La conversion de Napoléon Bonaparte
29 novembre 2013
Un aspect inconnu de la personnalité de Napoléon nous vient d'Italie, à travers un recueil de conversations impromptues avec ses compagnons d'exil, alors qu'il était à Sainte-Hélène. Le livre est préfacé par le cardinal Biffi, archevêque émérité de Bologne. Benoit-et-moi a traduit un artice de présentation ainsi que la préface. Extraits :
"Ceux qui pensent à un Napoléon toujours plongé dans des stratégies, plans de bataille, manoeuvres politiques sur les scénarios nationaux et étrangers, seront surpris de trouver un homme très cultivé qui maîtrisait l'histoire, la philosophie et même la pensée de son temps. A un [général] Bertrand qui est surpris de sa religiosité et qui, en bon positiviste, lui propose le refrain habituel du Christ comme «grand homme» à l'égal d'Alexandre le Grand, César, Mahomet, il répond: «Je connais les hommes et je vous dis que Jésus n'était pas un homme. Les esprits superficiels voient une ressemblance entre le Christ et les fondateurs d'empires, les conquérants et les dieux des autres religions. Cette similitude n'existe pas: entre le christianisme et les autres religions, il y la distance de l'infini».
Bertrand, respectueusement, se permet d'insister et Napoléon lui dit qu'il regrette presque de l'avoir fait général: «Vous, général Bertrand, parlez de Confucius, Zoroastre, Jupiter et Mahomet. Eh bien, la différence entre eux et Christ est que tout ce qui concerne le Christ dénonce la nature divine, tandis que tout ce qui touche aux autres dénonce leur nature terrestre».
Il poursuit: «le Christ a confié tout son message à sa propre mort, comment cela peut-il être l'invention d'un homme?». Mais Bertrand n'est toujours pas convaincu et continue de bégayer sur César et Alexandre. Et l'ex-empereur, impatienté: «Mais l'empire de César a duré pendant combien d'années? Combien de temps Alexandre a-t-il été porté par l'enthousiasme de ses soldats? (...) Les peuplent passent, les trônes s'écroulent, mais l'Église reste. Alors, quelle est la force qui maintient debout cette Église assaillie par l'océan furieux de la colère et du mépris du monde?». À ce point, Napoléon continue tout seul comme un torrent en crue: «Il n'y a pas de juste milieu: ou le Christ est un imposteur ou il est Dieu (...). Il est vrai que Jésus offre à notre foi une série de mystères, dont le premier est la déclaration énigmatique suivante: 'Je suis Dieu', par laquelle il creuse un fossé infranchissable entre la sienne et toutes les autres religions». [...]
Un autre sujet d'émerveillement pour Napoléon : «Après Saint-Pierre, les trente-deux évêques de Rome qui lui ont succédé furent tous, sans exception, martyrisés. Donc, pendant au moins trois siècles, le Siège romain fut synonyme de mort certaine pour ceux qui y montaient (...). Dans cette guerre, tous les pouvoirs de la terre, se sont retrouvés coalisés contre qui ? Des hommes et des femmes pauvres, misérables et sans défense». Et pourtant, le christianisme a triomphé de Rome et du monde entier. Jésus, juste un «grand homme»? Napoléon secoue la tête: «Mon armée m'a déjà oublié, alors que je suis encore en vie (...). Voilà ce qu'est notre pouvoir à nous, grands hommes ! Une seule défaite nous désintègre et l'adversité emporte tous nos amis»."
Merci :)
Fort intéressant!
Rédigé par : ermort | 29 novembre 2013 à 17:51
La Grâce de Dieu n'a pas de limites !
Cet extrait est très profond.
Merci !
Rédigé par : Cosaque | 29 novembre 2013 à 17:51
Inattendu, merci.
Rédigé par : C.B. | 29 novembre 2013 à 18:09
Très impressionnant. N ne tourne pas autour du pot, il va droit à l'essentiel. Comme Pascal à sa façon scientifique. On se sent moins seul avec ceux-là qu'avec tous les Bertrand et les Voltaire qui ne cessent de babiller en vain depuis des siècles! Le livre sera-t-il édité en français?
Rédigé par : Clovis | 29 novembre 2013 à 18:10
Et il y a ses entretiens à Weimar rapporté par un allemand dont je n'ai plus le nom sous la plume et qui montre le souci de la métaphysique qu'avait l'empereur. Il a douté, c'est sûr et il l'admet, mais pour lui le doute métaphysique et l'inquiétude de l'âme était permanents. Comme sa profonde méfiance devant la vanité qui le guettait comme tout homme de pouvoir. Sa correspondance montre un homme d'état authentiquement engagé dans le gouvernement de la France.
Rédigé par : Clément | 29 novembre 2013 à 18:15
Son testament commence par cet article :
" Je meurs dans la religion apostolique et romaine, dans le sein de laquelle je suis né il y a plus de cinquante ans. "
Lorsqu'on annonçât la mort (plutôt pieuse) de Napoléon au cardinal Fiesch (son oncle à la mode corse) il déclara "ça ne m'étonne pas il avait fait une très bonne première communion".
Rédigé par : nemo | 29 novembre 2013 à 18:18
Très surprenant de la part de Napoléon en effet
Son analyse est très juste
La fin rejoint un de mes commentaires récent comme quoi
l'Enfer se goinfre du christianisme et se contrefiche des autres religions
http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2013/11/le-christianisme-religion-la-plus-agress%C3%A9e-en-france.html#comments
Rédigé par : DUPORT | 29 novembre 2013 à 18:27
Oui, et cela après s'être entouré de franc-maçons, les avoir favorisés et élevés, et avoir répandu ou consolidé la franc-maçonnerie dans toute l'Europe...
C'est bien mignon, mais c'est surtout un aveu de contribution au désastre et un terrible manque de repentir après débarquement sur son île.
Que n'a-t-il traduit de telles réflexions dans sa politique, cet homme si cultivé ?
et notez bien que je n'ai rien contre Bonaparte, hein. Après la séquence de 10 ans de meurtres de masse et de chaos financier (on appelle ça la "Révolution Française" dans les manuels d'histoire), sans un Bonaparte la France se serait faite appeler la Pologne avant l'heure.
Rédigé par : flore | 29 novembre 2013 à 18:36
Il s'est quand même converti à l'islam après être entré en Egypte. Conversion insincère, politique et passagère, je suppose, mais enfin il l'a fait.
Comme d'autres qui, aujourd'hui, se convertissent à l'islam parce qu'ils épousent une musulmane (intégrée et laïque, bien entendu) : pour faire plaisir à la famille, pour permettre les formalités avec le Maroc, etc.
Là encore, conversion de façade, mensongère ; mais comment peut-on se convertir sans y croire, pour de rire, en se disant (et donc en faisant savoir) que cela ne compte pas ? Plus encore, comment l'islam (la famille de l'épousée, les autorités...) peut-il l'accepter ? Sinon parce que l'histoire ne s'arrête pas là ?
Voilà qui me paraît bien imprudent... Si eux, ils n'y croient pas, il se peut fort bien que l'islam les rappelle à leurs obligations, un jour...
La conversion à l'islam n'a rien à voir avec la conversion au christianisme. Le mot conversion n'a pas le même sens dans les deux cas.
Quand une religion convertit sous menace de mort, comme ce fut le cas avec ce prisonnier français qui a récemment fait l'objet d'articles, ou quand elle menace de mort quiconque se convertit pour la quitter, on ne parle pas de la même chose.
Se convertir à l'islam est une soumission, se convertir au christianisme est un choix. Ce n'est pas pareil.
Rédigé par : Robert Marchenoir | 29 novembre 2013 à 19:09
Moi qui n'ai jamais aimé Napoléon, je suis troublé! Dans le bon sens.
Rédigé par : Le Roy Henri | 29 novembre 2013 à 19:32
On disait à Napoléon : "Mais pourquoi ne fondez-vous pas votre propre religion ?"
Il répondit : "Vous ne voudriez pas, aussi, que je me fasse crucifier ?"
Rédigé par : Jean Ferrand | 29 novembre 2013 à 19:40
Pas exactement inconnu: le livre est ceci, en français, disponible sur Google Books: http://books.google.com/books?id=Du9BAAAAcAAJ
Rédigé par : New Catholic | 29 novembre 2013 à 20:13
Le "Napoléon intime" d'Arthur Levy est un recueil de lettres, notes, réflexions, écrites par Napoléon dès son très jeune âge et jusqu'à Sainte-Hélène.
Ce que l'on retient, c'est sa grande honnêteté dans le sens de probité, sa fidélité envers les amis de jeunesse (qui n'auront pas, eux, ce sens-là de l'amitié), son étonnante largesse (on la connaissait envers sa famille mais on le voit également généreux envers tous ceux qui sont dans le besoin), et sa capacité phénoménale à apprendre, donc son immense culture.
Je recommande ce livre facile à lire à tous ceux qui veulent découvrir, par ses écrits même, l'homme Napoléon et non plus le chef de guerre.
Rédigé par : BELIN Y | 29 novembre 2013 à 20:38
Voilà une facette inattendue de Napoléon. Ce raisonnement simple et court en paroles est d'une étonnante profondeur.
Merci, merci!
Rédigé par : Rouletabille | 29 novembre 2013 à 20:39
Très bon article sur cette face cachée de l'empereur. Merci à vous.
Rédigé par : Le Pog | 29 novembre 2013 à 20:47
Quelle surprise, un tel petit discours vaut tout l'or du monde, Napoléon est devenu humble et lucide, tout est dit en peu de mots.
Rédigé par : lève-toi | 29 novembre 2013 à 20:51
Vive l'Empereur!
Rédigé par : rodolphe | 29 novembre 2013 à 21:20
je n’ai jamais compris pourquoi Napoléon Bonaparte était pris pour un athée révolutionnaire parce-qu’il ne l’était pas. certes, je suis corse et mes parents m’ont fait connaitre Napoléon Bonaparte de près mais quand on a lu les quatre tomes de Max Gallo, on connait mieux Napoléon. Tout le monde oublie qu’il avait baigné dans une famille catholique et qu’il avait étudié à l’École Royale Militaire de Brienne et que son éducation est donc celle de la Royauté. Quand on apprend par quelles souffrances physiques il passe pendant son exil, comment il demande sans arrêt à recevoir les sacrements, et à mourir en catholique...
Rédigé par : Rachel | 29 novembre 2013 à 21:55
Voici quelques citations de l'Empereur Napoléon 1er que j'ai passé quelques heures à réunir pour vous sur les sujets de la religion, de l'ordre social et de la loi naturelle. Les citations sur la famille pourraient avantageusement être utilisées dans le contexte actuel par ceux qui sont publiquement actifs dans la défense des valeurs de la civilisation. Il y en aurait bien d'autres mais ce serait un travail colossal bien au-dessus de mes moyens.
La religion et le clergé:
«(…) sans la religion, on marche continuellement dans les ténèbres, et la religion catholique est la seule qui donne à l'homme des lumières certaines sur son principe et sa fin dernière.»
«(...) le christianisme a réconcilié l'homme avec lui-même et garanti le repos et l'ordre public des peuples tout aussi bien que le bonheur et l'espérance des individus.»
«Ce n'est pas le fanatisme qui est la maladie à craindre maintenant, mais l'athéisme.»
«Il n'est que Dieu, il n'est que la foi qui puisse atteindre et résoudre les hautes questions de la création du monde et de la destinée humaine.»
«Le clergé catholique a présidé à la fondation de la société européenne.»
«Une seule religion accepte pleinement la loi naturelle, une seule s'en approprie les principes, une seule en fait l'objet d'un enseignement perpétuel et public. Quelle est cette religion? Le christianisme.»
«Nulle société ne peut exister sans morale; il n'y a pas de bonne morale sans religion; il n'y a donc que la religion qui donne à l'État un appui ferme et durable. Une société sans religion est comme un vaisseau sans boussole; un vaisseau dans cet état ne peut ni s'assurer de sa route, ni espérer d'entrer au port; une société sans religion, toujours agitée, perpétuellement ébranlée par le choc des passions les plus violentes, éprouve en elle-même toutes les fureurs d'une guerre intestine qui la précipite dans un abîme de maux, et qui tôt ou tard entraîne infailliblement sa ruine.»
La famille:
«Les liens de famille m'ont toujours paru sacrés; je ne puis me décider à croire qu'on puisse les rompre sans déshonneur et sans manquer à ce qu'il y a de plus saint pour l'homme.»
«Le mariage est, sans contredit, l'état de perfection sociale.»
Rédigé par : Pharamond | 29 novembre 2013 à 22:07
Ces réflexions sont certes d'une profondeur extrême mais je doute qu'elles soient vraiment de Napoléon.
Si c'était le cas, s'il avait eu une conversion aussi profonde, pourquoi n'aurait-il pas laisser un testament écrit?
Cela aurait été la moindre des choses, de la part de ce mégalomane, après avoir porter la guerre de la Russie à l'Algérie en passant par l’Égypte, après avoir diminuer l’Église et favoriser les sectes, le laïcisme,les athées et les scientistes!
Rédigé par : Michel-Ange | 29 novembre 2013 à 22:31
Dommage qu'il ait attendu de se retrouver à Ste Hélène pour parvenir à ces méditations. Car le trône de Pierre, il ne l'a pas vraiment épargné...
Rédigé par : RC | 30 novembre 2013 à 00:13
Très belle conversion du "Messie de la Révolution" S'il avait bataillé sous cet étendard........
Rédigé par : LB | 30 novembre 2013 à 08:10
Oui, Napoléon 1er, l'empereur des français, n'était pas n'importe qui !
Rédigé par : abaslessocialos | 30 novembre 2013 à 12:18
Quelqu'un disait à Napoléon : "Mais pourquoi ne fonderiez-vous pas votre propre religion ?" Il répondit : "Vous voudriez aussi que je me fasse crucifier ?"
Rédigé par : Jean Ferrand | 30 novembre 2013 à 12:51
Merci au Salon Beige pour cette info. Oui, ses dernières années furent sincèrement pieuses. Il avait certes reçu une éducation de futur officier dans les écoles militaires de la noblesse française, ce qui impliquait normalement le respect du catholicisme mais rien ne garantissait cette fin de vie. Entretemps il y eut des variations mais Napoléon resta toujours respectueux du catholicisme.
D'ailleurs, les catholiques ignorent souvent que si les cloches de Notre Dame ont de nouveau sonné à Paris, c'est bien par la volonté de Napoléon, qui l'a non seulement autorisé mais a obligé tous ses généraux à aller à la messe plusieurs fois alors qu'ils étaient sinon athées du moins agnostiques. C'est cela qui a clos la révolution qui, sans Napoléon, aurait pu continuer des décennies comme le communisme en Russie.
Si le catholicisme est rené en France au 19ème siècle, si ce siècle fut un siècle catholique, c'est largement grâce à lui même s'il y a sans doute des raisons surnaturelles derrière cela aussi.
Rédigé par : P.R. | 30 novembre 2013 à 14:20
@ Flore
Ses déclarations sur les francs maçons sont connues et publiées: elles sont sans appel. Il faut s'informer avant d'affirmer.
Il n'a rien répandu du tout dans ce domaine.
Rédigé par : Clément | 30 novembre 2013 à 19:07
Napoléon ne s'est jamais converti à l'islam. D'où sort cette fadaise ?
Rédigé par : Florian 78 | 01 décembre 2013 à 18:39
Mon confesseur disait : "Napoléon sera certainement sauvé puisqu'à Sainte-Hélène il faisait le catéchisme à des enfants."
Napoléon fut toujours chrétien, même s'il n'a pas toujours pratiqué ! Dans son testament, il écrit (de mémoire): "Je meurs dans la religion catholique dans laquelle je suis né."
C'est lui qui a rétabli le catholicisme en France, par le Concordat.
Il était trop intelligent pour ne pas croire en Dieu et en son Christ.
Une anecdote amusante, même si elle n'est pas très en son honneur : à l'école de Brienne il avait défoncé d'un coup de poing le confessionnal d'un prêtre parce que ce dernier soutenait que les grands hommes païens de l'antiquité étaient tous damnés !
Rédigé par : Jean Ferrand | 01 décembre 2013 à 20:35