Principe de précaution dans la Constitution, mais pas pour l’être humain
22 juillet 2013
"Vous vous êtes opposé à la loi autorisant la recherche sur l’embryon adoptée cette semaine. Que redoutez-vous ?
Beaucoup
de choses. Jusqu’à présent les autorisations étaient dérogatoires.
Elles devaient correspondre à un protocole de recherche fournissant des
objectifs thérapeutiques clairs, montrant qu’il n’y avait pas d’autres
moyens d’y parvenir. Les laboratoires et les chercheurs devaient
justifier leur demande. Aujourd’hui, on inverse la charge de la preuve,
en rendant l’utilisation légale et l’interdiction dérogatoire.
La recherche sera pourtant encadrée…
Oui, mais ce sont des motifs de recours a posteriori. Une fois que ce sera fait, ce sera fait… On pourra dire que ce n’était pas bien de le faire, mais ça ne changera rien. Mon autre crainte, plus importante, c’est qu’on banalise l’instrumentalisation de l’humain dans la recherche scientifique. On m’oppose que ce sont des embryons qui n’ont plus de « projet parental », donc qui n’auraient pas de valeur humaine. Mais si on pousse cette logique jusqu’au bout, qu’adviendra-t-il demain des grabataires que plus personne ne soutient et qui n’ont plus de projet de vie ? Seront-ils eux aussi disponibles pour la recherche ?
[...] Les OGM peuvent être une ressource importante pour combattre la malnutrition à travers le monde, c’est un objectif tout à fait digne. Mais on nous dit que c’est moralement mauvais. On inscrit le principe de précaution dans la Constitution, on l’applique pour les OGM, mais pas pour l’être humain. Pourquoi ? L’écologie doit d’abord être au service de l’homme.
Vous n’avez pas été entendu sur le mariage pour tous, ni sur l’embryon. Y voyez-vous une fracture entre l’Eglise et le monde politique?
Ce sont des conceptions de l’existence humaine qui se confrontent. L’Eglise participe à ce débat. Je ne crois pas que ce soit inutile. Ce n’est pas parce qu’on ne gagne pas politiquement que ce qu’on fait ne sert à rien ou que ce qu’on a dit est tombé dans le vide. Des gens nous ont entendus, se sont mobilisés, en particulier parmi les jeunes. Beaucoup n’avaient pas pressenti que l’enjeu dépassait leur petite histoire personnelle et touchait le bien commun. Si on a permis à des gens de progresser dans leur manière de comprendre la vie, de se poser des questions, alors c’est un résultat important, un bénéfice. [...]
Faut-il désormais que les opposants au mariage pour tous s’engagent en politique?
Je ne suis pas dans une problématique de prise de pouvoir. Mais c’est très bien que les gens qui se sont mobilisés prennent conscience que le débat politique ne puisse se résumer à un cri. Il y a des moments où il faut entrer dans un débat institutionnel. Il faut être élu. [...]
Vous avez dressé un diagnostic assez sombre de la société française…
On est dans une société de violence où les réflexes de sociabilité ne sont plus intégrés. Nous n’avons plus d’objectif commun qui mobilise au-delà des intérêts particuliers ou corporatistes.
La société française est-elle décadente?
Pas encore tout à fait.
On s’en approche?
On s’en approche si on laisse filer les choses en disant que finalement l’égalité, c’est que tous les particularismes puissent s’exprimer, qu’ils sont tous aussi légitimes, qu’il n’y a plus de règle commune pour faire le tri. [...]
Un prêtre savoyard a été démis de ses fonctions en raison de son appartenance à la franc-maçonnerie. C’est incompatible?
On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre! C’est un peu difficile d’être représentant d’une Église et membre actif d’une corporation dont l’un des thèmes est de dire que l’Eglise est nuisible…
La montée du fondamentalisme musulman vous inquiète-t-elle?
C’est très difficile à apprécier. Un certain nombre de jeunes marginalisés dans la société y trouvent une façon de s’affirmer, mais ça ne veut pas dire qu’ils sont des musulmans dévots. Par ailleurs, si l’école continue d’avoir des comportements laïcistes béotiens, ça ne peut que s’aggraver. Pour lutter contre le fondamentalisme, il faut apprendre aux gens à réfléchir sur les religions, et ne pas faire comme si elles n’existaient pas."