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Des crèches partout ! Chez le marchand de vélo à Chalon sur Saône (71)
Tuer des souris, c'est non. Tuer des enfants à naître, c'est oui !

Un jour, un texte! La Patrie selon Jean Pierre Calloch.

« La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c’est-à-dire pleinement responsables de leurs actes: la France refuse d’entrer dans le Paradis des Robots. » Georges Bernanos, La France contre les robots

Cette nouvelle rubrique a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d’actualité, aujourd’hui : la Patrie. (19)

Quart de nuit aux Tranchées ou la prière du veilleur 

Les ténèbres pesantes s'épaissirent autour de moi ;
Sur l'étendue de la plaine la couleur de la nuit s'épandait,
Et j'entendis une voix qui priait sur la tranchée :
O la prière du soldat quand tombe la lumière du jour!

« Le soleil malade des cieux d'hiver, voici qu'il s'est couché ;
Les cloches de l'Angélus ont sonné dans la Bretagne,
Les foyers sont éteints et les étoiles luisent :
Mettez un cœur fort, ô mon Dieu, dans ma poitrine.

Je me recommande à vous et à votre Mère Marie ;
Préservez-moi, mon Dieu, des épouvantes de la nuit aveugle,
Car mon travail est grand et lourde ma chaîne :
Mon tour est venu de veiller au front de la France,

Oui, la chaîne est lourde. Derrière moi demeure
L'armée. Elle dort. Je suis l'œil de l'armée.
C'est une charge rude, Vous le savez. Eh bien,
Soyez avec moi, mon souci sera léger comme la plume.

Je suis le matelot au bossoir, le guetteur
Qui va, qui vient, qui voit tout, qui entend tout. La France
M'a appelé ce soir pour garder son honneur,
Elle m'a ordonné de continuer sa vengeance.

Je suis le grand Veilleur debout sur la tranchée.
Je sais ce que je suis et je sais ce que je fais :
L'âme de l'Occident, sa terre, ses filles et ses fleurs,
C'est toute la beauté du Monde que je garde cette nuit.

J'en paierai cher la gloire, peut-être ? Et qu'importe !
Les noms des tombés, la terre d'Armor les gardera :
Je suis une étoile claire qui brille au front de la France,
Je suis le grand guetteur debout pour son pays.

Dors, ô patrie, dors en paix. Je veillerai pour toi,
Et si vient à s'enfler, ce soir, la mer germaine,
Nous sommes frères des rochers qui défendent le rivage de la Bretagne douce.
Dors, ô France ! Tu ne seras pas submergée encore cette fois-ci.

Pour être ici, j'ai abandonné ma maison, mes parents;
Plus haut est le devoir auquel je me suis attaché :
Ni fils, ni frère! Je suis le guetteur sombre et muet,
Aux frontières de l'est, je suis le rocher breton.

Cependant, plus d'une fois il m'advient de soupirer.
« Comment sont-ils ? Hélas, ils sont pauvres, malades peut-être… ».
Mon Dieu, ayez pitié de la maison qui est la mienne
Parce que je n'ai rien au monde que ceux qui pleurent là...


Maintenant dors, ô mon pays ! Ma main est sur mon glaive;
Je sais le métier ; je suis homme, je suis fort :
Le morceau de France sous ma garde, jamais ils ne l'auront...
- Que suis-je devant Vous, ô mon Dieu, sinon un ver ?

Quand je saute le parapet, une hache à la main,
Mes gars disent peut-être : « En avant ! Celui-là est un homme ! »
Et ils viennent avec moi dans la boue, dans le feu, dans la fournaise...
Mais Vous, Vous savez bien que je ne suis qu'un pécheur.

Vous, Vous savez assez combien mon âme est faible,
Combien aride mon cœur et misérables mes désirs ;
Trop souvent Vous me voyez, ô Père qui êtes aux cieux,
Suivre des chemins qui ne sont point Vos chemins.

C'est pourquoi, quand la nuit répand ses terreurs par le monde,
Dans les cavernes des tranchées, lorsque dorment mes frères
Ayez pitié de moi, écoutez ma demande,
Venez, et la nuit pour moi sera pleine de clarté.

De mes péchés anciens, Mon Dieu, délivrez-moi,
Brûlez-moi, consumez-moi dans le feu de Votre amour,
Et mon âme resplendira dans la nuit comme un cierge,
Et je serai pareil aux archanges de Votre armée.

Mon Dieu, mon Dieu ! Je suis le veilleur tout seul,
Ma patrie compte sur moi et je ne suis qu'argile :
Accordez-moi ce soir la force que je demande,
Je me recommande à Vous et à Votre Mère Marie.

Jean Pierre Calloch (1888-1917)

Yann-Ber Kalloc'h (Jean-Pierre Calloc'h en français), nait le 21 juillet 1888 à Groix et tombe au champ d'honneur le 10 avril 1917 à Urvillers (Aisne), est un poète breton de langue bretonne.

L'unique œuvre littéraire qui le montre comme un des plus grands auteurs bretons est un recueil posthume de poèmes souvent mystiques, Ar en deulin (À genoux) publié par son ami Pierre Mocaer en 1925. Jean-Pierre Hyacinthe Calloc'h est mort pour la France, « tué à l'ennemi», son nom figure au Panthéon avec les 546 écrivains morts au champ d'honneur.

Commentaires

BZH

Un beau texte, adapté aux veilleurs de toutes régions, et tout à fait d'actualité dans notre guerre contre les néo-laïcards.

Stephe

Pour ceux qui veulent goûter au texte original :
http://br.wikisource.org/wiki/Ar_en_de%C3%B9lin

An Tasmant

La patrie décrite ici est la Bretagne, et non la "France" ! Yann-Ber Calloc'h poète bretonnant et défenseur des libertés bretonnes n'aurait sans doute pas apprécié de voir son œuvre ainsi récupérée.
Par honnêteté intellectuelle, merci de rétablir la vérité.

Marie la Bretonne

Il me semble bien pourtant, en analysant ce très beau texte, que la Patrie dont parle le poète breton, est la France.

5ème strophe : "La France m'a appelé ce soir pour garder son honneur..."

7ème strophe : "Je suis une étoile claire qui brille au front de la France..."

Et surtout 8ème strophe : "Dors, ô patrie, dors en paix. (...)Dors, ô France !" (reprise symétrique qui paraît montrer que la Patrie dont on parle est bien la France).

9ème strophe : "Aux frontières de l'est, je suis le rocher breton." (Les frontières de l'Est de la Bretagne, ou les frontières de l'Est de la France ? Ca se passe dans les tranchées, durant la 1ère guerre mondiale... donc à l'Est de la France).

11ème strophe : "Le morceau de France sous ma garde, jamais ils ne l'auront..."

Après, c'est vrai que je n'étais pas dans l'esprit du poète quand il écrivait ces vers remarquables... Mais bon...

Sinon, attention de ne pas faire le jeu de l'Europe et des assassins de la Chrétienté qui favorisent la montée en puissance des revendications régionalistes pour mieux tuer ce qui reste de la Patrie au sens chrétien du terme (création, entre autres, d'Euro-régions qui empiètent sur les frontières des Etats et disloquent ces derniers). Cf. les conférences et les livres de Pierre Hillard à ce sujet.

Dubitatif

An Tasmant
Le poème de Yann-Ber Calloc'h n'est pas ambigu

Mon tour est venu de veiller au front de la France,

La France
M'a appelé ce soir pour garder son honneur,
Elle m'a ordonné de continuer sa vengeance.

Je suis une étoile claire qui brille au front de la France,
Je suis le grand guetteur debout pour son pays.

Le morceau de France sous ma garde, jamais ils ne l'auront...

Jamais Calloc'h n'écrit France entre guillemets.

En Distro

Merci de citer notre grand poête Bleimor, merci à Stephe d'avoir proposé la version originale, car le texte proposé n'est qu'une traduction, Yehann-ber Kalloc'h n'ayant écrit qu'en breton.
Pour lui, il n'y avait pas d'antinomie (malgré les apparences)entre son amour de sa grande et de sa petite patrie. Cette opposition est d'ailleurs purement franco-française, héritage faisandé de la révolution et du jacobinisme robespierrien revisité de nos jours à la sauce Mélenchon.
Kalloc'h avait bien entendu une nette préférence pour la Bretagne, sa patrie de coeur, ce qui n'excluait pas un réel attachement envers la France telle qu'elle aurait dû être, non pas cette caricature apostate qui est encore sa devanture actuelle. Kalloc'h s'est engagé (alors qu'il était réformé de ses obligations militaires en raison de sa santé précaire)
pour "garder toute la beauté du monde cette nuit" (oll kéned er bed é, en noz-mañ é viran) Le sous-lieutenant Kalloc'h ne s'est certainement pas battu et n'est pas mort pour cette France sectaire et anti-chrétienne qu'il villipendait dans ses poêmes, mais pour l'autre France, la réelle, où il y avait de la place pour la Bretagne et les autres peuples de France.
Il aurait évidemment voulu une Bretagne libre, mais il reconnaissait son ancienne défaite et son annexion face à la France. Cependant, il espérait pour l'avenir de la nation bretonne. Il espérait que la loyauté exemplaire et la combattivité des Bretons puissent ouvrir une autre forme d'union entre la Bretagne et la France ; lui aussi a cru dans l'union sacrée qui a vu les ennemis d'hier s'allier contre l'ennemi commun. Il est tombé au champ d'honneur avant d'être cruellement déçu comme beaucoup de ses compatriotes et de ses amis
écrivains bretons qui n'ont récolté qu'indifférence et ingratitude de la part de la République française -une- et - indivisible après une "victoire" très chèrement payée. Cette victoire à la Pyrrhus a certes contribué de manière décisive à émanciper les catholiques de France et à stopper les persécutions dont ils étaient victimes, mais n'a en rien résolu le problème des minorités qui ont continué à être victimes de la politique centralisatrice, œuvre maçonnique par excellence. Ces cruelles déceptions mèneront d'ailleurs certains patriotes bretons à faire des choix funestes quelques années plus tard.
Cependant, cette phase finale de l'oeuvre de Kalloc'h pendant la guerre est anecdotique par rapport au reste de son oeuvre poêtique. En effet, Kalloc'h avant d'être un écrivain guerrier est un poête chrétien, marqué par la douleur de sa vocation de prêtre qui n'a pu être accomplie suite à la présence de crises d'épilepsie dans sa famille (lui-même sera interdit d'accès aux ordres majeurs suite à une crise de cette maladie qui décima tous ses frères et soeurs)

Ses deux poêmes les plus célèbres restent "Jézus-krouédur" (cantique de Noël) et "Me zo ganet é-kreiz er mor" (mis en musique par Jef Le Penven qui sont désormais des classiques du répertoire breton.

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