Serge Atlaoui : une sanction absolue exige une justice absolue
28 avril 2015
Les autorités françaises sont bien mal placées pour donner des leçons de morale à l'Indonésie lorsque l'on observe le peu d'efficacité et le laxisme de notre propre justice. Inutile de citer ici les nombreux cas de récidivistes coupables de meurtres après des libérations anticipées. Mettre en cause des dysfonctionnements supposés ou sans doute réels de la justice indonésienne ne peut donc pas être un argument porteur dans un pays où, contrairement à la France, le président a déclaré nécessaire de mener une véritable guerre contre la drogue.
Juger Serge Atlaoui en France comme le propose Florian Philippot, qui se déclare opposé à titre personnel à la peine de mort, n'est pas non plus très cohérent puisque cela revient à ne pas respecter la souveraineté en matière de justice d'un pays étranger. Accepterait-on qu'un étranger justiciable en France soit jugé dans son pays d'origine ?
La position de Philippe Bilger, ancien magistrat, semble être la plus raisonnable, la moins hypocrite et surtout la plus humaine. Extraits :
"On n'est pas obligé de croire que ces Français interpellés et condamnés dans des pays étrangers, pour des infractions souvent graves, sont forcément innocents. J'ai sans doute l'esprit trop suspicieux mais comment ne pas être étonné par certains éléments de fait et des dénégations trop systématiques pour pouvoir être crues à chaque fois ? (...)
Rien n'est plus difficile que ces opérations en même temps diplomatiques et humanitaires risquant d'exacerber la susceptibilité et d'offenser la dignité d'un pays indépendant. Il convient d'intervenir avec tact et persuasion. Je ne suis pas persuadé que certaines réactions (...) soient très pertinentes sur ce plan (...)
Quant aux démonstrations émues des proches de Serge Atlaoui (TF1), si elles sont touchantes, elles n'ont évidemment aucune valeur probante. Je n'ai jamais entendu une famille consentir à ce que l'un de ses membres soit justement mis en cause. C'est contre l'exécution de Serge Atlaoui que le seul combat qui vaille doit être mené.
Que le trafic de drogue puisse être sanctionné par la mort n'est pas en soi un scandale en raison des tragiques conséquences d'un tel processus. Il n'empêche qu'il est possible d'argumenter sur l'écart opératoire qui existe entre la nature de l'infraction (...) et le caractère définitif de la sanction. Il y a là une inadaptation aussi bien morale que judiciaire. Serge Atlaoui, par ailleurs, a déjà été emprisonné dix ans et, pour ce qui lui est imputé, c'est déjà bien plus qu'un début de répression (...) Il n'empêche que ces dix années purgées pourraient permettre à l'Etat indonésien de faire preuve d'humanité sans être humilié.
Surtout, cette mort encore plantée sur le destin de Serge Atlaoui, il faut absolument la faire sortir du champ de la Justice. Il n'est pas nécessaire ni habile de s'en prendre à la justice indonésienne mais (...) une sanction absolue exigerait une justice absolue. En ce sens, il est évident que pas plus la justice en Indonésie que celles ayant conservé la peine de mort aujourd'hui ou celles d'hier avant de l'avoir abolie, ne peuvent se prétendre absolues, aussi respectables qu'elles puissent être.
Cet argument, au-delà du rapport de force politique, est de nature à convaincre sans faire perdre la face à quiconque et à quelque pouvoir que ce soit. Coupable ou innocent, Serge Atlaoui est à sauver de la mort. Parce qu'en Indonésie ou ailleurs, on ne doit pas imiter le crime, on ne doit pas tuer."
Ce que dit le catéchisme de l'Eglise catholique sur la peine de mort (CEC 2267) :
"L’enseignement traditionnel de l’Eglise n’exclut pas, quand l’identité et la responsabilité du coupable sont pleinement vérifiées, le recours à la peine de mort, si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains.
Mais si des moyens non sanglants suffisent à défendre et à protéger la sécurité des personnes contre l’agresseur, l’autorité s’en tiendra à ces moyens, parce que ceux-ci correspondent mieux aux conditions concrètes du bien commun et sont plus conformes à la dignité de la personne humaine.
Aujourd’hui, en effet, étant données les possibilités dont l’Etat dispose pour réprimer efficacement le crime en rendant incapable de nuire celui qui l’a commis, sans lui enlever définitivement la possibilité de se repentir, les cas d’absolue nécessité de supprimer le coupable" sont désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants " (Evangelium vitae, n. 56)."
Je partage tout à fait la position de Philippe BILGER, qui est à la fois argumentée et nuancée, donc sensée.
On peut penser ce que l’on veut de la justice indonésienne. Pour ma part je ne la connais pas assez pour en avoir une opinion précise et sereine.
Je sais par contre que la justice française a beaucoup d’imperfections, qui s’aggravent.
C’est pourquoi la déclaration de Florian PHILIPPOT est absurde.
La France ne peut espérer sauver Serge ATLAOUI de la mort que par une diplomatie à la fois discrète et pleine de tact.
Les discours publics moralisateurs ou de va-t-en-guerre de ces derniers jours ne peuvent être que contre-productifs.
L’Indonésie est un grand pays de 250 millions d’habitants devenu indépendant encore récemment, donc à la forte fierté nationale. Il faut se rappeler qu’elle fut sous les présidences de SOEKARNO et SUHARTO un des principaux pays non alignés, qui refusaient les leçons des blocs de l’ouest et de l’est.
Son président actuel élu il y a quelques mois entend lutter sans pitié contre le trafic de drogues.
La France de HOLLANDE peut-elle en dire autant ?
L’histoire est parfois bien utile. Malheureusement l’inculture française et particulièrement de gauche en la matière est très grande.
Rédigé par : EROUANI | 28 avril 2015 à 10:19
"Etant données les possibilités dont l'Etat dispose pour réprimer le crime…" dit le Catéchisme après Evangelium Vitae..
Le Vatican serait bien bon de nous dire de quelles possibilités l'Etat dispose pour réprimer les récidives de pédophilie, viols et et assassinat ?
La castration ?
La prison à vie ? Si cette sanction était incompressible (ce qui n'est jamais le cas), elle serait bien plus atroce que la mort.
Rédigé par : g marie | 28 avril 2015 à 11:14
"Aujourd’hui, en effet, étant données les possibilités dont l’Etat dispose pour réprimer efficacement le crime en rendant incapable de nuire celui qui l’a commis"(Evangelium vitae)
j'en doute ... et tout est là !
Rédigé par : Garantez | 28 avril 2015 à 11:29
Contrairement à ce qu'affirme M. Bilger, l'Etat qui élimine un assassin n'imite en rien le crime.
Rédigé par : Bernard S | 28 avril 2015 à 12:06
Erouani a bien raison, et j'ajouterai que Hollande et sa clique ne semblent pas avoir la moindre idée de la fierté des Asiatiques. A moins qu'il ne s'agisse de gesticulations uniquement destinées à la scène française, peu important les conséquences...
Les doutes qui ont été émis par l'exécutif sur la justice indonésienne ne sont pas de nature à créer une issue favorable pour Atlaoui. Tout comme les injures envers l'Indonésie quant à la peine de mort : Hollande, s'il veut être cohérent, doit de suite rompre avec les Etats-Unis, la Chine et quelques autres pays dont nos fameux alliés très démocrates et gentils puisqu'ils combattent un Etat islamique qu'ils ne savent plus contrôler en dépit d'un partage de valeurs assez proches en matière de religion...
Nul doute qu'ils vont se servir de cette affaire pour tenter de réduire le nombre de partisans de la peine capitale, dont je suis.
Rédigé par : Jean | 28 avril 2015 à 12:26
Et voici ce que dit saint Thomas d’Aquin, docteur de l’Église :
« Par le péché l’homme s’écarte de l’ordre prescrit par la raison ; c’est pourquoi il déchoit de la dignité humaine qui consiste à naître libre et à exister pour soi ; il tombe ainsi dans la servitude qui est celle des bêtes, de telle sorte qu’on peut disposer de lui selon qu’il est utile aux autres, selon le Psaume (XLIX, 21) : ‘‘L’homme, dans son orgueil, n’a pas compris ; il est descendu au rang des bêtes ; il est devenu semblable au bétail qu’on abat’’. (…) Voilà pourquoi, s’il est mauvais en soi de tuer un homme qui garde sa dignité, ce peut être un bien que de mettre à mort un pécheur, absolument comme on abat une bête ; on peut même dire avec Aristote qu’un homme mauvais est pire qu’une bête nuisible. » (Somme théologique, IIa-IIae, q. 64, a. 2, ad. 3).
Rédigé par : Sibuet | 28 avril 2015 à 12:38
Il délire M. PHELIPOT : il fera juger les délinquants alfgériens en Algérie ?
Comme quoi un énarque ne sait pas tout.
Rédigé par : cacolac | 28 avril 2015 à 13:03
Plutôt d'accord avec Ph. Bilger.
Dès qu'un français est mis en cause à l'étranger, le système politico-médiatique le proclame innocent. Si tous les gens qui proclament leur innocence devait être libérés sur parole, autant supprimer tribunaux et prisons. Contrairement à la France, la plupart des pays, notamment les anciennes colonies comme l'Indonésie, sont attachées à leur souveraineté, et refusent de se faire dicter leur conduite par un Etat étranger. On se souvient des rodomontades de Sarkozy à propos de Florence Cassez et qui avait braqué les autorités mexicaines. Nous sommes sensés défendre l'égalité, or la loi indonésienne est la même pour tous, Indonésiens ou étrangers ; ce n'est pas parce qu'un accusé est français qui'il doit bénéficier d'un traitement de faveur.
J'ai tendance à trouver démesurée la peine de mort pour trafic de drogue, cependant "Dura lex sed lex".
Enfin l'idée de juger ce monsieur en France est complètement farfelue, à partir du moment où le délit a été commis en Indonésie, c'est du ressort de la Justice indonésienne. Je trouve d'ailleurs que trop souvent la police et la justice française se mêlent de ce qui ne les regardent pas, ainsi de l'accident d'hélicoptère en Argentine (jeu de TF1), sous prétexte qu'il y a des victimes françaises.
Rédigé par : professeur Tournesol | 28 avril 2015 à 15:05
M Atlaoui catholique pratiquant est allé se fourrer dans une galère certainement par angélisme pour le bien du peuple indonésien.
Il est évidemment innocent.
On ne mérite pas la mort pour cause de bêtise.
J'ai quand même tendance à penser que les indonésiens ne sont pas des idiots et qu'ils ont établi les preuves formelles de la culpabilité de ce monsieur.
Il a joué, il a perdu, et s'il compte sur le poids de la France pour le tirer d'affaire, il fait erreur.
Les indonésiens ne savent même pas que la France existe et se moquent complètement des états d'âme de mollasse premier.
Rédigé par : tatzieff | 28 avril 2015 à 15:35
En réponse à gmarie et garantez, si la peine de mort pose suffisamment problème pour que le Catéchisme prenne autant de précautions, ce n'est pas parce que ce serait une sanction plus atroce que la prison (il est des prisons vraiment atroces) ou qu'il existe d'autres moyens d'empêcher quelqu'un de nuire, mais c'est, comme le dit explicitement le texte, parce qu'en l'infligeant, l'homme décide du moment à partir duquel un autre homme ne pourra plus se repentir : c'est suffisamment grave pour qu'on y réfléchisse vraiment.
Rédigé par : emmanuel2 | 28 avril 2015 à 17:47
D'accord avec EROUANI | 28 avr 2015 10:19:24 et Jean
Petite remarque :
- En Indonésie peine de mort pour les trafiquants de drogue
- En France salles de shoot
Pas sûr que Hollande soit qualifié pour parler du système pénal indonésien...
Rédigé par : SD-Vintage | 28 avril 2015 à 22:46
Si il est exécuté, ça otera peut être l'idée aux trafiquants français d'aller exercer en Indonésie...
Rédigé par : pax | 28 avril 2015 à 22:50
Il ne faut pas à mon avis focaliser le débat sur la question de la peine de mort. Le problème est que ces dernières années, l'actuel gouvernement, mais également les précédents ont soutenus des français détenus à l'étranger dont le comportement était soit politiquement controversé où alors vraiment pas ou peu recommendable.
Outre l'affaire Attloui on peut citer:
-L'affaire du franco-israélien Gilad Shalit, fait prisonnier par le Hamas et objet de transactions pendant des années quant à sa libération en échange de prisonniers palestiniens. On peut tout de même relever qu'en raison de sa double-nationalité Shalit pouvait vivre en France, ne pas servir dans l'armée israélienne qui s'est illustrée notamment ces dernières années par des massacres de civils palestiniens, dont des enfants. S'il prend ses risques et est fait prisonnier, on se demande en quoi celà devrait concerner le gouvernement français.
-L'affaire de la française Florence Cassez, concubine au Mexique du chef d'un gang de kidnappeurs, dit du zodiaque, Israël Vallarta. Alors que les médias et le gouvernement français sous Sarkosy faisaient campagne en la présentant comme une jeune femme placide et un peu naïve, dont le seul tord aurait été de tomber amoureuse d'un criminel, les victimes du gang et la justice mexicaine la présentaient comme un monstre sadique, une véritable tortionnaire. Une femme kidnappée Christina Valladares avait relevée que Cassez avait demandé à son fils de 11 ans s'il préférait qu'on lui coupe une oreille ou un doigt (les kidnappeurs du zodiaque mutilaient leurs victimes pour étayer leurs demandes de rançon par des parties de leurs corps). En fin de compte Cassez était tout de même moins cruelle. Elle a "seulement" prélevé du sang du garçonnet, le gang ayant envoyé l'oreille coupée d'un autre enfant mort maculée du sang du jeune garçon!
Après qu'Israel Vallarta eut violée la mère kidnappée, Florence Cassez faisant une crise de jalousie, avait menacée de tuer cette femme.
Au regard de ces éléments la peine de 60 ans de prison infligée à Cassez par la justice mexicaine était proportionnée à la faute.
Si l'on reprend maintenant l'affaire Attloui, il est précisé dans tous les aéroports indonésiens que le trafic de drogue est passible de la peine de mort. On se pose la question en quoi ces français qui se livrent à l'étranger à la criminalité lourde au préjudice des autochtones méritent la protection de l'état et des associations droitdel'hommistes? La vie et la santé des Mexicains ou des Indonésiens auraient-ils moins de valeur que celle de certains français?
Rédigé par : MEIERS | 29 avril 2015 à 09:06
La seule chose qui me dérange, en fonction des informations dont l'on dispose, c'est le refus de laisser aux condamnés le choix du pasteur qui va les suivre jusqu'aux derniers instants :
"Si les autorités ont accédé à la dernière volonté d'Andrew Chan d'épouser sa compagne indonésienne lors d'une cérémonie célébrée le 27 avril au complexe pénitentiaire, elles ont refusé aux deux condamnés australiens le choix du pasteur qui les a accompagnés dans leurs derniers instants. "Les familles sont furieuses, on leur refuse la dignité jusqu’au bout", a poursuivit la correspondante de France 24."
http://www.france24.com/fr/20150428-indonesie-huit-condamnes-mort-executes-fusillade-atlaoui-sursis
A Emmanuel2, l'apôtre Paul demande de craindre le juge car il ne porte pas l'épée en vain :
" Le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains; car ce n'est pas en vain qu'il porte l'épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal." (Romains 13:4)
Ce qui veut dire que même dans le cas d'une justice honnête, la peine de mort est acceptable, même si cela réduit les chances de repentance.
Rédigé par : Jean | 29 avril 2015 à 11:18
Une Philippine peut-être innocente et non exécutée, un pays encore profondément chrétien remercie Dieu : http://www.lepoint.fr/monde/sursis-pour-une-philippine-en-indonesie-l-archipel-crie-au-miracle-29-04-2015-1925018_24.php
Rédigé par : Jean | 29 avril 2015 à 11:22
Tous les fusillés de cette nuit sont morts en louant Dieu : http://www.lepoint.fr/monde/indonesie-ils-ont-chante-des-louanges-a-dieu-avant-leur-execution-dans-la-jungle-29-04-2015-1925051_24.php
Rédigé par : Jean | 29 avril 2015 à 12:06