Gleeden : les puritains ne sont pas ceux que l’on croit
26 février 2015
Extrait de l'éditorial d'Aymeric Pourbaix dans Famille chrétienne à propos de l'affaire Gleeden :
"[...] En prenant comme emblème une pomme croquée, le site Internet rejoue, sans le savoir sans doute, une des vieilles querelles dont la France a le secret : celle du jansénisme. À l’époque, dans ce XVIIe siècle qu’on appelle celui « des âmes », l’affaire prend une tournure de débat national, oppose les plus grands esprits, autour de la question du péché originel justement. Question essentielle : la nature humaine est-elle bonne ou mauvaise depuis la Chute du paradis ? Pour les jansénistes, condamnés par l’Église, l’homme déchu reste esclave de ses passions – sauf les élus qui seront sauvés.
Mais l’affaire ne s’arrête pas là. Elle sera exploitée par des économistes anglais, plus cyniques, qui prennent acte de ce pessimisme puritain mais le mettent au service d’intérêts économiques. « Les vices privés font le bien public », dit-on à l’époque. Et surtout celui des affaires ! C’est ici que l’on retrouve Gleeden, dont le chiffre d’affaires repose sur l’incitation à l’adultère. Est-ce là ce que l’on enseigne aujourd’hui dans les écoles de commerce ?
Mais ce que l’on sait moins, c’est qu’au XVIIe, les puritains eurent en face d’eux un autre courant, beaucoup moins fataliste sur la nature humaine. Pour ce dernier, représenté par un saint François de Sales, l’homme reste capable de faire le bien, malgré le péché originel. Voilà pourquoi cet humanisme chrétien a pu, à l’instar de saint Vincent de Paul, jouer un rôle essentiel dans la lutte contre la pauvreté de son temps : création d’hôpitaux, d’écoles, etc. Annonçant ainsi le catholicisme social du XIXe, pour qui il doit exister une morale en économie.
Y renoncer, écrivait alors un de leurs disciples, Fénelon, c’est conduire à « l’aveuglement le plus dénaturé » de l’espèce humaine, et faire de l’homme un « anthropophage » qui se détruira lui-même. Nous en sommes là aujourd’hui."