La défense du mariage, seulement une affaire de cathos ?
31 octobre 2012
Lu ici :
"« La plupart des discours [contre le mariage homosexuel] sont tenus par des gens d’Eglise ou ceux qui en sont proches. Il est difficile pour eux d’aller à l’encontre des dogmes. » C’est par ces mots suffisants que débute la courte interview de Marie-Elisabeth Handman, maîtresse de conférence à l’EHESS, paru le lundi 15 octobre dans l’édition parisienne de 20 Minutes [1]. J’ai lu ces lignes atterrés ; non pas parce qu’on les voit diffusées dans tous les métros parisiens à heure de grande affluence [2], mais parce que les erreurs et raccourcis débités à ce sujet sont grossiers et en tout cas surprenants pour une personne de cette qualification. Nous nous proposons de les débouter en deux poncifs.
Penser que la réticence face à l’homosexualité et une lubie de monothéistes étriqués est une absurdité. Comme l’affirme le très-païen Platon dans Le Banquet, la nature a voulu que deux sexes complémentaires permettent, par leur union, la génération et l’enfantement [3]. Il ne parait donc pas outrageant de dire que l’attirance « hétérosexuelle » est d’ordre naturel. On éprouve de la peine à rappeler de telles évidences : toutes les civilisations de l’histoire se sont construites autour de cette idée. Les mythes, les religions, les légendes, les symboles, les institutions, les arts font tous référence à un imaginaire "hétérosexuel" – y compris, quoiqu’en pense Mme Handman, chez les peuples « non-monothéistes ». Zeus était l’époux d’Héra, Héphaïstos avait pour femme Aphrodite ; cette dernière garantissait la fécondité qui elle permettait de fonder un foyer - sur lequel devait veiller Hestia. Les exemples sont légion : Hélène fut ravie par Pâris, Pénélope fut la fidèle épouse d’Ulysse. Le mariage est toujours « hétérosexuel » dans les mythes, et jusque dans les confins du monde connu, comme à Massalia, où l’oikiste Protis est choisi comme époux par la fille du roi ligure, et permet ainsi à la ville de devenir grec. Platon affirme quant à lui que l’enfantement est sublime en ce qu’il donne à l’homme la possibilité d’être immortel [4]. L’homosexualité ne va donc pas à l’encontre de ce que la société monothéiste seule a construit, mais de ce que la nature a donné aux hommes comme moyen d’être et d’exister. Le passé millénaire des civilisations en témoigne. C’est pour cette raison que les catholiques défendent non pas une cérémonie religieuse, mais une institution qui trouve son fondement dans la société civile elle-même. Les catholiques ne veulent pas conserver un modèle religieux mais un ordre social, car le mariage produit la famille, qui est, avant l’individu, la cellule de base de la société [5].
Le mariage homosexuel contredit même le régime sous lequel nous vivons et dont on ne pourra pas reprocher le caractère « religieux », « monothéiste », « homophobe » ou que sais-je encore. En effet, la République française n’est pas seulement « laïque » : elle fondée sur un universalisme qui veut que la nation, souveraine, soit l’expression de tous ses citoyens. C’est une République "une et indivisible" qui ne reconnait aucun culte ni aucune communauté de quel nature qu’elle soit (religieuse, économique ou sexuelle). Rien ne doit, en principe, s’opposer et interférer entre le citoyen et l’Etat républicain ; aucune instance intermédiaire ni groupe de pression. Or la revendication homosexuelle pour la reconnaissance d’un mariage gay est une revendication communautaire. Si l’on transige sur ce point, il faudra reconnaître, comme l’a courageusement exprimé Mgr Barbarin [6], toutes sortes de revendications qui ne paraissent pas moins légitimes : pourquoi, à moins d’être islamophobe, refuser aux musulmans et musulmanes consentantes, en tant que communauté, la reconnaissance d’un mariage polygame, puisque le mariage monogame hétérosexuel est encore une norme restrictive pour eux ? Ce n’est pas à dire que le mariage homosexuel serait l’équivalent de la polygamie, mais simplement de dire que la revendication homosexuelle n’est pas plus légitime qu’une autre, et que la République n’a pas à contenter les uns ou les autres mais à maintenir un ordre sociétal."