Euthanasie : "Chaque minute offerte à l'irréversibilité de la mort est arrachée à la liberté de l'homme"
27 juillet 2012
A lire cette tribune d'un médecin parue dans le Monde :
"Avançant avec prudence sur le difficile dossier de la fin de vie, le président François Hollande a confié au professeur Didier Sicard une mission chargée d'évaluer la nécessité de modifier la législation actuelle. Si, en effet, "la question de la fin de vie n'appartient pas aux médecins", la manière dont l'ancien président du comité consultatif national d'éthique, dans un entretien au journal Le Monde, aborde cette nouvelle "mission" ne peut manquer de les interpeler.
L'humble praticien que je suis éprouve quelque scrupule à devoir nuancer les propos d'un confrère aussi éminent et respecté que le professeur Sicard pour rappeler que les médecins ne sont pas seulement "exécutants du soin", mais qu'ils en sont les maîtres d'œuvre. C'est cela qui les distingue de simples "techniciens de santé", chargés d'appliquer des "protocoles" préétablis ou les prescriptions des autres. Le délicat arbitrage entre le désir de guérir et le souci de ne pas nuire, entre la volonté de soulager la souffrance et le devoir de préserver la vie, entre le respect de la liberté du malade et la prévention de l'irréparable est, en deçà même du contexte douloureux des derniers instants, au cœur de chaque acte médical ; il est, entre science et humanité, l'essence de ce métier, il en fait la difficulté et la grandeur.
Le souhait des professionnels de ne pas paraître "confisquer le débat", d'ouvrir celui-ci à une dimension "sociétale", de donner à leur décision, dans les cas difficiles, un caractère plus collégial, ne doit pas les conduire à se déprendre de leurs prérogatives. Car la médecine ne récolte jamais en ce domaine que la rançon de ses propres succès. Ce sont ses progrès, porteurs d'un fallacieux sentiment de toute puissance, conjugués à l'effacement d'autres médiations, notamment religieuses, qui ont fait naître chez nos contemporains des exigences nouvelles, face à la crainte millénaire de la souffrance, au refus de la déchéance et au désir de maîtriser intégralement leur destin dans une société dont le plaisir serait la seule loi. Et si tous, patients, familles, militants associatifs, magistrats, responsables politiques ou religieux, voudraient aujourd'hui prendre part au débat et à la décision, ou imposer leur conception de la "dignité", c'est bien du médecin que tous attendent, en définitive, la "solution" et c'est sur lui que tous feront peser l'ultime responsabilité.
Le professeur Sicard juge "intéressantes" les "expériences" menées en Belgique, aux Pays-Bas ou en Suisse, comme si l'interdit fondamental de donner la mort qui s'impose au médecin et à tout homme pouvait être relativisé et subordonné à des différences de "culture". Si des candidats au suicide assisté ont pu, en effet, franchir nos frontières pour mettre leur funeste projet à exécution dans ces pays où la loi l'autorise, ne voit-on pas, à l'inverse, des ressortissants de ces mêmes pays venir se réfugier sur notre sol dans la crainte d'être victime chez eux d'un excès de zèle compassionnel ? Cette disparité des législations européennes sur une matière aussi fondamentale porte atteinte à la notion même de "droits de l'homme" dont notre continent se réclame ; elle n'est pas une richesse mais une tache, elle n'est pas une légitime diversité de "cultures", elle constitue une fracture morale.
La judiciarisation croissante du champ médical, l'intrusion de plus en plus fréquente de tiers délibérant ou jugeant dans la relation de soin, la prolifération des normes, des procédures ne sont pas source d'apaisement et ajoutent au contraire à des situations éprouvantes par nature la nécessaire complexité de leur mise en œuvre. Elles conduisent patients, médecins et familles à des anticipations anxiogènes et culpabilisantes, elles les enferment dans des positions de principe qui, paradoxalement, entravent leur liberté. La première n'est-elle pas celle de changer d'avis ? Quel crédit accorder alors aux "volontés" exprimées préventivement lorsque l'intéressé n'est plus en état de les valider hic et nunc ? Chaque minute offerte à l'irréversibilité de la mort est arrachée à la liberté de l'homme.
Il serait à déplorer qu'à peine – et pas encore partout – chassée de l'arsenal répressif, la mort administrée retrouve place dans nos lois sous un masque "compassionnel". Craignons de voir un jour instaurés des tribunaux "citoyens" de la fin de vie et des médecins devenir les exécuteurs de leurs sinistres sentences".
que voilà un médecin sage qui n'adhère pas manifestement à la religion (bientôt obligatoire ?) du progrès contre l'humanité.
On constate ,sans surprise , que c'est dans le monde et pas dans le Figaro.
Ce qui confirmerait, au cas où besoin serait, que le clivage "moderne" , pour reprendre le terme accaparé par la "bien-pensance", n'est plus entre la "gauche" parvenue et la "droite" délitée, mais entre homme libres respectueux de la loi naturelle et représentants du marketing néo-"humaniste".
Rédigé par : Sancenay | 27 juillet 2012 à 10:19
Dans l'océan d'âneries que l'on entend de toutes parts (et surtout chez les catholiques) au sujet de l'euthanasie, voici ENFIN des paroles sensées.
Rédigé par : Kral | 27 juillet 2012 à 11:48
Il est proclamé que les Hollandais sont ravis de pouvoir être euthanasiés. Pourquoi alors beaucoup de leurs citoyens âgés se réfugient dans des pays moins avancés, tout près de la frontière pour garder des liens familiaux ?
Rédigé par : Jean Theis | 27 juillet 2012 à 17:18
Le film d'anticipation "SOLEIL VERT" décrivait une société surprotégée, surveillée, dictature où, faute de nourriture normale, on donnait à manger des cadavres transformés en "biscuits vitaminés".Or, à un certain âge, dans ce film, les membres de cette société se voyaient convoquer dans des centres d'euthanasie et c'est leurs cadavres qui étaient transformés en aliments appelés "soleils verts".J'étais jeune quand vis ce film au cinéma, c'est un de ceux qui m'impressionnèrent le plus défavorablement.Arrivons nou bientôt vers la réalisation de ces cauchemars, une société déchristianisée où même le mal parait bien aux êtres humains ?
Rédigé par : Julien | 28 juillet 2012 à 15:55