Parler à Manuel Valls est interdit
17 mai 2013
Témoignage d'une lectrice, Isabelle Surply, des Enfants de Terreaux, mère de famille, 30 ans et 2 enfants, présente lundi soir à la Gare de Part Dieu, avec Valls et Taubira :
"« Rendez-vous à Part Dieu, voie B, voiture 7 ou 8 au train de 18h34 ! »
D’où vient l’info, ça, personne ne le sait, mais tout le monde s’en moque parce qu’une solidarité entre nous grandit depuis maintenant 7 mois. Alors en avant ! Dans la gare, les superflics en carapaces poussent comme des champignons, et tentent de nous intimider, mais nous sommes partout…dispersés au maximum. J’emprunte les escaliers qui mènent voie B. Mon cœur bat à toute allure. Sur le quai, tout a l’air calme, quelques voyageurs, quelques sérieux costumes-cravates …
Nous attendons. Le calme s’ébranle rapidement, les suppôts de la République font leur apparition avec fracas. On entend leurs bottes claquer fermement et rapidement sur le sol : la BAC, les CRS, et toute la cavalerie montent les marches quatre à quatre pour envahir le quai à leur tour… J’entends une vieille « connaissance » vociférer avec une exaspération sans précédent : « Attendez, attendez les gars, laissez-moi faire, parce qu’à force, je commence à les reconnaître » Intéressant. J’ai donc bien fait de changer de tenue vestimentaire depuis le chahut de la préfecture, moi… Je rentre la tête dans mon écharpe.
« Monsieur, avez-vous un titre de transport ? », dit-t-elle avec mépris à mon honorable voisin de droite qui pourrait être son père. Top départ, c’est parti pour la chasse aux délinquants ! La tension croît, on sent un peu de panique due à l’étroitesse des lieux…
Dans les escaliers, j’aperçois une silhouette qui monte. La silhouette se retourne, l’air inquiet : Christiane Taubira ! La minuscule scrute l’agitation palpable sans arrêter sa course pour autant…et ne semble pas rassurée.
Tant pis, je prends le risque et saisis l’opportunité de la confusion. Ma bouche cachée par ma main formant un puits pousse une huée rauque et tonitruante qui me vaudra les échos de mes camarades. Ni une ni deux, l’agitation flambe, c’est parti pour un peu de sport ! Mon corps tout entier se fait attirer par l’arrière. Ca pousse dans tous les sens ! « Ca suffit ! Venez par ici Madame ! » Mon bras s’est trouvé un nouveau propriétaire, semble-t-il. Ca bouscule, ça scande, ça crie. Les gones sont de vrais Lions ! Notre adrénaline est libérée ! Feu ! Brusquement, je m’arrête.
En face de moi : Manuel Valls ! Stupeur. Première pensée : « Bigre ! Il n’a pas honte d’être aussi bronzé en cette saison ! » Je me dégage de mon tuteur imposé, me redresse et d’une voix nette et épaisse comme jamais, je lui lance : « Monsieur Valls, écoutez-nous ! (Il s’arrête, me regarde et m’écoute.) Un million et demi de personnes dans la rue et personne ne fait rien ? Vous nous méprisez ? C’est un scandale ! Déni de démocratie ! » Je le hue à nouveau à m’en faire péter les veines du cou.
Droit dans les yeux, Manuel Gaz me répond : « Allons, Madame, ça fait bien trop longtemps que l’on vous écoute ! » il soupire, en balayant de la main l’air pugnace qui l’entoure. Je continue, et lui toujours statique, me regarde toujours droit dans les yeux. Incroyable ! Telle une mère parlant à son fils unique filant un mauvais coton, je lui rétorque avec perfidie et insolence : « C’est pas bien c’que vous faites, M’sieur l’Ministre, c’est pas joli, méfiez-vous, le peuple de France est en colère, méf… »
Je ne peux pas finir pas ma phrase puisqu’une paire de bras musclés m’agrippe et m’entraîne en me rouspétant : « ouais, ouais, venez avec moi, là où l’on va aussi y’a plein de vitrines, vous allez voir, vous et moi on a aussi un petit voyage à faire. Vous allez moins rigoler ! » Aïe, c’est qu’il serre fort, le bolchévique. Quoi ça ? J’ai parlé à Manuel Valls, c’est un délit ? La belle affaire ! Mais où sommes nous ?
Parqués comme des animaux, nous sommes une cinquantaine maintenant, encerclés à l’extérieur de la gare, à droite de l’entrée. Les copains ne cessent d’affluer vers nous, mais aussi autour de nous, pour nous soutenir ! Pour dénoncer le ridicule de la police politique, je propose d’entamer un « fermier dans son pré. » Il est 18h45 et la situation est irréelle, ridicule, absurde. Je souffle, observe, mon cœur est rempli de colère. J’ai franchi un nouveau cap dans mon combat, je fulmine et pense : « Qu’ils m’emmènent en GAV, s’ils le veulent, je m’en fiche bien, maintenant. » Ils relèveront seulement nos identités, s’imaginent qu’on va leur donner notre vrai numéro de téléphone, fouillent certains et pas d’autres : les voyageurs alentours sont ébahis. Relâchés bien plus tard, nous chahutons verbalement nos geôliers politiques, et nous moquons d’eux. Ils repartiront bredouilles et honteux pour certains d’entre eux. Voilà ce que c’est, notre beau Pays la France."