Trois tentations du disciple missionnaire : l’idéologisation, le fonctionnalisme et le cléricalisme
31 juillet 2013
Du Pape François aux évêques du CELAM : extrait capital d'un long discours à découvrir.
"L’option missionnaire du disciple sera soumise à des tentations. Il est important de savoir comprendre la stratégie de l’esprit mauvais pour nous aider dans le discernement. Il ne s’agit pas de sortir pour chasser les démons, mais seulement de lucidité et de ruse évangélique. Je mentionne seulement quelques attitudes qui configurent une Église "tentée". Il s’agit de connaître certaines propositions actuelles qui peuvent se dissimuler dans la dynamique du disciple missionnaire et arrêter, jusqu’à le faire échouer, le processus de conversion pastorale.
1. L’idéologisation du message évangélique. Il y a une tentation qui s’est rencontrée dans l’Église dès l’origine : chercher une herméneutique d’interprétation évangélique en dehors du message de l’Évangile lui-même et en dehors de l’Église. Un exemple : Aparecida, à un certain moment, a connu cette tentation sous forme d « asepsie ». On a utilisé, et c’est bien, la méthode du « voir, juger, agir » (Cf. n. 19). La tentation résidait dans le fait de choisir un « voir » totalement aseptique, un « voir » neutre, lequel est irréalisable. Le voir est toujours influencé par le regard. Il n’y a pas d’herméneutique aseptisée. La demande était alors : avec quel regard voyons-nous la réalité ? Aparecida a répondu : avec le regard du disciple. C’est ainsi que se comprennent les n. 20 à 32. Il y a d’autres manières d’idéologiser le message et, actuellement, apparaissent en Amérique Latine et dans les Caraïbes des propositions de cette nature. J’en mentionne seulement quelques unes :
a) La réduction socialisante. C’est l’idéologisation la plus facile à découvrir. A certains moments elle a été très forte. Il s’agit d’une prétention interprétative sur la base d’une herméneutique selon les sciences sociales. Elle recouvre les champs les plus variés : du libéralisme de marché aux catégories marxistes.
b) L’idéologisation psychologique. Il s’agit d’une herméneutique élitiste qui, en définitive, réduit la « rencontre avec Jésus-Christ », et son développement ultérieur, à une dynamique d’auto-connaissance. On la rencontre habituellement dans les cours de spiritualité, les retraites spirituelles, etc. Il finit par en résulter un comportement immanent autoréférentiel. On ne sent pas de transcendance, ni par conséquent, de comportement missionnaire.
c) La proposition gnostique. Assez liée à la tentation précédente. On la rencontre habituellement dans des groupes d’élites faisant la proposition d’une spiritualité supérieure, assez désincarnée, et qui conduit à faire de « questions disputées » des attitudes pastorales. Ce fut la première déviation de la communauté primitive, et elle est réapparue, au cours de l’histoire de l’Église, sous des versions revues et corrigées. On les appelle vulgairement « catholiques des Lumières » (parce qu’ils sont héritiers de la culture des Lumières).
d) La proposition pélagienne. Elle apparait fondamentalement sous la forme d’une restauration. Devant les maux de l’Église, on cherche une solution seulement disciplinaire, par la restauration de conduites et des formes dépassées qui n’ont pas même culturellement la capacité d’être significatives. En Amérique Latine, on la rencontre dans des petits groupes, dans quelques Congrégations religieuses nouvelles qui recherchent une « sécurité » doctrinale ou disciplinaire. Elle est fondamentalement statique, même si elle promet une dynamique ad intra, qui retourne en arrière. Elle cherche à « récupérer » le passé perdu.
2. Le fonctionnalisme. Son action dans l’Église est paralysante. Il s’enthousiasme davantage pour la « feuille de route du chemin » que pour la réalité du chemin. La conception fonctionnaliste n’accepte pas le mystère, elle regarde à l’efficacité. Elle réduit la réalité de l’Église à la structure d’une ONG. Ce qui importe c’est le résultat constatable et les statistiques. De là on va à toutes les manières d’entrepreneurs de l’Église. Elle constitue une sorte de « théologie de la prospérité » dans l’organisation de la Pastorale.
3. Le cléricalisme est aussi une tentation très actuelle en Amérique Latine. Curieusement, dans la majorité des cas, il s’il agit d’une complicité pécheresse : le curé cléricalise, et le laïc lui demande à être cléricalisé, parce que c’est finalement plus facile pour lui. Le phénomène du cléricalisme explique, en grande partie, le manque de maturité et de liberté chrétienne dans une bonne part du laïcat latino-américain. Ou bien il ne grandit pas (la majorité), ou bien il se blottit sous les couvertures des idéologisations, dont nous avons parlé, ou dans des appartenances partielles et limitées. Il existe, dans nos régions une forme de liberté des laïcs à travers des expériences de peuple : le catholique comme peuple. Ici on voit une plus grande autonomie, saine en général, qui s’exprime fondamentalement dans la piété populaire. Le chapitre d’Aparecida sur la piété populaire décrit en profondeur cette dimension. La proposition des groupes bibliques, des communautés ecclésiales de base et des conseils pastoraux vont dans le sens d’un dépassement du cléricalisme et d’une croissance de la responsabilité des laïcs".
peut-on tout expliquer?
il semble que ce manque, en Amérique du Sud fort éloigné de Rome et sous influence de la Théorie de la libération, la Foi en une seule Vérité et le manque d'enthousiasme pour l'autorité!
Un prêtre jésuite s'étonnait en venant en Espagne des églises vides, moi en Amériques du Sud je m'étonnais d'une certaine superficialité, le paraitre comptait trop!
Un Pape Sud Américain est pour moi une étrangeté!
Rédigé par : ohlala | 31 juillet 2013 à 21:03
Et puis aussi le nouveau marcionisme rampant, lequel ne veut pas prendre au sérieux l’aspect contingent (relevant de la prophétie dans sa fonction d’alerte), de la révélation dans les Ecritures, à savoir la réalité tout de ce qu’il y a de concret du surgissement dans l’histoire, d’un nouveau monde qui est le nôtre, celui de l’homme que nous connaissons et non celui dont nous rêvons comme l'a fait Theillard qui n’était pas un naîf (sic). Ainsi, est-on sûr de ne pas provoquer « l’irisio infidelium « , lequel « infidelium » demeure, quoi qu’on fasse, particulièrement susceptible, en face d’un autre discours que le sien.
Surgissement d’un nouveau monde, souligné de façon particulièrement factuelle, par l’apparition de l’écriture, avant l’écriture donc, l’homme était idiot, il beuglait dans les steppes arides dans un état lamentable de survie permanente, et ceci durant des dizaines voire des centaines de milliers d’années, à compter d’Adam dont on croit presque avec regret parce que sinon, qu’aurions-nous à dire, et puis un beau jour, Jésus qui tombe presque comme un cheveu sur la soupe, et puis demain, les nouveaux cieux et la nouvelle terre. Soit l’imagination sélective, ou une forme de schizophrénie. Surgissement de l’homme à l’image de Dieu, que l’on veut absolument très ancien suite à la confusion entre la mesure des choses et les choses elles-mêmes. Conclusion : rendez-vous à Armaguedon, les yeux bandés et le nez au vent. Comprenne qui pourra et honni soit qui mal y pense.
Rédigé par : jean | 31 juillet 2013 à 22:27
Tout est question d'équilibre dans des situations disparates : il y a peut-être trop de cléricalisme en Amérique latine, mais nous avons besoin ici d'un retour au cléricalisme.
Par lassitude de ces messes, à peu près vides de contenu, organisées par des EAP laïques et "présidées" par un prêtre, qui ont vidé les églises. Or les messes sont éléments de cohésion des communautés, et devanture à destination des non-croyants. Rien de tentant ni d'évident désormais.
Autrement dit, une dose de "proposition pélagienne" ne ferait pas de mal dans un univers décomposé où toutes les attitudes que dénoncent le Pape proviennent de la perte des repères, simplistes diront les grands esprits, et qui mènent à tous les désarrois, toutes les quêtes et tous les bricolages.
Nous ne pouvons plus espérer convaincre et reconstruire sur des bases tellement dégradées que les enfants du catéchisme se volent entre eux... Anecdotique, minuscule, mais parlant.
Rédigé par : Goupille | 01 août 2013 à 00:14
Le message me parait assez clair pour certains groupes notamment tradis...
Rédigé par : Yf | 01 août 2013 à 00:47
pour la "tentation pélagienne" nous venons d'en avoir la réponse avec la suppression de l'autorisation du missel de 1962 aux Franciscains de l'Immaculée. Pour ce qui est des communautés de base en Amérique latine ce fut et reste un fiasco, car toutes sont contaminées par la théologie de la "libération" que continuent à promouvoir les Jésuites sur le continent. En ce qui concerne les conseils pastoraux, ce ne sont en général que des mini-soviets d'une structure parallèle dans l'Eglise, où on parle de la pluie et du beau temps pendant des heures.Les témoignages abondent pour tout cela, il faut avoir un enracinement idéologique certain pour ne pas s'en apercevoir.
Rédigé par : de Saint-Gouard | 02 août 2013 à 10:22