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Une génération sacrifiée ?

Loïc Mérian, Directeur des éditions Artège, nous propose ce compte-rendu du congrès Mission qui s'est tenu ce week-end à Paris :

1J’ai participé ce week-end à Paris à la 3e édition du congrès Mission rassemblant de nombreux acteurs de l’évangélisation dans l’Eglise de France et organisé par différents mouvements (Anuncio, Alpha, Ain Karem, les chevaliers de Colomb et la Communauté de l’Emmanuel).

Sincèrement, j’ai été très heureusement surpris de l’atmosphère, du contenu, de la richesse des échanges et de la diversité des participants : beaucoup de jeunes mais aussi de nombreux 30-40 ans, un gros brassage de population (et pas simplement le look catho-bourgeois qu’on imagine voir dans ce genre de rassemblement), des prêtres, religieux et religieuses de communautés très diverses (missionnaires de la miséricorde, diocésains, communauté saint Martin, Emmanuel, Verbe de Vie, etc) des communautés nouvelles aux communautés traditionnelles en passant par de nombreux prêtres diocésains.

On est généralement habitués à voir ces rassemblements se tenir à Toulon ou Avignon sous l’impulsion d’évêques engagés depuis longtemps dans l’effort missionnaire, mais il y avait là un enracinement nouveau, une maturité dans les propositions et les débats, une profonde unité de but par-delà les diversités de méthodes, qui font dire que cet élan va continuer de manière durable.

3Imaginez, cent cinquante ateliers ont permis à presque 2000 personnes de découvrir une constellation d’initiatives missionnaires dans tous les domaines : échanges, débats, formation … un sacré incubateur d’idées. J’ai été particulièrement frappé par le témoignage humble mais ferme de Mgr Dufour, archevêque d’Aix en Provence qui s’est lancé, rien que ça, dans la conversion pastorale de son diocèse tout entier à l’action missionnaire. A l’exemple de ces paroisses américaines qui s’orientent radicalement vers l’évangélisation, il a mis sur pied une « task force » resserrée, résolue, allégeant au maximum le poids de l’administration diocésaine pour consacrer son énergie aux paroisses, avec un esprit de subsidiarité qui se fait rare, afin qu’elles soient avant tout des pôles missionnaires. Difficile à expliquer en quelques mots mais son approche, profonde et déterminée, consciente des difficultés est un vrai bol d‘air … non le déclin de l’Eglise n’est pas fatal et on peut encore agir mais c’est …maintenant ou jamais. Cette intervention à elle seule valait le détour … sans compter les tables rondes sur la place du christianisme dans la société, l’attitude face à l’Islam, les minorités créatives, qui ont apporté de manière constructive leur lot de réflexions pour l’avenir.

En quittant le congrès j’ai repensé à son ancêtre lancé en 1988 par Philippe de Saint Germain, « Apôtres de l’an 2000 », qui s’appellera même « congrès Mission » deux ans plus tard. Plus de 10 000 personnes présentes à Versailles, de nombreuses associations, un vrai mouvement enthousiaste de la génération Jean-Paul II. A l’époque ce fut un tollé dans le monde catholique français … de nombreux mouvements « officiels » s’insurgèrent publiquement contre ce « retour en arrière » à une affirmation plus identitaire du catholicisme, les médias catholiques (pas tous…) pointèrent du doigt la « papolâtrie » qui y régnait, le goût trop prononcé pour les enseignements magistraux, la rupture d’unité que cela occasionnait dans l’Eglise de France, on parla même de « concurrence déloyale » à cause des moyens engagés !

En deux années « l’incendie évangélisateur » fut étouffé sous l’éteignoir. Trente ans après cette initiative prophétique je me suis dit que les organisateurs avaient eu raison trop tôt, que les temps n’étaient pas mûrs, que les résistances étaient trop fortes. La braise ne s’est pas éteinte, elle s’est faite plus discrète, les communautés se sont diversifiées, affermies, sans chercher la démonstration « de force » ; les initiatives individuelles de laïcs ont tracé leur chemin à côté des institutions sans chercher les frictions et elles ont prospéré ; une nouvelle génération d’évêques est arrivée et en 2017, certes de manière plus modeste qu’en 1988, le congrès Mission commence à prendre son ampleur sans qu’aucune voix ne s’élève pour en contester l’existence et l’âme.

Personne ne peut plus critiquer …ni même presque se passer de ces différentes communautés ou initiatives laïques. Elles sont devenues incontournables. Sans bruit, sans heurt, sans prétention hégémonique, elles se sont imposées d’elles-mêmes dans le paysage de l’Eglise de France. Certes c’est un peu la « paix des cimetières » car c’est sans doute la faiblesse qui a éteint la critique mais quel chemin parcouru ! J’avais 22 ans en 1988 … c’est donc plus d’une génération qui a été sacrifiée dans l’intervalle … une génération qui a dû endurer nombre de vexations, nombre de stigmatisations, nombre de « vous n’avez aucun mandat pour mener ces initiatives » ou « votre action ne correspond pas aux options pastorales actuelles ».

0On nous a dit depuis 50 ans que Vatican II c’était le temps des laïcs, mais manifestement la voix de tous les laïcs n‘avait pas jusqu’à présent le même droit au chapitre. Désormais il semble que ce soit bien le temps de « tous les laïcs de bonne volonté » … ne boudons pas notre joie, l’Espérance doit être de mise, « il n’y a pas de fatalité au déclin de l’Eglise » disait Mgr Dufour dans son homélie au congrès. Ca ne veut nullement dire que tout va bien et qu’il faut faire preuve d’un optimisme béat mais ce Congrès réussi montre qu’il y a de belles raisons d’espérer.