Pour l'ancien directeur du FMI, rien ne vaut la doctrine sociale de l'Eglise
30 août 2012
Michel Camdessus, ancien directeur général du FMI de 1987 à 2000, catholique pratiquant, né à Bayonne, a participé mardi soir à la conférence sur le thème “Le chrétien au service du bien commun” donnée en l’église d’Espelette. Il explique :
[I]l est important d’avoir recours, dans les temps de crise comme ceux que traversent le monde et la France, à cette notion du bien commun que l’on avait perdue de vue, que l’on n’enseignait plus à Sciences Po. A partir de l’expérience que j’ai eue dans les affaires de mon pays et du monde, je crois que le bien commun, c’est l’étoile polaire pour le navigateur. Il a ce point fixe et même si la mer est démontée, les courants contraires, s’il n’y a pas de vent et qu’il n’avance plus, il sait qu’il faut garder cet axe-là. Même s’il faut louvoyer en permanence.
Quel sens revêt pour vous cette notion de bien commun ?
Le souci constant de l’homme, dans toutes ses dimensions, en particulier de l’homme le plus pauvre et le moins favorisé. Ce qui compte, c’est d’être guidé par l’homme. Il ne faut pas aller vers ce qui divise, ce qui fractionne les sociétés, mais dans le sens de la fraternité et de la solidarité, en particulier à l’égard de ceux, qu’ils soient proches ou très lointains, qui sont en souffrance ou en difficultés. [...]
Vous avez loué mardi soir “l’enseignement social-chrétien” ? Est-il compatible avec l’économie et y a-t-il une doctrine économique et sociale de l’Eglise ?
A travers mon métier, j’ai eu l’occasion de discuter avec tous les hommes politiques qui prétendent avoir la clé des problèmes du monde : les dirigeants chinois, les pères fondateurs en Afrique, les leaders idéologiques d’Amérique latine. J’ai découvert qu’aucun système de pensée économique, politique, social, n’a la cohérence de l’enseignement social-chrétien. C’est mon point de vue, il peut être discuté. Mais je le crois plus actuel que jamais parce qu’il donne le primat absolu à l’homme et au respect des plus pauvres, à cette orientation vers le bien commun, à la responsabilité individuelle comme à la solidarité. Il reconnaît le droit de propriété, mais aussi l’hypothèque sociale sur la propriété, la préférence à donner aux plus pauvres. La nécessité de combattre pour la justice, la paix, et d’organiser le monde. Pour que les problèmes de dimension mondiale soient enfin pris en main par une autorité universelle, qui permette d’orienter le monde vers le bien commun. Pas seulement chacune de nos petites collectivités locales.
Pendant 13 ans comme directeur général du FMI, vous êtes-vous référé à ces valeurs dans vos prises de décision ?
Oui, oui. J’ai la chance d’être chrétien et d’avoir suivi cet enseignement. Mais le directeur général du FMI n’est pas Dieu le Père. Il a été désigné par l’ensemble des pays du monde. Il peut suggérer des choses, avec force, mais au final, ceux qui décident, ce sont les 24 pays autour de la table qui représentent l’ensemble du monde. Ils peuvent vous dire : “Ecoutez ce que vous dites, c’est très bien, bravo, mais nous, voilà ce qu’on veut. On n’ira pas plus loin.” Vous pouvez insister : “Avec ça, vous n’allez pas régler les problèmes des pays les plus pauvres.” Ils vous disent : “Ecoutez, ça nous fait rien.” Vous êtes en permanence dans une situation de tension, difficile. Il faut persévérer, l’œil fixé sur cette étoile polaire du bien commun mondial.
On vous qualifie souvent de libéral, voire d’ultralibéral. Acceptez-vous cette définition ?
Il est vrai qu’en France, on m’a parfois qualifié de libéral ou d’ultralibéral. Et même certains m’ont dit libéral de la pire espèce, l’espèce anglo-saxonne. Aux Etats-Unis, j’ai entendu un jour le leader de la majorité à la Chambre des représentants du Congrès américain dire que le directeur général du Fond monétaire international, c’est un socialiste de la pire espèce, l’espèce française. Entre ces qualificatifs, ce que je sais, c’est que je dois travailler pour le bien commun. Les gens diront ce qu’ils voudront. Il faut prendre dans le libéralisme ce qu’il a de bon et dans le socialisme ce qui peut contribuer à améliorer l’économie mondiale.
La crise actuelle est-elle celle du modèle libéral ?
Une crise comme celle-ci à des composantes infiniment complexes. Je crois que c’est la crise d’une hérésie du système d’économie de marché. Le système libéral tel qu’il a été conçu il y a deux siècles et quelques par Adam Smith n’était pas un système où tout était déterminé par le profit. Adam Smith nous dit que le profit est un bon moteur pour l’économie, mais à condition que tous les agents économiques sachent qu’ils doivent aussi servir la communauté humaine et tenir compte du sort des plus pauvres. Les néolibéraux, Friedman, Hayek et quelques autres, ont dit : “Oublions ces considérations de justice sociale, ça ira encore mieux.” L’erreur a été là et c’est de cela que nous souffrons aujourd’hui à travers cette crise. [...]"
Je ne crois pas qu'on puisse se revendiquer "catholique pratiquant" tout en étant membre du groupe Bilderberg qui oeuvre pour le Nouvel Ordre Mondial, c'est-à-dire pour l'arrivée du Tyran suprême : l'AntéChrist.
On ne peut pas choisir 2 maîtres...
Rédigé par : Bibliothèque de combat | 30 août 2012 à 09:49
"(...) Il faut prendre dans le libéralisme ce qu’il a de bon et dans le socialisme ce qui peut contribuer à améliorer l’économie mondiale (...)"
Oser se revendiquer de la doctrine sociale de l'Eglise après de telles déclarations, autant se coiffer directement le crâne avec un entonnoir. Encore un contre-témoignage qui fera la joie de tous les ennemis de la Sainte Eglise.
Rédigé par : Pharamond | 30 août 2012 à 11:04
Que ne l'a-t-il appliquée cette doctrine sociale, lorsqu'il était au FMI dont l'action désastreuse dans les pays du tiers-monde est bien connue à travers l'assistanat d'Etat qui non seulement a contribué à maintenir nombre de dictateurs au pouvoir, mais en plus à financer une corruption endémique dans l'appareil d'Etat de ces pays. Le plus grave dans l'action du FMI, durant la période où Camdessus le dirigeait, fut la mise en esclavage de ces pays par les usuriers qui leur ont imposé en l'échange de prêts la mise en oeuvre de plans de restructuration de leurs économie, en vue de les intégrer au commerce international financé et contrôlé par les banques. Or il me semble que l'Eglise a largement condamné l'usure dans sa doctrine sociale ancienne manière, justement parce qu'elle conduit à l'esclavage du producteur par rapport au financier qui tient les cordons de la bourse tant pour le financement des moyens de production que pour l'accès aux débouchés commerciaux. On ne peut donc pousser plus loin la malhonnêteté intellectuelle de la part d'un homme qui a foulé aux pieds le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes sous des prétexte fallacieux tirés de théories économie dont on constate les effets désastreux. Il est dommage qu'il attende la retraite, comme beaucoup, pour se poser des questions métaphysiques au sujet du bien fondé de son action qu'il prétend inspirée par des idéaux chrétiens. Comme d'autres avant lui, il ne peut souffrir le poids de la culpabilité devant ses millions de cadavres qui vont demander justice au tribunal divin. C'est la raison pour laquelle il essaie de réécrire l'Histoire à son avantage alors que les faits prêchent largement contre lui.
Rédigé par : Noe | 30 août 2012 à 11:09
"L'enseignement social-chrétien reconnaît le droit de propriété, mais aussi l’hypothèque sociale sur la propriété, la préférence à donner aux plus pauvres."
Qu'est-ce que ça veut dire, ça, exactement ? C'est quoi, "l'hypothèque sociale sur la propriété" ? En quoi cela pourrait-il être compatible avec le droit de propriété ?
Hypothèque sociale sur la propriété, cela ne peut vouloir dire que : l'Etat est propriétaire de tous les biens privés par défaut, dans son immense bonté il consent à en laisser la jouissance aux vrais propriétaires par exception, mais à tout moment il peut appuyer sur un bouton et "reprendre" ce qui lui "appartenait" au titre de "l'hypothèque sociale".
En d'autres termes, c'est le régime en vigueur en France actuellement, c'est le socialisme.
D'ailleurs, c'est quoi, "l'enseignement social-chrétien" ? Moi, je connaissais la Bible, le catholicisme, le protestantisme... mais l'enseignement social-chrétien ? Ca s'apprend où, ça ? A l'université d'été du parti socialiste ?
Rédigé par : Robert Marchenoir | 30 août 2012 à 16:19
"Pour que les problèmes de dimension mondiale soient enfin pris en main par une autorité universelle, qui permette d’orienter le monde vers le bien commun."
Donc, contrairement à ce qu'il prétend, Camdessus n'est nullement libéral, même à moitié. Quand on veut établir un tel monstre qui serait forcément totalitaire, étant mondial, en quoi peut-on se réclamer du libéralisme ?
La prise de position de Camdessus est absurde parce qu'on ne peut pas être centriste. On ne peut pas être un peu socialiste et un peu libéral. On ne peut pas "emprunter le meilleur à chacun".
Ce sont deux options, deux philosophies fondamentalement opposées.
Je ne dis pas que le choix est entre un extrémisme et un autre ; entre un dogme immuable et un autre.
Je dis qu'il faut prendre parti entre les deux.
Il ne suffit pas de déclarer vouloir le bien commun ; encore faut-il expliquer de quel ordre cette notion fait partie ; par quel biais on compte l'obtenir.
Le bien commun des chrétiens (me semble-t-il) n'appartient pas à l'ordre politique. Ce n'est pas une variante du socialisme, même si les dirigeants politiques chrétiens sont naturellement appelés à s'en inspirer.
La profession de foi de Camdessus ressemble singulièrement à un éloge de la social-démocratie. Je crains que la crise actuelle ne signe, justement, l'échec historique de la social-démocratie.
1942-2008, c'est le temps qu'il aura fallu au rapport Beveridge pour révéler son caractère utopique.
La crise actuelle, c'est la fin de l'Etat-providence.
Rédigé par : Robert Marchenoir | 30 août 2012 à 16:34
je suis bien d'accord avec les commentaires : il y a 30 ans, ce monsieur - très estimable bien sûr et fort connu - me réjouissait en s'affirmant chrétien alors que ce n'était pas la mode. Mais il n'a pas appliqué la doctrine sociale de l'Eglise, loin de là et toutes ses interviews continuent benoîtement sans rien apporter.
Rédigé par : agnelab | 30 août 2012 à 17:05
" Le système libéral tel qu’il a été conçu il y a deux siècles et quelques par Adam Smith ..." : Adam Smith n'a pas "conçu" un système libéral, il a écrit un bouquin, d'ailleurs pompé sur Turgot.
"... Hayek et quelques autres, ont dit : “Oublions ces considérations de justice sociale, ça ira encore mieux.” c'est dénaturer gravement l'oeuvre de Hayek. celui-ci s'est élevé contre le constructivisme social, qui sous prétexte de faire le bonheur de l'humanité, impose des règles arbitraires, infondées, sinon sur des abstractions, injustes. on peut ne pas être d'accord avec Hayek, mais celui-ci ne remet pas en question les règles sociales. il remet en cause la manière "socialiste", idéologique, de fixer des règles.
la crise actuelle n'est pas d'abord "une crise du libéralisme". c'est d'abord et avant tout de l'argent créé ex-nihilo par le système bancaire et une crise de la dette souveraine, permise par cette création de monnaie ex-nihilo. ajoutons que le déclencheur de la crise de 2007, l'insolvabilité des porteurs de crédits sub-prime, fut créée par une décision étatique de favoriser des emprunteurs non-solvables.
s'il y a crise du libéralisme, c'est du celle du libéralisme politique et moral.
Rédigé par : charles | 30 août 2012 à 17:26
[Commentaire inutile et stupide. De quoi m'encourager à les refermer. Tous. MJ]
Rédigé par : Denis Jaisson | 30 août 2012 à 18:32
"Le déclencheur de la crise de 2007, l'insolvabilité des porteurs de crédits sub-prime, fut créée par une décision étatique de favoriser des emprunteurs non-solvables."
Oui. Et il faut ajouter : des emprunteurs non-solvables appartenant à des minorités ethniques.
Les mesures légales mise en place par le gouvernement américain à cet effet avaient explicitement pour objectif de "mettre fin aux discriminations raciales".
Discriminations parfaitement justifiées, comme les faits l'ont montré.
Les banquiers avaient tendance à prêter moins facilement aux Noirs et aux Hispaniques, parce que ces derniers ont tendance à tricher sur le remboursement de leurs prêts.
Quand le gouvernement a obligé les banques à prêter aux tricheurs, au nom de "l'anti-racisme"... eh bien le système s'est effondré.
Rédigé par : Robert Marchenoir | 30 août 2012 à 19:32
@ Robert Marchenoir
très juste. méthode idéologique, socialiste, de fixer des critères sociaux. Hayek n'avait pas si tort apparemment.
ce qui est dommage est que la doctrine sociale de l'Eglise soit promue par des personnalités comme M. Camdessus, qui ne sont pas ni très crédibles, ni tellement pertinentes.
si c'est une "doctrine" sociale, ne devrait-elle pas être défendue par des clercs (pas de gauche, si possible, ce serait bien)?
Rédigé par : charles | 31 août 2012 à 10:18