Où existe-t-il un islam non politique ?
25 avril 2016
Suite à un entretien sur l'islam avec Michel Onfray dans le Figaro Magazine, Bernard Antony corrige :
"Le Figaro-Magazine de cette semaine a pour titre de couverture « Les intellectuels et l’islam » avec la photo en premier plan de Michel Onfray bordé à sa droite par Eric Zemmour et Alain Finkelkraut et à sa gauche par Zineb El Rhazaoui, Mohamed Sifaoui et Michel Houellebecq. [...]
Où Devecchio a-t-il vu un islam non politique ? Des musulmans personnellement non intéressés par la politique, on peut en rencontrer mais pour autant ne font-ils plus partie de l’oumma ? Et l’oumma n’est-elle pas régie dans tous les aspects de la vie par la charia ? La vérité, c’est que si l’islam n’est plus politique, eh bien, il n’y a plus d’islam !
Mais ce qui est excusable chez un journaliste qui n’est pas nécessairement très formé sur l’islam ne l’est plus dès lors qu’il s’agit de Michel Onfray, intellectuel et philosophe et auteur d’un livre sur l’islam.
Non seulement lui aussi évoque « l’islam politique », affirmant donc implicitement un « islam apolitique », encore une fois, où et quand ? Avec les 4 premiers califes (« successeurs ») de Mahomet, avec les suivants ? Dans l’empire ottoman ? Aujourd’hui en Arabie Saoudite, en Iran, en Turquie ? Et même sous les régimes dits « laïques », kémaliste ou baasiste, en Turquie, en Irak, en Syrie, l’islam était-il apolitique ?
Que nenni ! Ce serait ne rien connaître l’histoire et de la réalité de ces pays et de ces régimes que de l’affirmer !
Onfray professe : « L’islamisme est l’islam qui s’appuie sur les seules sourates dont j’ai dit qu’elles étaient incompatibles avec les valeurs de la République ». L’embêtant, d’abord, c’est qu’il ne cite pas lesquelles et qu’il semble allègrement confondre sourates et versets tout en déformant le texte.
Ainsi cite-t-il comme une sourate les mots suivants : « Exterminez les incrédules jusqu’au dernier » alors que le texte exact est : « … Dieu voulait manifester la vérité par ses paroles et exterminer les incrédules jusqu’au dernier,… ».
Ce n’est évidemment pas une sourate mais un extrait des versets 7 et 8 de la sourate VIII titrée Le Butin.
Ensuite, même si, comme nous, on a la plus grande répulsion pour l’islamisme, comment oser écrire qu’il s’appuie sur les seules sourates incompatibles avec les valeurs de la République ?
Il y a 114 sourates dans le Coran. Ce serait intéressant qu’Onfray nous dise celles que l’islamisme délaisse. Remarquons aussi qu’il n’évoque même pas les Hadîths, deuxième texte sacré de l’islam dont le sahîh d’El-Bokhâri comporte 97 sourates dont on lit toujours au moins quelques versets dans les cultes du vendredi.
Or, c’est à partir du Coran et des Hadîths qu’a été élaborée la charia, la loi fondamentale de la théocratie totalitaire islamique que les islamistes veulent simplement appliquer entièrement et dans toute sa rigueur et même son horreur.
Et l’important n’est donc pas de savoir si tel ou tel verset (qu’Onfray appelle des sourates !) est compatible avec les valeurs de la République alors que bien évidemment la question de la compatibilité porte sur la charia, indéniablement loi religieuse, politique et code de mœurs régissant l’oumma dans tous les aspects de la vie collective et les moindres détails de la vie individuelle.
Or Onfray n’évoque même pas l’oumma, ni la charia, ces deux mots-clés de la réalité islamique !
Parler de l’islam sans même les considérer un instant, ce n’est pas sérieux. Mais là où vraiment il se dévalue, c’est en brandissant lui aussi, comme les musulmans maniant la taqiya, le verset « Pas de contrainte en religion ! ». Or tous ceux qui ne sont pas des prosélytes de l’islam savent que le verset fut utilisé par Mahomet lors de ses débuts à La Mecque, pour réclamer que nul ne s’oppose à ceux qui souhaiteraient se convertir à l’islam.
Jamais, même dans les époques et les régimes islamiques les moins fanatiques ce verset n’a été appliqué dans l’autre sens. Pas question de respecter une non-contrainte : abandonner l’islam, c’est apostasier et la charia stipule la peine de mort pour cela, toujours appliquée dans les deux pays phares de l’islam, l’Arabie Saoudite sunnite et l’Iran Chiite et plusieurs autres pays. Ailleurs, si ce n’est pas la mort « de jure » ce l’est très souvent « de facto », par la violence de l’oumma, et pour le moins, ce sont légalement de lourdes peines que l’on inflige. [...]"