"Nous, chrétiens du Moyen-Orient, nous nous sentons abandonnés par l'Occident"
31 août 2012
"L'un des paradoxes de la crise syrienne est que les monarchies du Golfe, qui sont majoritairement sunnites, cherchent à renverser le régime syrien pour des raisons religieuses. Et les pays occidentaux, au lieu de refuser le sectarisme et de tenter une médiation, soutiennent les pays de Golfe à cause du pétrole. Nous devons nous demander pourquoi l'Occident - une communauté de pays qui se disent laïcs, composée de sociétés fondées sur les droits de l'homme et qui fait fi de la foi des citoyens - accepte sans réserve qu’au XXIe siècle, l'Organisation de la Conférence Islamique - composée de 57 pays musulmans ayant la même appartenance à une religion commune - tienne un sommet en Arabie Saoudite pour prendre des décisions politiques!
Vous avez parlé d' «opportunisme économique» ...
Bien sûr, parce que le langage de l'Occident est politiquement correct alors que les grandes puissances ne veulent pas affronter les contradictions des pays qui siègent à l'ONU et qui refusent de donner les mêmes droits à tous les citoyens, quelle que soit la religion à laquelle ils appartiennent. On critique par exemple la Chine pour les traitements réservés aux dissidents politiques, mais pas un mot sur les dépenses de l'Arabie Saoudite, à cause du pétrole. C'est une attitude que je n'hésite pas à définir d’économiquement opportuniste.
Les chefs religieux des chrétiens de Syrie n'ont pas immédiatement soutenu la révolte. Que répondre à ceux qui vous accusent de soutenir une dictature?
En tant que chefs religieux, nous devons redire encore une fois: nous ne sommes ni pour une personne, ni pour une famille, ni pour une secte, ni pour un système politique contre un autre. Au contraire, nous sommes soucieux du sort de la population syrienne, nous vivons attentivement le déroulement de cette crise. Et tous ces derniers mois nous n'avons rien fait d'autres que de demander à tous ceux qui sont impliqués dans le conflit de déposer les armes et de s'asseoir autour de la table avec un médiateur international, principalement les Nations-Unies en collaboration avec l'Union européenne et d'autres pays tels que la Russie. [...] Nous, chrétiens du Moyen-Orient, en particulier en Syrie, en Irak et au Liban, nous nous sentons abandonnés par l'Occident connu pour être un monde civilisé, parce que les politiciens ne font que des promesses et ne poursuivent que leurs propres intérêts économiques.
[...] Que va devenir le christianisme dans cette région dans 20 ou 30 ans? C'est le plus grand défi que nous vivons aujourd'hui, en ayant en tête les massacres d’il y a un siècle en Turquie, le conflit en Terre Sainte, la crise sanglante en Irak après l'invasion de 2003 et les terribles combats qui dévastent la Syrie."