Polémique autour d’un livre sur le bouddhisme
02 février 2017
La Croix relaie dans un article les attaques de spécialistes du bouddhisme contre l’ouvrage « Les dévots du bouddhisme », dans lequel Marion Dapsance s’en prend au tibétain Sogyal Rinpoché et à la récupération occidentale du bouddhisme, devenu "spiritualité" de substitution au christianisme. La Croix, journal estampillé catholique, n'a pas contacté l'auteur de cet ouvrage (issu tout de même d'une thèse de doctorat), mais se fait le porte-parole de 3 enseignants français du bouddhisme (non universitaires). Le journal La Croix communie-t-il béatement dans l'idolâtrie bouddhiste tibétaine ?
Le Salon Beige a décidé d'interroger Marion Dapsance, Docteur en anthropologie de l’Ecole pratique des hautes études, en contrat postdoctoral à l’Université de Columbia (New York), qui nous propose de publier ce qui suit :
"Je tiens tout d’abord à remercier Madame Lesegrain pour la publicité qu’elle fait à mon ouvrage.
Je regrette cependant que cette journaliste ne connaisse pas les règles élémentaires de son métier, qui est de vérifier l’information que lui communiquent ses informateurs, en l’occurrence deux ou trois individus dont le fonds de commerce semble mis en péril par des recherches non complaisantes sur le bouddhisme en Occident. A part Monsieur Cornu, dont on demande encore à voir la thèse, ces gens ne sont pas des « tibétologues et bouddhologues » mais des enseignants bouddhistes indépendants qui gagnent leur vie à vendre des cours et des ouvrages sur le bouddhisme. Nuance de taille. Les tibétologues reconnus au niveau international, eux, apprécient beaucoup mon travail, et le trouvent même salutaire. Il aurait suffi de les contacter, leurs adresses électroniques étant aisément disponibles sur le site de leurs universités respectives. Il s’agit de Messieurs Charles Ramble (Oxford-EPHE, ancien président de la société internationale de tibétologie), Donald Lopez (Université du Michigan, l’un des pontes internationaux de la bouddhologie et de la tibétologie) et Nicolas Sihlé (tibétologue au CNRS), notamment.
Je comprends que ces marchands du temple qui s’octroient le titre de « spécialistes du bouddhisme » voient d’un mauvais œil un point de vue – non pas « hostile » mais critique – sur – non pas « le bouddhisme en tant que tel » mais la manière dont les Occidentaux se l’approprient – et l’attitude de mes contradicteurs ne fait vraiment rien pour redorer leur blason. Mais vous, journaliste, devez-vous absolument, par réflexe, vous ériger en défenseur des droits du bouddhisme soi-disant opprimé, sans même vous donner la peine de lire mon travail ou d’en discuter avec moi ? Car manifestement, vous ne l’avez pas lu, car vous n’y auriez trouvé aucune condamnation ni aucune critique du « bouddhisme en tant que tel ». Il est tellement plus simple de « s’indigner » que de réfléchir. Dommage, car réfléchir vous aurait évité de diffuser des propos passibles de condamnation pour diffamation – comme l’affirmation selon laquelle mon travail aurait été financé par des « bienfaiteurs chinois », proprement ridicule. La vérité est que ces énergumènes n’ont aucun argument sérieux à m’opposer et ne supportent tout simplement pas que des points de vue divergents s’expriment – pour les apôtres de la tolérance et de la compassion qu’ils prétendent être, c’est plutôt comique.
Mon travail ne consiste pas à « dénoncer » le « bouddhisme en général », pour lequel, bien que je n’y adhère pas, j’éprouve le plus grand respect. Il consiste à montrer la manière dont, historiquement, certains Occidentaux en sont venus à se constituer un « bouddhisme » tout à fait fictif, pour leur consommation personnelle, bouddhisme qui n’a que peu à voir avec la manière dont les Asiatiques le conçoivent et le vivent. Mon travail montre et analyse les décalages et les incohérences qui existent entre l’idée que se font ces Occidentaux du bouddhisme (« pas une religion » mais « une spiritualité laïque », « sans dogme et sans autorité », etc.) et les traditions culturelles et religieuses que leur apportent effectivement les enseignants asiatiques, notamment tibétains. Ces traditions comprennent des dogmes, des rituels, des relations d’autorité hiérarchique, une foi aveugle en des « maîtres omniscients », auxquels la soumission se doit d’être absolue. Que mes détracteurs le veuillent ou non, le bouddhisme, c’est aussi cela.
Marion Dapsance"
Pour découvrir le Grand Lama tibétain Sogyal Rinpoché défendu par ces gens :