enseigner une erreur religieuse ou morale. Il dit aussi que l'autorité, parfois, non seulement doit tolérer, mais encore n'a pas le DROIT d'interdire.

PR

Si la foi catholique est la vérité, ce que je crois, alors utiliser la répression pour l'imposer est mauvaise chose car la vérité n'a pas besoin de loi pour être proclamée. Est-ce qu'on imagine des lois pour proclamer que le théorème de Pythagore est juste ou la théorie de la relativité. Si on se place sur le terrain de la vérité objective, celle-ci se suffit à elle-même. Si la foi catholique régresse en Occident, c'est parce que les catholiques ne sont pas à la hauteur de leur mission : l'enseignement du catéchisme s'est faite dans les années 1980 dans de nombreux diocèses sur la base de ce que mai 68 avait imaginé de pire en termes de pratiques pédagogiques... Que des millions de catholiques ne connaissent pas leur religion et donc la défende mal est logique. Ce n'est pas en prônant la répression des autres religions qu'on améliorera en rien la situation du catholicisme en France. Les Français ne sont pas un peuple du moyen orient, il ne faut pas les encourager à se comporter aussi mal. C'est parce que les catholiques ne bougent pas le petit doigt dans leur écrasante majorité que le catholicisme recule en France et en Europe. C'est notre faute, notre très grande faute. Il suffirait qu'un catholique sur quatre ou cinq se bouge un peu, travaille à convertir, après s'être converti lui même, pour que les choses changent. Il faut être lucide et le meilleur moyen pour cela est de regarder nos fautes. Ceux qui s'imaginent qu'en utilisant la loi ou le prestige public, on fera avancer la vérité, desservent la vérité. C'est l'inverse qui a permis la christianisation de l'Europe et cela a commencé par des martyrs chrétiens. Et il est très vrai que dans son discours Pie XII parle d'un mandat positif d'enseigner une erreur religieuse ou morale. Il dit aussi que l'autorité, parfois, non seulement doit tolérer, mais encore n'a pas le DROIT d'interdire. Par pitié, ne donnons pas d'argument à ceux qui parlent n'importe comment de l'Inquisition. Ce thème de la liberté religieuse est un dada de la FSSPX qui dogmatise ce qui ne relève pas du dogme. La répression des fausses religions n'est pas un dogme de l'Eglise catholique.

Paul

D'accord avec Agnès. Allez poster cet article ailleurs qu'ici et essayer d'apporter des arguments dans une discussion, bon courage ! On ne va convaincre personne avec des sentences peremptoires du genre " la religion catholique, la seule vraie" - Qu'en savez-vous ??
Adorer Dieu en esprit et en VERITE n'est-ce pas plutôt "en étant sincérèment et de tout notre coeur tourné vers Dieu, dans l'intention d'adorer DIEU, quelle que soit notre compréhension de LUI ?"

Un catho pratiquant, mais qui laisse à Dieu seul décider de la Vérité

Benjamin

Cher Denis,

Je partage votre remarque, tout à fait intéressante.

Pour souligner la complexité du problème, je crois que nous devons cependant aussi noter que le devoir de tolérance en certaines circonstances implique, de fait, le devoir de répression en bien d'autres.

Cela ne devrait absolument pas choquer un catholique. Si l'on suit la thèse du P. Basile Valuet du Barroux, principal ouvrage de défense de Dignitatis Humanae à ce jour, il n'y avait rien d'illicite dans les thèses de saint Thomas d'Aquin sur la répression des hérétiques. Malheureusement, force est de constater que beaucoup de catholiques utilisent DH afin de rompre avec la doctrine de l'Eglise et sa pratique millénaire. Sans s'en rendre compte, nous sommes souvent imprégnés par l'esprit du monde contemporain à ce sujet.

De même est-on assez stupéfait de lire, dit-on d'un catholique pratiquant, que nous ne pouvons pas savoir si Jésus-Christ est bel et bien le Seigneur ! Cela me fait, à dire vrai, quelque peu mal au coeur.

Varennes

Remarque 1 : il s'agit uniquement du magistère pré vatican II ce qui prouve bien une rupture magisterielle qu'il faudra un jour trancher.
Remarque 2 : les commentaires divergents montrent que des catholiques de bonne foi sont en opposition sur un sujet majeur.

Conclusion : vivement Vatican III et le retour du magistère infaillible et prions pour le Saint Pere qui est le premier enseignant.

Antoine

@Benjamin : vous voyez des contradictions entre des textes qui ne sont pas sur le meme plan et n'ont pas la même autorité : d'une part le plan pastoral, où les papes décident selon les besoins des temps et sans infaillibilité, et d'autre part le plan du magistère infaillible, où les papes et les conciles unis au pape affirment une vérité sur la foi et les moeurs, universelle et infaillible.

Sur la liberté religieuse, les papes des XIX et première partie du XXeme, avaient exprimé des avis à valeur pastorale, importants pour leur temps, mais ne constituant pas de dogme.

Le magistère infaillible, reprenant et approfondissant ces questions, a tranché lors du concile VII. Certes l'Esprit Saint est surprenant lorsqu'il semble prendre à contre-pied les affirmations pastorales antérieures de bons papes. Un catholique, au contraire d'un protestant, ne se prend pas pour le pape. Et Jésus ne nous a pas laissés seuls face aux controverses endurcies des théologiens. Pour comprendre la juste interprétation des décisions du magistère sur la liberté religieuse, il convient de faire confiance au pape Benoit XVI.

Denis Merlin

Cher Benjamin,

Merci de votre commentaire.

Je pense en revanche qu'une piste sérieuse se trouve dans l'article 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Selon cet article, il existe une vérité de l'homme, par ailleurs seul animal religieux ; cette vérité est obligatoire. Cela fonde l'interdiction de la répression, des opinions contraires à cette vérité.

Si je diffuse un livre qui prétend que Dieu a ordonné de tuer les hérétiques ou ceux qui ne partagent pas mon opinion religieuse, mon opinion doit être interdite et les magistrats doivent me condamner et les autorités doivent interdire mon livre.

Mais le domaine de l'autorité laïque n'est jamais la théologie surnaturelle, l'autorité laïque n'a pour domaine que le droit naturel qui peut être religieux. Ainsi, si je prône l'assassinat en masse, si je prône le mépris de la liberté de l'homme, mon opinion doit être interdite. C'est d'ailleurs ce que nous vivons aujourd'hui où des lois répressives interdisent, par exemple, l'appel à l'assassinat, l'appel à la discrimination selon les opinions religieuses. Certes, ces lois répressives pourraient être affinées et plus respectueuses de l'homme, mais elles existent et elles ne sont pas toutes mauvaises. A ce propos ceux qui disent "le racisme n'est pas une opinion, c'est un crime." nient la réalité car ils sont relativistes et pour eux toutes les opinions sont sacrées, donc ils nient l'évidence pour justifier la répression, tout en gardant leur précieux relativisme. Mais leur slogan est absurde car l'appel à la haine raciale est fondé sur une opinion illicite.

C'est pourquoi les deux textes, celui de Pie XII qui s'adresse aux juristes et personnes exerçant une autorité et Dignitatis humanæ qui enseigne que la liberté religieuse est un droit naturel (donc du même genre que le droit à la vie) sont parfaitement compatibles.

Nous ne pouvons pas entrer dans les détails de l'analyse comparative des deux textes faute de place, mais l'étude serait intéressante à faire.

Je conclus en disant que je ne suis pas du tout d'accord avec monsieur De Mattei ne serait-ce que parce qu'il ose clouer au pilori l'enseignement du Pape actuel qui ne peut manquer de cohérence avec celui de Pie XII (Le manque de cohérence entre l'enseignement de Pie XII et celui des papes plus récents est la croyance commune des "progressistes" et des lefebvristes).

Denis Merlin

Je rectifie :

Je pense en revanche qu'une piste sérieuse se trouve dans l'article 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Selon cet article, il existe une vérité de l'homme indéniable, par ailleurs seul animal religieux ; cette vérité est obligatoire. Cela fonde la répression, des opinions contraires à cette vérité de l'homme.

Denis Merlin

@ Varenne et Antoine : non, les deux enseignements sont infaillibles et cohérents entre eux. Il faut "simplement" approfondir, se cultiver, surtout en matière juridique.

Ainsi le Syllabus infaillible est fondé sur la liberté religieuse, droit universel de l'homme, que combattaient et combattent encore les laïcistes. Je suis le seul à le dire à ma connaissance, mais je crois cela parfaitement vrai. Je me suis fait traiter de fou pour cette raison, mais cela n'a pas d'importance.

Annie

@ Antoine
Vous semblez penser que la déclaration "Dignitatis humanae" de Vatican II serait infaillible, tandis que les textes de Pie IX, Léon XIII etc. sur la même question ne le seraient pas, n'ayant qu'une valeur pastorale.

Je suis exactement de l'avis contraire.
Paul VI a explicitement dit que Vatican II n'avait promulgué aucun dogme infaillible. Et il a tenu à préciser que c'était un concile "pastoral".

En revanche, les grandes encycliques "Libertas" et "Immortale Dei" de Léon XIII (par exemple) ne précisent nullement qu'elles donneraient seulement un enseignement passager dépendant des circonstances. Elles prétendent bien donner la doctrine immuable !

Donc, d'accord avec vous sur le principe : il faut soigneusement distinguer
- le plan pastoral, où les papes décident selon les besoins des temps et sans infaillibilité,
– et le plan du magistère infaillible.

Mais en revanche la conclusion à tirer de ces principes me semble être exactement le contraire de la vôtre !
(NB : d'autant plus que « les papes des XIX et première partie du XXeme », comme vous dites, ne font, sur cette question, que reprendre l'enseignement de saint Thomas, qui reprend lui-même celui de saint Augustin !)

Thibaud

Exposer la doctrine catholique sur la liberté religieuse aujourd'hui, à la lumière de Dignitatis Humanae, des autres enseignements de Vatican II, des Papes de Paul VI à Benoît XVI, mais aussi de l'enseignement des Conciles et des Papes d'avant 1962 ? Très bonne démarche d'herméneutique de la continuité permettant de rappeler que la liberté religieuse défendue par l'Eglise catholique signifie reconnaître un droit de l'homme conféré par Dieu et un devoir de rechercher la Vérité et non pas "donner des droits de l'erreur" et encore moins reconnaître que "toutes les religions se valent" (hérésie indifférentiste, condamnée par l'Eglise de la Pentecôte 33 à 2012 inclus et jusqu'à la fin des temps).

Ce n'est pas ce que fait cet article qui fait semblant d'ignorer l'existence de Vatican II pour présenter une version incomplète de l'enseignement de l'Eglise oubliant les éléments qui déplaisent à l'auteur (herméneutique de rupture).

Cette démarche est comparable à celle d'un auteur qui n'aimerait pas les enseignements de Vatican I sur l'infaillibilité pontificale et qui ferait semblant d'ignorer l'existence de ce concile et présenterait l'enseignement pré-Vatican I de l'Eglise sur cette question.

Benjamin

@ Antoine : malheureusement, il n'en est pas simplement ainsi. D'une part parce que Quanta Cura peut être reçue comme infaillible, que l'enseignement constant du Magistère implique le développement doctrinal (et non simplement pastoral), enfin que le Concile Vatican II n'a pas engagé l'infaillibilité, mais le seul magistère authentique (qui ne requiert pas une adhésion de foi).

Le problème de Dignitatis Humanae est donc loin d'être résolu, malheureusement.

@ Denis Merlin: vous avez raison d'orienter la discussion sur les possibilités/impossibilités de répression. C'est là le noeud du problème. Une interprétation de DH demeure nécessaire, avec de nombreuses précisions, quant à l'ordre public juste, le rapport au bien commun, la dignité ontologique (DH) et la dignité opérative (Libertas), la conscience, ... Il est clair en tout cas que l'homme étant tenu de chercher la Vérité, il est possible de réprimer celui qui ne la cherche pas et, pour autant, fait oeuvre de propagande religieuse: on voit cependant comme la Déclaration, alors, devient vague et finalement contre-productive, ce qui n'est pas un petit paradoxe. Songeons ainsi au phénomène de la ré-islamisation, où la quête de la Vérité semble souvent sans importance au regard de l'adhésion communautaire, etc.

Ces questions me semblent redoutables à traiter.

La Déclaration souffre à l'heure actuelle d'une grande confusion, même au plus haut niveau: sans quoi aucun catholique n'aurait à avoir cette discussion.

De même ne peut-on dire que DH ne pose aucun problème matériel: précisément, la matérialité de la Déclaration est si problématique, que l'on ne parvient pas à déterminer l'exactitude formelle ! C'est ce que dit l'herméneutique de la continuité, en langage diplomatique: elle entend prouver (mais quand ?) la continuité de l'enseignement pontifical. Cela sous-entend deux choses: 1) la continuité est certaine; 2) la continuité n'est pas matériellement évidente. Je crois que nous pouvons tous sans polémique convenir de cela.

On ne peut d'ailleurs en être étonné lorsque l'on sait que l'un des principaux experts pour DH fut le P. Murray, qui fit l'objet de condamnations dans les années 1950 en raison de son libéralisme doctrinal. Ce dernier n'a-t-il pas d'ailleurs déclaré que DH était un texte libéral/américaniste ? Finalement, le texte de DH que nous lisons est une sorte de champ de bataille, où les tensions entre experts sont pour le moins palpables, matériellement parlant. Bien sur, le texte que nous devons recevoir n'est pas celui du P. Murray, mais celui du Concile: cela ne supprime malheureusement pas toutes les difficultés qui peuvent, de fait, être consubstantielles à cet accouchement difficile.

Je me joins donc au commentaire de Varennes sur la nécessité d'une clarification infaillible.

Antoine

@Annie et Benjamin : Bien que le Concile VII ait eu, dans l'intention de Jean XXIII en le convoquant avant sa mort, un objet pastoral, l'Esprit Saint a manifestement voulu donner davantage à l'Eglise. Le pape Paul VI a approuvé les textes du Concile qui comprennent explicitement deux "Constitutions Dogmatiques". Et on peut constater en effet que ce Concile a défini divers points de doctrine, notamment sur la liberté religieuse (mais aussi sur les buts du mariage, la présence de certaines semences de l'Esprit Saint dans les religions qui ne donnent pas le salut, l'Ordre et les évêques, ...).
S'il devait subsister un doute sur la valeur dogmatique de l'enseignement de VII sur la liberté religieuse, au vu de contradictions éventuelles réelles ou supposées avec des textes antérieurs, c'est vers le magistère vivant c'est à dire le pape qu'il faut se tourner. Or nous voyons dans l'enseignement du pape Benoit XVI une pleine cohérence avec les affirmations de VII sur la liberté religieuse. Là est donc la vérité de foi pour un catholique, qui ne mettra pas en doute l'enseignement du pape, cherchera à partir de ce repère solide à approfondir ces questions et saura reconnaître humblement qu'il ne comprend pas tout.

Dès lors qu'on lâche le repère solide que le Christ nous donne en Pierre, nos petites barques partent en tous sens. Il suffit de voir sur ces questions, les batailles acharnées d'esprits brillants qui, tous plus savants que le pape, s'opposent et se perdent en infinies divisions.

Denis Merlin

La liberté religieuse n'est pas un dogme, car sa véracité peut être découverte par la raison. L'Eglise ne fait que confirmer les résultats de la raison, c'est pourquoi "Dignitatis humanæ" est une "déclaration" et pas autre chose.

Libertas ne parle pas de "dignité opérative", donc limitée. La dignité vient de la nature de l'homme, elle est donc inamissible en lui car elle vient de sa vocation transcendante.

D'autre part, il n'y a aucun besoin de "clarification". L'enseignement de l'Eglise est clair et cohérent. Le Syllabus est également fondé sur la raison au moins sur plusieurs points. L'Etat catholique, qui doit respecter la liberté religieuse, est aussi une possibilité rationnelle et morale et juridique.

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