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Les fondements idéologiques des abus sexuels dans l'Eglise

Voici ce qu'en disait Benoît XVI en 2010 :

"Pour nous opposer à ces forces nous devons jeter un regard sur leurs fondements idéologiques. Dans les années soixante-dix, la pédophilie fut théorisée comme une chose complètement conforme à l’homme et aussi à l’enfant. Cependant, cela faisait partie d’une perversion de fond du concept d’ethos. On affirmait – jusque dans le cadre de la théologie catholique – que n’existerait ni le mal en soi, ni le bien en soi. Existerait seulement un « mieux que » et un « pire que ». Rien ne serait en soi-même bien ou mal. Tout dépendrait des circonstances et de la fin entendue. Selon les buts et les circonstances, tout pourrait être bien ou aussi mal. La morale est substituée par un calcul des conséquences et avec cela cesse d’exister. Les effets de ces théories sont aujourd’hui évidentes. Contre elles le Pape Jean-Paul II, dans son Encyclique Veritatis splendor de 1993, a indiqué avec une force prophétique, dans la grande tradition rationnelle de l’ethos chrétien, les bases essentielles et permanentes de l’agir moral. Ce texte doit aujourd’hui être mis de nouveau au centre comme parcours dans la formation de la conscience. C’est notre responsabilité de rendre de nouveau audibles et compréhensibles parmi les hommes ces critères comme chemins de la véritable humanité, dans le contexte de la préoccupation pour l’homme, où nous sommes plongés."


Un livre inédit du Pape Benoît : Sans Dieu, les droits de l’homme s’effondrent

Le livre préfacé par le pape François sera en vente à partir du 10 mai. Settimo Cielo vous propose de découvrir un texte de Joseph Ratzinger daté du 29 septembre 2014 et qui n’a encore jamais été publié, sur la question du fondement des droits humains. Il s’agit d’un texte rédigé un an et demi après sa renonciation, pour commenter un livre – par la suite publié en 2015 sous le titre définitif « Diritti umani e cristianesimo. La Chiesa alla prova delle modernità » – de son ami Marcello Pera, philosophe de l’école libérale et ancien président du sénat italien.

Dans son commentaire, le pape émérite analyse l’immixtion des droits de l’homme dans la pensée laïque et chrétienne de la deuxième moitié du vingtième siècle en tant qu’alternative aux dictatures totalitaires en tout genre, athées au islamiques. Et il explique pourquoi « dans ma prédication et dans mes écrits, j’ai toujours affirmé la centralité de la question de Dieu ».

Voici le texte inédit qui ouvre ce volume de la collection. Le sous-titre est l’original de Ratzinger en personne.

9788868795221-648x1000"Sans Dieu, les droits de l’homme s’effondrent - Éléments pour une discussion sur le livre de Marcello Pera « La Chiesa, i diritti umani e il distacco da Dio ».de Joseph Ratzinger

Ce livre représente sans aucune doute un défi majeur pour la pensée contemporaine et aussi, particulièrement, pour l’Eglise et la théologie. Le hiatus entre les affirmations des papes du XIXè siècle et la nouvelle vision qui commence avec « Pacem in terris » est évidente et l’on a beaucoup débattu à ce sujet.  Elle se trouve aussi au cœur de l’opposition de Lefèbvre et de ses partisans contre le Concile. Je ne me sens pas en mesure de fournir une réponse claire à la problématique soulevée par votre livre ; je me limiterai donc à faire quelques remarques qui, à mon sens, pourraient être importantes pour une discussion ultérieure.

1.  Ce n’est que grâce à votre livre qu’il m’est apparu clairement dans quelle mesure « Pacem in terris » est à l’origine d’une nouvelle orientation. J’étais conscient de l’ampleur de l’impact de cette encyclique sur la politique italienne : c’est elle qui a donné l’impulsion décisive pour l’ouverture à gauche de la Démocratie Chrétienne. Je n’étais en revanche pas conscient du nouveau départ qu’elle a constitué, notamment par rapport aux idéaux fondamentaux de ce parti. Et néanmoins, pour autant que je m’en souvienne, ce n’est qu’avec Jean-Paul II que la question des droits de l’homme a acquis une importance de premier plan dans le Magistère et dans la théologie postconciliaire. A partir de là, cette affirmation ne concernait plus seulement les dictatures athées mais également les États fondés sur base d’une justification religieuse comme on en trouve surtout dans le monde musulman. À la fusion du politique et du religieux dans l’islam, qui limite nécessairement la liberté des autres religions et donc aussi celle des chrétiens, on oppose la liberté de conscience qui considère dans une certaine mesure l’État laïque lui-même comme étant la forme juste de l’État, une forme qui donne de l’espace à cette liberté de conscience réclamée par les chrétiens depuis le début. En cela, Jean-Paul II savait qu’il était en profonde continuité avec les origines de l’Église. Il se trouvait devant un État qui connaissait la tolérance religieuse, bien sûr, mais qui identifiait autorité publique et autorité divine, ce que les chrétiens ne pouvaient accepter. La foi chrétienne, qui annonçait une religion universelle pour tous les hommes, incluait nécessairement une limitation fondamentale de l’autorité de l’État en raison des droits et des devoirs de la conscience individuelle.

Ce n’est pas en ces termes que l’idée des droits de l’homme était formulée. Il s’agissait plutôt de fixer l’obéissance de l’homme à Dieu comme limite de l’obéissance à l’État. Cependant, il ne me semble pas justifié de définir le devoir d’obéissance de l’homme à Dieu comme un droit par rapport à l’État. Et à cet égard, il était parfaitement logique que Jean-Paul II, devant la relativisation chrétienne de l’État en faveur de la liberté de l’obéissance à Dieu, vit ainsi s’exprimer un droit humain qui précédait toute autorité de l’État. Je crois qu’en ce sens le Pape ait pu affirmer qu’il y avait certainement une profonde continuité entre l’idée de fond des droits de l’homme et la tradition chrétienne, même si bien sûr les instruments respectifs, les mots et la pensée étaient très éloignés l’un de l’autre.

J’ai l’impression qu’en ce qui concerne le Saint Pape, il ne s’agisse pas tant du résultat d’une réflexion (même si elles sont nombreuses chez lui) que de la conséquence d’une expérience pratique. Contre l’emprise totalitaire de l’Etat marxiste et de son idéologie sous-jacente, il a vu dans cette idée des droits de l’homme l’arme concrète en mesure de limiter le caractère totalitaire de l’État, offrant ainsi l’espace de liberté nécessaire non seulement pour la pensée de l’individu mais aussi et surtout pour la foi des chrétiens et pour les droits de l’Église. L’image séculaire des droits de l’homme, selon la formulation qu’on leur a donnée en 1948, lui est apparue de toute évidence comme la force rationnelle qui contrebalançait la prétention universelle, au niveau idéologique et pratique, de l’Etat fondé sur le marxisme. C’est ainsi qu’en tant que pape, il a affirmé que la reconnaissance des droits de l’homme était une force reconnue par la raison universelle dans le monde entier contre les dictatures de toute sorte.

2.  A mon avis, dans la doctrine de l’homme fait à l’image de Dieu, on retrouve fondamentalement ce que Kant affirme quand il définit l’homme comme une fin et non comme un moyen. On pourrait également dire qu’elle contient l’idée que l’homme est sujet et non pas seulement objet de droit. Cet élément constitutif de l’idée des droits de l’homme est à mon sens exprimée clairement dans la Genèse : « Quant au sang, votre principe de vie, j’en demanderai compte à tout animal et j’en demanderai compte à tout homme ; à chacun, je demanderai compte de la vie de l’homme, son frère. Si quelqu’un verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé. Car Dieu a fait l’homme à son image. » (Gn 9, 5-6). Le fait d’être créé à l’image de Dieu inclut le fait que la vie de l’homme soit placée sous la protection spéciale de Dieu et le fait que l’homme, par rapport aux lois humains, soit titulaire d’un droit instauré par Dieu lui-même. Sauf erreur de ma part, Jean-Paul II concevait son engagement en faveur des droits de l’homme dans une continuité avec l’attitude adoptée par l’Eglise primitive envers l’État romain. De fait, le mandat du Seigneur de faire de toute les nations des disciples avait créé une situation nouvelle dans le rapport entre la religion et État. Jusqu’à cette époque, aucune religion ne prétendait à l’universalité. La religion constituait une partie essentielle de l’identité de chaque société. Le mandat de Jésus ne signifie pas qu’il faille exiger une transformation de la structure des sociétés individuelles mais il exige toutefois que dans chaque société, on donne la possibilité d’accueillir son message et de vivre en conformité avec celui-ci.

Il en découle surtout en premier lieu une nouvelle définition de la nature même de la religion : celle-ci n’est plus un rite ou une observance qui garantit en définitive l’identité de l’État. Elle est en revanche reconnaissance (foi) et précisément reconnaissance de la vérité. Puisque l’esprit de l’homme a été créé pour la vérité, il est clair que la vérité oblige mais non pas dans le sens d’une éthique du devoir de type positiviste mais bien à partir de la nature de la vérité même qui, précisément de cette manière, rend l’homme libre. Ce lien entre religion et vérité comprend un droit à la liberté qu’il est légitime de considérer en profonde continuité avec le noyau authentique de la doctrine des droits de l’homme, comme l’a évidemment fait Jean-Paul II.

Une telle conception a acquis une importance fondamentale au début des temps modernes avec la découverte de l’Amérique. Tous les nouveaux peuples rencontrés n’étaient pas baptisés, c’est ainsi que s’est posée la question de savoir s’ils avaient des droits ou pas. Selon l’opinion dominante, ils ne devenaient des sujets de droits à proprement parler que par le baptême. La reconnaissance qu’ils étaient à l’image de Dieu en vertu de la création – et qu’ils demeuraient tels même après le péché originel – signifiait qu’ils étaient déjà des sujets de droit avant le baptême et que donc ils pouvaient prétendre au respect de leur humanité. À mon sens, il me semble qu’il s’agissait là d’une reconnaissance des « droits de l’homme » qui précèdent l’adhésion à la foi chrétienne et au pouvoir de l’état, quel que soit sa nature spécifique.

3.  Vous avez à juste titre considéré comme fondamentale l’idée augustinienne de l’État et de l’histoire en la plaçant à la base de votre vision de la doctrine chrétienne et de l’État. Toutefois, le point de vue d’Aristote aurait mérité une attention plus grande encore. Pour autant que je puisse en juger, elle n’a eu que peu d’importance dans la tradition de l’Église médiévale, d’autant plus qu’elle fut adoptée par Marsile de Padoue pour s’opposer au magistère de l’Église. Elle a ensuite été reprise de plus en plus, à partir du XIXe siècle quand on a commencé à développer la doctrine sociale de l’Église. On partait alors d’un double ordre : l’ordo naturalis et l’ordo supernaturalis ; là où l’on considérait que l’ordo naturalis se suffisait à lui-même. On a expressément mis en évidence que l’ordo supernaturalis était un ajout libre de l’ordre de la grâce pure auquel on ne peut prétendre à partir de l’ordo naturalis.

En construisant un ordo naturalis qu’il est possible d’appréhender de façon purement rationnelle, on tentait de bâtir une base argumentative grâce à laquelle l’Eglise aurait pu faire valoir ses positions éthiques dans le débat politique sur la base de la pure rationalité. Et de fait, on retrouve dans cette vision le fait que même après le péché originel, l’ordre de la création, bien que blessé, n’a pas été complètement détruit. Faire valoir ce qui est authentiquement humain là où il n’est pas possible de se prévaloir de la foi est en soi une position juste. Elle correspond à l’autonomie dans le cadre de la création et à la liberté essentielle de la foi. En ce sens, une vision approfondie de l’ordo naturalis du point de vue de la théologie de la création est justifiée, voire nécessaire, en lien avec la doctrine aristotélicienne de l’État. Mais il y a également des dangers :

a) On peut très facilement oublier la réalité du péché originel et en arriver à des formes naïves d’optimisme qui ne rendent pas justice à la réalité.

b) Si l’on considère l’ordo naturalis comme une totalité se suffisant à elle–même et qui n’aurait pas besoin de l’Évangile, on court alors le risque que tout ce qui est spécifiquement chrétien ne finisse par apparaître comme une superstructure en fin de compte superflue que l’on aurait superposée à l’humain naturel. Je me souviens en effet qu’on m’a une fois présenté le brouillon d’un document qui se terminait par des formules très pieuses alors que dans toute l’argumentation non seulement Jésus Christ et son évangile n’apparaissaient nulle part mais Dieu non plus, ils semblaient être superflus. Naturellement, on croyait pouvoir construire un ordre de la nature purement rationnel, qui n’est pas à proprement parler véritablement rationnel et qui, d’un autre côté, menace de reléguer tout ce qui est spécifiquement chrétien dans le domaine du simple sentiment. C’est là qu’apparaît clairement la limite de la tentative de concevoir un ordo naturalis refermé sur lui-même et autosuffisant. Le Père de Lubac, dans son « Surnaturel », a cherché à démontrer que Saint Thomas d’Aquin lui-même – dont il se réclamait pour formuler cette tentative – n’avait en réalité pas entendu cela.

c) L’un des problèmes fondamentaux d’une telle tentative consiste dans le fait qu’avec l’oubli de la doctrine du péché original naît une confiance naïve en la raison qui ne perçoit pas la complexité effective de la connaissance rationnelle dans le domaine éthique. Le drame de la controverse sur le droit naturel montre clairement que la rationalité métaphysique, qui est présupposée dans ce contexte, n’est pas immédiatement évidente. Il me semble que Kelsen avait raison quand il disait que dériver un devoir de l’être n’est raisonnable que si Quelqu’un a déposé un devoir dans l’être. Cette thèse n’était pas digne de discussion pour lui. Il me semble donc qu’en définitive, tout repose sur le concept de Dieu. Si Dieu existe, s’il y a un créateur, alors même l’être peut parler de lui et indiquer à l’homme un devoir. Dans le cas contraire, l’éthos finit par se réduire au pragmatisme. C’est pourquoi dans ma prédication et dans mes écrits, j’ai toujours affirmé la centralité de la question de Dieu. Il me semble que cela soit le point vers lequel convergent fondamentalement la vision de votre livre et ma pensée. L’idée des droits de l’homme ne garde en dernière analyse sa solidité que si elle est ancrée dans la foi en Dieu créateur. C’est de là qu’elle reçoit à la fois la définition de ses limites et sa justification.

4.  J’ai l’impression que dans votre livre précédent, « Perché dobbiamo dirci cristiani », vous considériez l’idée de Dieu des grands libéraux d’une manière différente à votre nouvel ouvrage. Dans ce dernier, elle apparaît comme une étape vers la perte de la foi en Dieu. Au contraire, dans votre premier livre, à mon avis, vous aviez montré de façon convaincante que, sans l’idée de Dieu, le libéralisme européen est incompréhensible et illogique. Pour les pères du libéralisme, Dieu était encore le fondement de leur vision du monde et de l’homme, de sorte que, dans ce livre, la logique du libéralisme rend justement nécessaire la confession du Dieu de la foi chrétienne. Je comprends que les deux analyses soient justifiées : d’un côté, dans le libéralisme, l’idée de Dieu se détache de ses fondements bibliques perdant ainsi lentement sa force concrète ; de l’autre, pour les grands libéraux, Dieu existe et est incontournable. Il est possible d’accentuer l’un ou l’autre aspect du processus. Je crois qu’il est nécessaire de les mentionner tous les deux. Mais la vision contenue dans votre premier livre reste pour moi incontournable : c’est-à-dire celle selon laquelle le libéralisme, s’il exclut Dieu, perd son fondement même.

5.  L’idée de Dieu inclut le concept fondamental de l’homme en tant que sujet de droit, justifiant et établissant ainsi les limites de la conception des droits humains. Dans votre livre, vous avez montré de façon persuasive et rigoureuse ce qui se passe quand on détache le concept des droits humains de l’idée de Dieu. La multiplication des droits finit par entraîner la destruction de l’idée de droit et aboutit inévitablement au « droit » nihiliste de l’homme de se nier lui-même : l’avortement, le suicide, la production de l’homme comme un objet deviennent des droits de l’homme en même temps nient ce dernier. Ainsi, il ressort de façon convaincante de votre livre que l’idée des droits de l’homme séparée de l’idée de Dieu finit par mener non seulement à la marginalisation du christianisme mais en fin de compte à sa négation. Ce point, qui me semble être le véritable but de votre livre, est très pertinent face à l’actuel évolution spirituelle de l’Occident qui nie toujours davantage ses racines chrétiennes et se retourne contre elles."


La lettre mutilée de Benoît XVI

Les grands communicants du Vatican devraient lire attentivement ce que le pape François a dit sur les "fakes news", car ils en ont commis une belle en instrumentalisant une lettre de Benoît XVI, écrite le 7 février et publiée le 12 mars pour souligner abusivement la continuité entre les deux pontificats, ce que ne disait pas la lettre.

Or, aujourd'hui, un paragraphe qui avait été masqué a enfin été dévoilé, suite aux pressions médiatiques. Et on comprend pourquoi en le lisant. Benoît XVI y critique l'un des auteurs des 11 livres sur le pape François (livres que Benoît XVI ne lira pas) :

366718260"Soit dit en passant, je voudrais signaler ma surprise, concernant la présence parmi les auteurs du Professeur Hünermann, qui durant mon pontificat a été à l'origine d'initiatives opposées à la papauté. Il a joué un rôle de premier plan dans la publication de “Kölner Erklärung”, qui, en relation avec l'encyclique “Veritatis splendor”, a attaqué avec virulence l'autorité magistérielle du pape, spécialement sur des questions de théologie morale. De même le “Europaische Theologengesellschaft” qu'il a fondé, s'est initialement illustré comme une organisation en opposition au magistère pontifical. Par la suite, le sentiment ecclésial de nombreux théologiens a mis obstacle à cette orientation, transformant cette organisation en un instrument normal de rencontre entre théologiens.

Je suis certain que vous comprendrez mon refus et je vous prie d’accepter mes cordiales salutations."


Benoît XVI ne lira pas les livres sur le pape François

Le bureau de presse du Saint-Siège n’a pas publié dans son intégralité le texte de la lettre que Benoit XVI a envoyée le 7 février dernier au Préfet du Secrétariat pour la communication, Mgr Dario Edoardo Viganò, en réponse à une lettre de Mgr Viganò du 12 janvier.

Elle n'a été rendue publique que le soir du 12 mars, soit la veille du cinquième anniversaire de l’élection au pontificat de Jorge Mario Bergoglio. Certains l'ont étrangement interprété comme une caution de Benoît XVI envers François. Pourquoi le pape aurait-il donc besoin d'avoir la caution de son prédécesseur ?

Voici le texte complet de la lettre, de l’en-tête à la signature finale (c'est moi qui souligne la continuité intérieure: pourquoi ne pas écrire la continuité tout court ? Que signifie cette expression ?)

Lettera_450Benedictus XVI
Papa Emeritus

Rev.mo Signore
Mons. Dario Edoardo Viganò
Préfet du Secrétariat pour la communication

Cité du Vatican
Le 7 février 2018

Monseigneur,

Je vous remercie pour votre aimable lettre du 12 janvier et pour le cadeau qui y était joint contenant les onze petits volumes sous la direction de Roberto Repole.

J’applaudis à cette initiative visant à s’opposer et réagir contre le préjugé » stupide en vertu duquel le pape François ne serait qu’un homme pratique dénué de toute formation théologique ou philosophique tandis que je ne serais moi-même qu’un théoricien de la théologie qui n’aurait pas compris grand-chose de la vie concrète d’un chrétien d’aujourd’hui.

Ces petits volumes montrent, à juste titre, que le Pape François est un homme doté d’une profonde formation philosophique et théologique et ils aident en cela à voir la continuité intérieure entre les deux pontificats, nonobstant toutes les différences de style et de tempérament.

Toutefois, je ne peux pas rédiger une brève et dense page théologique à leur sujet parce que toute ma vie, il a toujours été clair que je n’écrirais et que je ne m’exprimerais jamais que sur les livres que j’aurais vraiment lus. Malheureusement, notamment pour des raisons physiques, je ne suis pas en mesure de lire les onze petits volumes dans un avenir proche, d’autant plus que d’autres engagements que j’ai déjà accepté m’attendent.

Je suis sûr que vous comprendrez et je vous salue cordialement.

Bien à vous,

Benoît XVI


La préface du pape Benoît XVI au cardinal Müller

Benoît-et-moi a traduit le message du Pape émérite Benoît XVI dans la préface du livre publié en Allemagne pour célébrer le 70ème anniversaire de l'ancien Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. «Le Dieu Trinitaire - La foi chrétienne à l'époque séculière», tel est le titre de l'ouvrage qui recueille les contributions d'autres évêques et théologiens. Dans la préface, Benoît XVI tisse les louanges du cardinal Müller et souligne la consonance théologique qui l'unit à lui :

Muller-benedetto_540"Eminence, cher confrère,

Ton 70e anniversaire approche, et bien que je ne sois plus en mesure d'écrire une véritable contribution scientifique pour le recueil d'analyses qui te sera consacrée pour cette occasion, je voudrais y participer malgré tout avec un mot de salutation et de remerciement.

Vingt-deux ans se sont écoulés depuis que tu m'as offert ton Katholische Dogmatik für Studium und Praxis der Theologie en mars 1995. Ce fut pour moi à ce moment-là un signe encourageant que même dans la génération théologique post-conciliaire, il y avait des penseurs avec le courage d'oborder la totalité, c'est-à-dire de présenter la foi de l'Église dans son unité et son intégralité. En effet, tout comme l'exploration des détails est importante, il n'est pas moins important que la foi de l'Église apparaisse dans son unité interne et dans son intégrité, et qu'en fin de compte la simplicité de la foi émerge de toutes les réflexions théologiques complexes. Parce que le sentiment que l'Eglise nous charge d'un fardeau de choses incompréhensibles, qui finalement ne peuvent intéresser que les spécialistes, est le principal obstacle à la proclamation du oui au Dieu qui nous parle en Jésus-Christ. À mon avis, on ne devient pas un grand théologien parce qu'on est capable de traiter des détails minutieux et difficiles, mais parce qu'on est en mesure de présenter l'unité ultime et la simplicité de la foi.

Mais ton Dogmatik en un volume m'a également intéressé pour une raison autobiographique. Karl Rahner avait présenté dans le premier volume de ses écrits un projet pour une nouvelle construction de la dogmatique, qu'il avait élaboré avec Hans Urs Von Balthasar. Ce fait éveilla évidemment en nous tous une soif incroyable de voir ce schéma rempli de contenu et mené à son terme. Le désir d'une dogmatique signée Rahner-Balthasar, qui nacquit à cette occasion, se heurta à un problème éditorial. Dans les années 1950, Erich Wewel avait convaincu le père Bernard Häring d'écrire un manuel de théologie morale qui, après sa publication, devint un grand succès. Alors, l'éditeur eut une idée: que dans la dogmatique aussi, quelque chose de semblable devait être fait et qu'il était nécessaire que ce travail soit écrit en un seul volume, d'une seule main. Il s'est évidemment adressé à Karl Rahner, lui demandant d'écrire ce livre. Mais Rahner s'était entre-temps empêtré dans une telle masse d'engagements qu'on ne pouvait pas s'attendre à ce qu'il accomplît une si grande entreprise. Curieusement, il conseilla à l'éditeur de s'adresser à moi qui, au début de mon chemin, enseignai la théologie dogmatique et fondamentale à Freising. Cependant, bien que j'en fusse à mes débuts, j'étais moi aussi impliqué dans de nombreux engagements et je ne me sentais pas capable d'écrire un travail aussi imposant en un temps acceptable. Alors je demandai de pouvoir impliquer un collaborateur - mon ami le père Alois Grillmeier. Dans la mesure du possible, j'ai travaillé sur le projet et j'ai rencontré le Père Grillmeier à plusieurs reprises pour une consultation approfondie. Cependant, le Concile Vatican II requit tous mes efforts, en plus de me demander de réfléchir d'une manière nouvelle à toute l'exposition traditionnelle de la doctrine de la foi de l'Église. Lorsque je fus nommé archevêque de Münich-Freising en 1977, il était clair que je ne pouvais plus penser à une telle entreprise. Quand en 1995 ton livre m'est arrivé entre mes mains, je vis de façon inattendue qu'un théologien de la génération suivant la mienne avait réalisé ce qui avait été souhaité plus tôt, mais qu'il n'avait pas été possible d'accomplir.

J'ai pu ensuite te connaître personnellement, quand la Conférence épiscopale allemande te proposa comme membre de la Commission théologique internationale. Tu t'y distinguas avant tout pour la richesse de ton savoir et pour ta fidélité à la foi de l'Église qui jaillissait de toi. Lorsque le Cardinal Levada quitta son poste de Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi pour des raisons d'âge en 2012, tu apparus, après diverses réflexions, comme l'évêque le plus apte à recevoir cette charge.

Quand j'acceptai cet office en 1981, l'archevêque Hamer - alors secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi - m'expliqua que le Préfet ne devait pas nécessairement être un théologien, mais un sage qui, en abordant les questions théologiques, ne fît pas d'évaluations spécifiques, mais reconnût ce qu'il fallait faire à ce moment pour l'Église. La compétence théologique devait plutôt se trouver chez le secrétaire qui dirige les Consulta, c'est-à-dire les réunions d'experts, qui ensemble donnent un jugement scientifique précis. Mais comme en politique, la dernière décision n'appartient pas aux théologiens, mais aux sages, qui connaissent les aspects scientifiques et, en plus de ceux-ci, savent considérer l'ensemble de la vie d'une grande communauté. Durant les années de mon office, j'ai cherché à répondre à ce critère. Dans quelle mesure j'y ai réussi, d'autres peuvent en juger.

Dans les temps confus que nous vivons, l'ensemble de compétence théologique et scientifique, et de sagesse, de celui qui doit prendre la décision finale me semble très important. Je pense, par exemple, que dans la réforme liturgique, les choses se seraient terminées différemment si la parole des experts n'avait pas été la dernière instance, mais si, en plus, une sagesse capable de reconnaître les limites de l'approche d'un "simple" spécialiste avait jugé.

Au cours de tes années romaines, tu t'es toujours employé à ne pas agir seulement comme spécialiste, mais aussi comme sage, comme père dans l'Église. Tu as défendu les traditions claires de la foi, mais selon la ligne du Pape François, tu as cherché à comprendre comment elles peuvent être vécues aujourd'hui.

Le Pape Paul VI voulait que les grandes charges de la Curie - celle du Préfet et du Secrétaire - ne fussent assignées que pour cinq ans, afin de protéger ainsi la liberté du Pape et la flexibilité du travail de la Curie. Entre-temps, ton contrat quinquennal dans la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a pris fin. De cette façon, tu n'as plus de charge spécifique, mais un prêtre et surtout un évêque et un cardinal ne part jamais en retraite. C'est pour cette raison que tu peux, et que tu pourras aussi à l'avenir servir publiquement la foi, à partir de l'essence intime de ta mission sacerdotale et de ton charisme théologique. Nous sommes tous heureux qu'avec ta grande et profonde responsabilité et le don de la parole qui t'est fait, tu seras aussi présent dans le futur, dans la lutte de notre temps pour une juste compréhension de la condition d'homme et de chrétien. Que le Seigneur te soutienne.

Enfin, je tiens également à exprimer un remerciement tout personnel. En tant qu'évêque de Ratisbonne, tu as fondé l'Institut Papst Benedikt XVI, qui - dirigé par l'un de tes élèves - accomplit un travail vraiment louable pour maintenir publiquement présent mon travail théologique dans toutes ses dimensions. Que le Seigneur te récompense de tes efforts.

Cité du Vatican, Monastère Mater Ecclesiae

31 juillet 2017 Fête de saint Ignace de Loyola

Ton Benoît XVI"


Terres de mission : L’héritage de Benoit XVI

Christophe Dickès, déjà auteur d’un Dictionnaire du Vatican et du Saint-Siège vient de publier chez Tallandier un très fouillé et argumenté ouvrage sur L’héritage de Benoît XVI. Alors que sur bien des sujets le pape François semble prendre le contre-pied de son prédécesseur immédiat il est utile de revenir sur ce que furent les points majeurs de ce bref pontificat. L’auteur dresse le portrait attachant d’un homme de Dieu d’une envergure intellectuelle exceptionnelle, doux et humble, loin de l’image du panzer cardinal qu’ont véhiculée les médias. Le décret Summorum Pontificum du 7/7/2007 libérant la célébration de la messe traditionnelle mais aussi le discours de Ratisbonne du 12 septembre 2006 ou les JMJ de Madrid en 2011 resteront certainement parmi les événements clés de ce pontificat.


L'hommage du métropolite orthodoxe Hilarion à Benoît XVI

Le métropolite du patriarcat orthodoxe russe Hilarion est venu présenter à Benoît XVI l'édition russe de son ouvrage "Théologie de la liturgie". Benoît-et-moi a traduit la préface du métropolite :

Big304418a7fd0dd86113"Le livre du Pape émérite Benoît XVI (Joseph Ratzinger) "Théologie de la Liturgie" sort en russe pour le quatre-vingt-dixième anniversaire de cet éminent gérarque et théologien de l'Église catholique romaine. Joseph Ratzinger a reçu la reconnaissance de l'Europe quand il était encore professeur de dogmatique, d'abord à l'Université de Bonn, puis à celles de Münster, Tübingen et Ratisbonne; il a été l'un des experts les plus actifs au Concile Vatican II (1962-1965). Son livre "Introduction au christianisme", qui traite des fondements de la foi chrétienne dans un langage adapté à la modernité, a acquis une large renommée.

Les intérêts scientifiques de Joseph Ratzinger vont de la théologie dogmatique, à la théologie liturgique, s'étendant à la patristique, à la pensée médiévale, à l'apologétique et aux sciences bibliques. La dernière œuvre importante de Benoît XVI est sortie alors qu'il était encore le chef suprême de l'Église catholique: c'est son fondamental Jésus de Nazareth, traduit et publié aussi en russe.

Au nom du Pape Benoît XVI est liée la bataille pour la défense des valeurs chrétiennes traditionnelles et, en même temps, la redécouverte et la réaffirmation de leur actualité dans une société sécularisée moderne.

La charge d'Archevêque de Munich et Freising (1977-1981) puis celle de Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (1981-2005) furent des étapes importantes dans le service de Joseph Ratzinger à l'Eglise. En 2005, le cardinal Ratzinger fut élu Pontife romain et il prit le nom de Benoît XVI. En 2013, pour la première fois après six cents ans de papauté, il quitta volontairement la chaire Saint-Pierre.

Le Pape Benoît XVI a souvent exprimé sa profonde sympathie pour l'orthodoxie et a toujours cru que, sur le plan théologique, les orthodoxes sont les plus proches des catholiques. Ce n'est pas un hasard s'il a été l'un des premiers membres de la Commission internationale mixte pour le dialogue théologique entre l'Église catholique et l'Église orthodoxe, après sa fondation en 1979. En tant que théologien, Ratzinger a déployé d'énormes efforts pour clarifier la question de la primauté de l'évêque de Rome, en passant d'une vision juridique de la primauté à sa compréhension avant tout comme un témoignage chrétien d'une nature particulière et comme un service à l'unité dans l'amour. Il s'est toujours fermement opposé à tout compromis dans le domaine de la doctrine de la foi, indiquant à juste titre que l'unité - en principe possible entre l'Orient et l'Occident - doit être préparée avec soin, qu'elle doit mûrir spirituellement et concrètement, grâce aussi à de profondes études théologiques et historiques.

Je voudrais que la publication en Russie du volume "Théologie de la liturgie" ne représente pas seulement une attestation de grande estime pour l'auteur, mais aussi qu'elle attire l'attention de nos lecteurs sur la lecture du volume. Et ce n'est pas seulement parce que, plus généralement, il n' y a toujours pas assez de traductions russes de Joseph Ratzinger. Plus précisément, ce volume spécifique est en effet consacré à la liturgie, c'est-à-dire à l'un des thèmes les plus importants, tant en ce qui concerne la production scientifique de l'auteur que sa pastorale (à côté du thème de l'ecclésiologie); et en même temps, le thème de la liturgie est aussi un thème particulièrement important et significatif pour les croyants orthodoxes."


A propos de la nouvelle attaque contre les frères Ratzinger

Benoit-et-moi a traduit plusieurs articles qui remettent en perspective certains faits à propos des 547 enfants du choeur de Ratisbonne abusés du temps du frère de Joseph Ratzinger. La nouveauté sans doute c'est que ces attaques contre Ratzinger viennent de l'intérieur de l'Eglise. Même émérite, il gêne encore :

"Avant tout, il convient de préciser que les faits dont il est question, en vertu du droit allemand, sont tombés en prescription depuis des décennies et que parmi les 49 responsables, les principaux sont morts depuis longtemps. Bref, nous parlons de faits qui ne pourront jamais être vérifiés dans un procès et dont certains responsables n'auront jamais leur mot à dire et ne pourront jamais se défendre pour des raisons évidentes.

Précisons ensuite que l'enquête porte sur des violences qui ont eu lieu à l'école Vorschule Etterzhausen, du temps où le directeur était Johan Meier, président de 1953 à 1992 et mort il y a 25 ans. En 2010, un certain Alexander Probst parla publiquement pour la première fois des violences subies entre 1960 et 1970 par cet homme mort depuis longtemps, et sur la base de sa plainte, le diocèse de Ratisbonne, à l'époque dirigé par Mgr Müller, ouvrit l'enquête, dont les résultats définitifs ont été exposés ces derniers jours.

Il en ressort l'image d'une institution typique «dans le temps», où étaient encore en vigueur les châtiments corporels, qui en Allemagne n'ont été interdits par la loi qu'en 1980. Les 547 sont ceux qui, entendus par la commission, ont affirmé en avoir subi. Beaucoup de ces histoires heutent certes la sensibilité contemporaine, mais ils correspondent en grande partie à des méthodes éducatives notoirement utilisées presque partout jusqu'à il y a quelques décennies. Il y a ensuite les 67 qui ont été victimes d'agression de caractère sexuel de la part de 9 personnes, dont les deux principaux accusés étaient déjà morts au moment de l'ouverture de l'enquête et n'ont donc pas pu raconter leur version. Sans nier la gravité de ces épisodes, nous nous permettons de dire que l'affaire semble avoir une portée somme toute beaucoup plus limitée que celle que les titres des journaux télévisés et des quotidiens cherchent clairement à nous faire croire. Le fait est qu'il y a un mot qui apparaît à un moment donné, à point nommé pour rendre l'ensemble plus juteux: Joseph Ratzinger.

Eh oui ... L'école en cause était en effet l'une de celles où étudiaient les membres du Regensburger Domspatzen, célèbre chœur de voix blanches que dirigeait à l'époque Georg Ratzinger, frère du pape émérite. Ce dernier n'a jamais été effleuré par l'accusation d'abus sexuels. D'après les témoignages qu'on peut lire dans le rapport final, il ressort que certains élèves se souviennent de lui avec des appréciations positive et parfois avec affection et d'autres en évoquent surtout le caractère bourru qui le conduisait parfois à lâcher une gifle. Il y a aussi des passages qui font franchement sourire, comme l'anecdote dans laquelle, tandis que le professeur crie, furieux, son dentier tombe ... Pour les corrections, qui encore une fois sont typiques des méthodes pédagogiques de «dans le temps» le vieux prêtre a présenté des excuses il y a sept ans, juste après les premières plaintes. En résumé, il s'agit vraiment de pas grand chose.

Cependant, il semble vraiment qu'on ait voulu de force associer le nom Ratzinger aux affaires d'abus sexuels. Et ainsi l'avocat Ülrich Weber, chargé par le diocèse de Ratisbonne de mener l'enquête, lors de la conférence de presse des jours derniers, a accusé le prêtre, aujourd'hui âgé de 93 ans, d'«avoir fermé les yeux et de ne pas avoir pris de mesures à cet égard».

En fait, à lire le rapport, les informations à ce sujet semblent très confuses. George Ratzinger aurait reçu des informations à trois reprises, très éloignées dans le temps, en 1969, en 1979 et 1993. On ne comprend pas bien de quoi il a effectivement entendu parler. Dans le rapport, il est question génériquement de «violence», sans préciser leur nature. L'avocat Weber affirme que le prêtre ne comprit pas qu'il s'agissait d'abus sexuels et pensa probablement à un simple excès dans les méthodes correctives, chose que l'intéressé avait déjà déclaré en 2010. À la page 380, on affirme qu'il «n'était pas le contact préféré pour signaler les violences sexuelles, compte tenu de son caractère» et à la page 381, est rapportée l'affirmation d'un ex-choriste qui qualifie d'«impensable» de tenir des discours sur le sexe avec lui, décrit comme un vrai puritain. Avouons-le: d'après ce que nous avons en main, à charge contre Georg Ratzinger, il n'y a strictement rien.

Mais voilà: mardi soir (18 juillet), le nom de «Ratzinger» a été prononcé à côté des mots «abus» et «sexuels» et tous les journaux télévisés ont pu hurler le titre: «Abus sexuels: le frère de Joseph Ratzinger savait!». De sorte que tout l'Occident est allé au lit horrifié à cause des 547 enfants violentés par le frère de Ratzinger. Avec en plus le non-dit, qui était pourtant le seul et unique motif pour lequel la nouvelle avait été donnée: l'Émérite pouvait-il ne pas savoir?

Le tout, comme par hasard, par retour de courrier à la nécrologie que Benoît XVI a dédiée au défunt cardinal Meisner, qui a créé des troubles nerveux chez qui-vous-savez... et tant qu'on y était, l'avocat Weber s'est senti en devoir d'attaquer aussi le cardinal Müller, autrement dit celui qui a décidé l'ouverture de l'enquête. Il faisait probablement semblant..."


Benoît XVI rend hommage au cardinal Meisner

Lors des funérailles du cardinal Joachim Meisner le samedi 15 juillet à Cologne, un message du pape émérite Benoît XVI a été lu par le préfet de la maison pontificale et secrétaire particulier de Benoît XVI, Mgr Georg Gänswein. Cela a d'autant plus de poids que le cardinal Meisner est l'un des quatre cardinaux qui ont présenté des Dubia au pape François à propos d'Amoris laetitia.

Traduction de Jeanne Smits :

DEy_e1SXsAEoGXq« En cette heure où l'Eglise de Cologne et les fidèles venus d'au-delà de ses frontières sont rassemblés pour dire à Dieu au cardinal Joachim Meisner, je suis avec vous par le cœur et la pensée, et, accomplissant avec joie le souhait du cardinal Woelki, je désire vous adresser un mot de souvenir.

« Lorsque j'ai appris la mort du cardinal Meisner mercredi dernier, je n'ai pas voulu y croire. La veille nous avions parlé au téléphone. Sa gratitude à propos du fait qu'il avait pu prendre quelques vacances après avoir participé à la béatification de Mgr Teofilius Matulionis à Vilnius le dimanche précédent (le 25 juin) était évidente au son de sa voix.  L'amour de l'Eglise des pays voisins à l'Est, qui avaient souffert sous la persécution communiste, ainsi que la gratitude que lui inspirait la résistance aux souffrances à cette époque-là, avaient marqué toute sa vie. De telle sorte qu'il n'y a pas pas de coïncidence dans le fait qu'il aura rendu la dernière visite de sa vie à un Confesseur de la foi dans ces pays-là.

« Ce qui m'a particulièrement impressionné au cours de cette dernière conversation avec le cardinal à la retraite, c'est la joie déliée, la joie intérieure, la confiance qu'il avait trouvées. Nous savons que ce berger, ce pasteur passionné a trouvé difficile de quitter son poste, spécialement à un moment où l'Eglise se trouve dans la nécessité urgente de disposer de bergers convaincants qui puissent résister à la dictature de l'esprit du temps et qui vivent et pensent la foi avec détermination. Cependant, cela m'a d'autant plus ému qu'au cours de cette dernière période de sa vie, il a appris à lâcher prise et à vivre toujours plus dans la certitude profonde que le Seigneur n'abandonne pas son Eglise, même lorsque parfois le navire a tant pris l'eau qu'il est sur le point de chavirer.

« Deux choses, dernièrement, lui ont donné toujours plus de joie et de confiance.

« 1.  D'abord, il m'a toujours redit la joie profonde qui le remplit à travers l'expérience du sacrement de pénitence lorsque des jeunes, surtout de jeunes hommes, vivent la grâce du pardon – ce don d'avoir véritablement trouvé la vie que seul Dieu peut leur donner.

« 2. La deuxième chose qui l'a toujours touché et qui l'a toujours rempli de joie, ce sont les progrès discrets de l'adoration eucharistique. Lors des JMJ de Cologne cela avait constitué pour lui un point central – qu'il y eût une adoration, un silence où le Seigneur seul puisse parler au cœur. Certains experts en pastorale et en liturgie avaient pensé qu'un tel silence dans la contemplation du Seigneur ne peut s'obtenir avec une telle masse de gens. Certains étaient également d'avis que l'adoration eucharistique est en tant que telle dépassée, puisque le Seigneur veut être reçu dans le Pain eucharistique, et qu'Il ne veut pas être simplement regardé. Mais ce Pain ne peut être mangé comme un aliment quelconque ; « recevoir » le Seigneur dans le sacrement eucharistique requiert toutes les dimensions de notre existence – la réception doit être adoration : tout cela est désormais tout de même devenu très clair. Ainsi le temps d'adoration eucharistique lors des JMJ de Cologne est devenu un événement très intérieur qui n'est pas devenu inoubliable pour le seul cardinal. Ce moment lui est toujours resté présent intérieurement et a été pour lui une grande lumière.

« Lorsque le cardinal Meisner, au dernier matin de sa vie, n'a pas paru à l'heure de célébrer la messe, on l'a trouvé mort dans sa chambre. Son bréviaire avait glissé de ses mains :  il est mort en priant, son regard tourné vers le Seigneur, en conversation avec le Seigneur. La nature de la mort qu'il lui a été donné de vivre redit encore une fois comment il a vécu : le regard tourné vers le Seigneur, et en conversation avec lui. Ainsi nous osons sans crainte confier son âme au bon Dieu. Seigneur, nous vous remercions pour le témoignage de votre serviteur Joachim. Permettez-lui d'être désormais un intercesseur pour l'Eglise de Cologne et pour l'ensemble de la terre ! Requiescat in pace ! »


Benoît XVI : "Avec le cardinal Sarah, la liturgie est en bonnes mains."

Le pape émérite Benoît XVI a rédigé une post-face pour la prochaine édition de "La Force du Silence" du cardinal Sarah. Traduction de Benoît-et-moi :

Benoit-sarah2"Déjà quand je lisais les lettres de saint Ignace d'Antioche dans les années 1950, un passage de sa lettre aux Ephésiens m'a particulièrement touché: «Il est préférable de garder le silence et d'être [chrétien] que de parler et de ne pas l'être. Enseigner est une excellente chose, pourvu que l'orateur pratique ce qu'il enseigne. Maintenant, il y a un Maître qui a parlé et c'est arrivé. Et même ce qu'il a fait en silence est digne du Père. Celui qui a vraiment fait sienne les paroles de Jésus peut également entendre son silence, afin qu'il soit parfait: afin qu'il puisse agir par son discours et être connu par son silence» (15, 1 s). Qu'est-ce que cela signifie: entendre le silence de Jésus et le connaître par son silence? Nous savons par les Évangiles que Jésus a fréquemment passé des nuits «sur la montagne» en prière, en conversation avec son Père. Nous savons que son discours, sa parole, viennent du silence et ne peuvent mûrir qu'en lui. Il est donc conforme à la raison que sa parole ne soit correctement comprise que si nous entrons aussi dans son silence, si nous apprenons à l'entendre par son silence.

Certes, pour interpréter les paroles de Jésus, la connaissance historique, qui nous enseigne à comprendre le temps et le langage à cette époque, est nécessaire. Mais cela seul n'est pas suffisant si nous voulons vraiment comprendre le message du Seigneur en profondeur. Quiconque lit aujourd'hui les commentaires de plus en plus épais des Évangiles reste finalement déçu. Il apprend beaucoup de choses utile sur cette époque et beaucoup d'hypothèses qui ne contribuent finalement en rien à la compréhension du texte. En fin de compte, vous sentez que, dans l'excès de mots, il manque quelque chose d'essentiel: entrer dans le silence de Jésus, dont naît Sa parole. Si nous ne pouvons pas entrer dans ce silence, nous entendrons toujours la parole uniquement en surface et nous ne la comprendons donc pas vraiment.

Tandis que je lisais le nouveau livre du cardinal Robert Sarah, toutes ces pensées traversaient à nouveau mon âme. Sarah nous apprend le silence - être silencieux avec Jésus, un véritable calme intérieur, et de cette manière il nous aide à saisir de nouveau la parole du Seigneur. Bien sûr, il ne parle que peu de lui-même, mais de temps en temps il nous donne un aperçu de sa vie intérieure. En réponse à la question de Nicolas Diat: «Parfois, dans votre vie, avez-vous pensé que les mots devenaient trop encombrants, trop lourds, trop bruyants?», il répond: «Dans ma prière et dans ma vie intérieure, j'ai toujours ressenti le besoin d'un silence plus profond et plus complet.... Les jours de solitude, de silence et de jeûne absolu ont été un grand soutien. Ils ont été une grâce sans précédent, une purification lente et une rencontre personnelle avec ... Dieu. ... Des jours de solitude, de silence, et de jeûne, nourri par la seule Parole de Dieu, permet à l'homme de fonder sa vie sur ce qui est essentiel». Ces lignes rendent visible la source dont vit le cardinal, ce qui donne à sa parole sa profondeur intérieure. De ce poste d'observation il peut alors voir les dangers qui menacent continuellement la vie spirituelle, des prêtres et des évêques aussi, et ainsi mettent en danger l'Église elle-même, dans laquelle il n'est pas rare que la Parole soit remplacée par une verbosité qui dilue la grandeur de la Parole. Je voudrais citer une seule phrase qui peut devenir un examen de conscience pour chaque évêque: «Il se peut qu'un prêtre bon et pieux, une fois qu'il a été élevé à l'épiscopat, tombe rapidement dans la médiocrité et s'inquiète du succès mondain. Accablé par le poids des tâches qui lui incombent, inquiet de son pouvoir, de son autorité, et des exigences matérielles de sa charge, il s'essouffle rapidement».

Le cardinal Sarah est un Maître spirituel, qui parle des profondeurs du silence avec le Seigneur, de son union intérieure avec lui, et a donc vraiment quelque chose à dire à chacun de nous.

Nous devons être reconnaissants au pape François d'avoir nommé un maître spirituel à la tête de la congrégation responsable de la célébration de la liturgie dans l'Église. Avec la liturgie aussi, comme pour l'interprétation de l'Ecriture Sainte, il est vrai qu'une connaissance spécifique est nécessaire. Mais il est vrai aussi de la liturgie que la spécialisation peut passer à côté de l'essentiel, à moins qu'elle ne soit ancrée dans une union profonde, intérieure avec l'Église en prière, qui constamment apprend du Seigneur lui-même ce qu'est l'adoration. Avec le cardinal Sarah, maître du silence et de la prière intérieure, la liturgie est en bonnes mains."


Benoît XVI au secours des électeurs français, catholiques ou pas

Benoit-XVI-synthese-d-un-pontificat_visuelRappelons nous ses paroles et le choix au second tour sera rendu facile au-delà de toutes les fadaises et autres tiédeurs des faux prophètes actuels : 

"En ce qui concerne l’Eglise catholique, l’objet principal de ses interventions dans le débat public porte sur la protection et la promotion de la dignité de la personne et elle accorde donc volontairement une attention particulière à certains principes qui ne sont pas négociables. Parmi ceux-ci, les principes suivants apparaissent aujourd’hui de manière claire:

la protection de la vie à toutes ses étapes, du premier moment de sa conception jusqu’à sa mort naturelle;

la reconnaissance et la promotion de la structure naturelle de la famille – comme union entre un homme et une femme fondée sur le mariage – et sa défense contre des tentatives de la rendre juridiquement équivalente à des formes d’union radicalement différentes qui, en réalité, lui portent préjudice et contribuent  à  sa  déstabilisation, en obscurcissant son caractère spécifique et son rôle social irremplaçable;

- la protection du droit des parents d’éduquer leurs enfants.

Ces principes ne sont pas des vérités de foi, même si ils reçoivent un éclairage et une confirmation supplémentaire de la foi; ils sont inscrits dans la nature humaine elle-même et ils sont donc communs à toute l’humanité. L’action de l’Eglise en vue de leur promotion n’est donc pas à caractère confessionnel, mais elle vise toutes les personnes, sans distinction religieuse. Inversement, une telle action est d’autant plus nécessaire que ces principes sont niés ou mal compris, parce cela constitue une offense contre la vérité de la personne humaine, une blessure grave infligée à la justice elle-même.

Chers amis, en vous exhortant à un témoignage crédible et cohérent de ces vérités fondamentales à travers votre action politique, et plus fondamentalement à travers votre engagement à vivre de manière authentique et cohérente votre vie, j’invoque sur vous et sur votre activité l’assistance continue de Dieu et en gage de celle-ci, je vous donne de tout coeur ma Bénédiction, ainsi qu’à tous ceux qui vous accompagnent".


Benoît XVI, « Docteur de l’Eglise » de la modernité

Big304418a75a131151f4Peter Seewald multiplie depuis 25 ans les longs entretiens avec Joseph Ratzinger/Benoît XVI, lequel vient de fêter ses 90 ans (photo). Il a accordé un entretien au site katholisch.de, traduit par Benoît-et-moi. Extrait :

"Son héritage est le renouvellement de la foi : il nous a montré toute la figure de Jésus – le Jésus historique et le Jésus de la foi. Ratzinger est un intellectuel de premier plan, un des grands penseurs de notre temps et je peux m’imaginer que, dans l’avenir, on parlera de lui comme du « Docteur de l’Eglise » de la modernité. Il convainc non seulement par son savoir, mais aussi par son authenticité et par l’exemple personnel de sa vie. Et au jour d’aujourd’hui, il faut souligner que Ratzinger est simplement le contraire d’un populiste. Ce qui comptait pour lui ce n’était pas ce que voulaient la mode ou les medias mais la volonté de Dieu. Alors qu’aujourd’hui, tout tourne autour du show et de l’émotion, et que les faits ne comptent pour rien, nous avons en Ratzinger un homme qui se reconnaissait avant tout une dette à l’égard de la vérité et du message de l’Evangile.


Le véritable renouveau de la liturgie est la condition fondamentale pour le renouveau de l’Eglise

Alors que le volume sur la Théologie de la Liturgie des Œuvres complètes du pape émérite Benoît XVI vient d’être publié à l’occasion de son 90e anniversaire, l’événement a été marqué par une parution simultanée en russe à la demande du patriarche de Moscou. Si la préface de ce volume des Opera Omnia a été rédigée par Benoît XVI en 2008, la version russe bénéficie d’une préface originale des mains du pape émérite en 2015. Inédite, elle vient d’être publiée en italien par Il Corriere della Sera. Et traduite en anglais par l’abbé John Zuhlsorf, prêtre catholique du diocèse de Madison. Extrait de la traduction de Jeanne Smits :

410o54OPr0L« Nihil Operi Dei praeponitur — qu’on ne préfère rien à l’Œuvre de Dieu. Par ces paroles, saint Benoît a établi dans sa Règle (43.3) la priorité absolue du culte divin par rapport à tout autre devoir de la vie monastique. Cela n’était pas acquis d’emblée même dans la vie monastique, car pour les moines aussi, le travail dans les domaines de l’agriculture et de la science était également une charge essentielle.

« Que ce soit dans l’agriculture, dans l’artisanat ou même dans la formation, il y avait certainement des exigences temporelles qui pouvaient paraître plus importantes que la liturgie. Face à cela, Benoît, en donnant la priorité à la liturgie, a souligné sans équivoque la priorité de Dieu lui-même dans notre vie : “A l’heure de l’office divin, aussitôt le signal entendu, on quittera tout ce qu’on a dans les mains, et l’on se hâtera d’accourir, avec gravité néanmoins”(43.1).

« Les choses de Dieu, et avec elles la liturgie, ne semblent pas du tout constituer des urgences dans l’esprit des hommes d’aujourd’hui. Il y a urgence pour toute autre chose possible. La question de Dieu ne semble jamais être urgente. Eh bien, on pourrait affirmer que, de toute façon, la vie monastique est différente de la vie des hommes dans le monde, et cela est indéniablement vrai. Cependant, la priorité de Dieu, que nous avons oubliée, est importante pour tous. Si Dieu n’est plus important, les critères pour établir ce qui est important sont décalés. L’homme, en mettant Dieu de côté, se soumet aux contraintes qui font de lui l’esclave des forces matérielles, qui sont dès lors opposées à sa dignité.

« Dans les années qui ont suivi le Concile Vatican II, je suis redevenu conscient de la priorité de Dieu et de la divine liturgie. La mauvaise interprétation de la réforme liturgique qui a été largement diffusée au sein de l’Eglise catholique a conduit de plus en plus à mettre à la première place l’aspect de l’instruction, et celui de notre propre activité et créativité. Le “faire” de l’homme a quasiment provoqué l’oubli de la présence de Dieu. Dans ce genre de situation, il devient toujours plus clair que l’existence de l’Eglise tire sa vie de la célébration correcte de la liturgie et que l’Eglise est en danger lorsque la primauté de Dieu n’apparaît plus dans la liturgie et, par conséquent, dans la vie. La cause la plus profonde de la crise qui a bouleversé l’Eglise se trouve dans l’obscurcissement de la priorité de Dieu dans la liturgie. Tout cela m’a amené à me consacrer davantage que par le passé au thème de la liturgie car je savais que le véritable renouveau de la liturgie est la condition fondamentale pour le renouveau de l’Eglise. Les écrits rassemblés dans ce 11e volume des Opera Omnia sont nés de cette conviction. Mais en dernière analyse, même avec toutes leurs différences, l’essence de la liturgie en Orient et en Occident est unique, elle est la même. Et ainsi j’espère que ce livre puisse donner également aux chrétiens de Russie de saisir mieux et de manière nouvelle le grand don qui nous est offert dans la sacrée liturgie. »


Comment votent les catholiques de France ?

Petite synthèse réalisée pour les intentions de vote en 2017 et le vote de 2012 :

L'émission "L'Heure des Pros" sur CNews a organisé un débat sur ce thème. Malheureusement, malgré un plateau pour une fois équilibré, le sujet n'a pas été traité correctement sur le fond sans même aborder les statistiques pourtant connues et citées dans la vidéo ci-dessus. Pire, la polémique sur l'avortement mise en scène par Bruno Roger-Petit de manière hystérique a plombé le débat, telle une Femen surgissant et faisant oublier le thème du débat


L'Heure des Pros du 17/04/2017 by CNEWS

Il est toujours surprenant de voir ce sujet abordé sans évoquer au minimum les textes de l'Eglise elle-même. C'est ce qu'aurait du faire le prêtre présent sur la plateau de télévision. Ensuite, il est évident que l'électorat catholique se répartit de manière très diverse en fonction du niveau de pratique et de sensibilité personnelle. Il y a néanmoins une tendance au vote à droite au grand désarrois des "cathos de gauche".

Le 30 mars 2006, le pape Benoit XVI évoquait la notion de points non négociables lors d'un discours faisant aujourd'hui référence en termes d'engagement des catholiques en politique :

"En ce qui concerne l'Église catholique, l'objet principal de ses interventions dans le débat public porte sur la protection et la promotion de la dignité de la personne et elle accorde donc volontairement une attention particulière à certains principes qui ne sont pas négociables. Parmi ceux-ci, les principes suivants apparaissent aujourd'hui de manière claire:

  • la protection de la vie à toutes ses étapes, du premier moment de sa conception jusqu'à sa mort naturelle;
  • la reconnaissance et la promotion de la structure naturelle de la famille - comme union entre un homme et une femme fondée sur le mariage - et sa défense contre des tentatives de la rendre juridiquement équivalente à des formes d'union radicalement différentes qui, en réalité, lui portent préjudice et contribuent à sa déstabilisation, en obscurcissant son caractère spécifique et son rôle social irremplaçable;
  • la protection du droit des parents d'éduquer leurs enfants.

Ces principes ne sont pas des vérités de foi, même si ils reçoivent un éclairage et une confirmation supplémentaire de la foi; ils sont inscrits dans la nature humaine elle-même et ils sont donc communs à toute l'humanité".

Ces points non négociables sont à nouveau évoqués dans l'exhortation apostolique Sacramentum Caritatis (22 février 2007) au paragraphe 83 :

"Cela vaut pour tous les baptisés, mais s'impose avec une exigence particulière pour ceux qui, par la position sociale ou politique qu'ils occupent, doivent prendre des décisions concernant les valeurs fondamentales, comme le respect et la défense de la vie humaine, de sa conception à sa fin naturelle, comme la famille fondée sur le mariage entre homme et femme, la liberté d'éducation des enfants et la promotion du bien commun sous toutes ses formes. Ces valeurs ne sont pas négociables. Par conséquent, les hommes politiques et les législateurs catholiques, conscients de leur grave responsabilité sociale, doivent se sentir particulièrement interpellés par leur conscience, justement formée, pour présenter et soutenir des lois inspirées par les valeurs fondées sur la nature humaine. Cela a, entre autres, un lien objectif avec l'Eucharistie (cf. 1 Co 11, 27-29). Les Évêques sont tenus de rappeler constamment ces valeurs; cela fait partie de leur responsabilité à l'égard du troupeau qui leur est confié."

Enfin, la "Note doctrinale concernant certaines questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique" publiée sous l'autorité du Cardinal Ratzinger (24 novembre 2002) est un document de référence pour tout catholique voulant mettre en conformité son vote avec l'enseignement de l'Eglise.

Est-ce trop demander aux journalistes que de s'intéresser à leur sujet de manière approfondie et sérieuse plutôt que de le traiter de manière superficielle ?


Benoît XVI : "Dans une situation de crise, la meilleure attitude est de se mettre devant Dieu avec le désir de retrouver la foi"

Une biographie de Benoît XVI sort ces jours-ci en Italie, avec en préamule un entretien de l'auteur avec le Pape émérite. Benoît-et-moi l'a traduite. Extrait :

3Dnn+9_7C_gra_9788804672401-servitore-di-dio-e-dell-umanita_original"Sainteté, alors que vous visitiez l'Allemagne pour la dernière fois, en 2011, vous avez dit: «On ne peut pas renoncer à Dieu». Et encore: «Là où il y a Dieu, il y a le futur». N'avez-vous pas regretté d'avoir dû partir durant l'année de la foi? 

«Naturellement, j'avais à coeur de terminer une année de la foi et d'écrire l'encyclique sur la foi qui devait conclure le processus qui a commencé avec l'Encyclique Deus Caritas Est. Comme le dit Dante, l'amour qui meut le soleil et les autres étoiles, nous pousse, nous conduit dans la présence de Dieu, qui nous donne espérance et futur. Dans une situation de crise, la meilleure attitude est de se mettre devant Dieu avec le désir de retrouver la foi, afin de continuer sur le chemin de la vie. Pour sa part, le Seigneur est heureux d'accueillir notre désir, de nous donner la lumière qui nous guide dans le pèlerinage de la vie. C'est l'expérience des saints, de saint Jean de la Croix ou Sainte Thérèse de l'enfant Jésus. En 2013, cependant, il y avait de nombreux engagements que je ne pensait plus être en mesure de mener à leur terme» 

Quels étaient ces engagements? 

«En particulier, la date des Journées mondiales de la jeunesse qui devaient avoir lieu durant l'été 2013 à Rio de Janeiro au Brésil avait déjà été fixée. Or, à cet égard, j'avais deux convictions bien précises. Après l'expérience du voyage au Mexique et à Cuba, je ne me sentais plus en mesure d'accomplir un voyage aussi exigeant. En outre, avec la forme donnée par Jean-Paul II à ces journées, la présence physique du pape était nécessaire. On ne pouvait pas penser à une liaison par la télévision ou à d'autres formes permises par la technologie. Cela aussi fut une circonstance pour laquelle la renonciation était un devoir pour moi. Enfin, j'avais la confiance certaine que même sans ma présence l'année de la foi irait à sa conclusion. La foi, en effet, est une grâce, un don généreux de Dieu aux croyants. J'étais donc fermement convaincu que mon successeur, comme c'est ensuite arrivé, conduirait également à la conclusion voulue par le Seigneur, l'initiative lancée par moi» [Lire la suite]


La diffusion de la foi par la violence est contraire à la raison

Suite aux propos du pape François, qui n'hésite pas à mettre sur un pied d'égalité la foi catholique et l'islam, je voudrais nous remettre en mémoire une partie du discours que le pape Benoît XVI a fait en 2006 lors d'un voyage apostolique à Ratisbonne. Le pape citait un dialogue sur le christianisme et l'islam et leur vérité respective, entre l'empereur byzantin Manuel Paléologue II et un érudit perse au XIVe siècle.

"L'empereur transcrit probablement ce dialogue pendant le siège de Constantinople entre 1394 et 1402. Cela explique que ses propres réflexions sont rendues de manière plus détaillée que celles de son interlocuteur persan [2]. Le dialogue embrasse tout le domaine de la structure de la foi couvert par la Bible et le Coran ; il s'intéresse en particulier à l'image de Dieu et de l'homme, mais revient nécessairement sans cesse sur le rapport de ce qu'on appelait les « trois Lois » ou les « trois ordres de vie» : Ancien Testament – Nouveau Testament – Coran. Je ne voudrais pas en faire ici l'objet de cette conférence, mais relever seulement un point – au demeurant marginal dans l'ensemble du dialogue – qui m'a fasciné par rapport au thème ‘foi et raison’, et qui servira de point de départ de mes réflexions sur ce sujet.

Dans le septième entretien (διάλεξις – controverse) publié par le professeur Khoury, l'empereur en vient à parler du thème du djihad, de la guerre sainte. L'empereur savait certainement que, dans la sourate 2,256, on lit : pas de contrainte en matière de foi – c'est probablement l'une des plus anciennes sourates de la période initiale qui, nous dit une partie des spécialistes, remonte au temps où Mahomet lui-même était encore privé de pouvoir et menacé. Mais, naturellement, l'empereur connaissait aussi les dispositions – d'origine plus tardive – sur la guerre sainte, retenues par le Coran. Sans entrer dans des détails comme le traitement différent des « détenteurs d'Écritures » et des « infidèles », il s'adresse à son interlocuteur d'une manière étonnamment abrupte – abrupte au point d’être pour nous inacceptable –, qui nous surprend et pose tout simplement la question centrale du rapport entre religion et violence en général. Il dit : « Montre moi ce que Mahomet a apporté de nouveau et tu ne trouveras que du mauvais et de l'inhumain comme ceci, qu'il a prescrit de répandre par l'épée la foi qu'il prêchait » [3]. Après s'être prononcé de manière si peu amène, l'empereur explique minutieusement pourquoi la diffusion de la foi par la violence est contraire à la raison.Elle est contraire à la nature de Dieu et à la nature de l'âme. « Dieu ne prend pas plaisir au sang, dit-il, et ne pas agir selon la raison (‘σύν λόγω’) est contraire à la nature de Dieu. La foi est fruit de l'âme, non pas du corps. Celui qui veut conduire quelqu'un vers la foi doit être capable de parler et de penser de façon juste et non pas de recourir à la violence et à la menace... Pour convaincre une âme douée de raison, on n'a pas besoin de son bras, ni d'objets pour frapper, ni d'aucun autre moyen qui menace quelqu'un de mort... » [4].

L’affirmation décisive de cette argumentation contre la conversion par la force dit : « Ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu » [5]. L'éditeur du texte, Théodore Khoury, commente à ce sujet: « Pour l'empereur, byzantin nourri de philosophie grecque, cette affirmation est évidente. Pour la doctrine musulmane, au contraire, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n'est liée à aucune de nos catégories, fût-ce celle qui consiste à être raisonnable ».

[6] Khoury cite à ce propos un travail du célèbre islamologue français R. Arnaldez, qui note que Ibn Hazm va jusqu'à expliquer que Dieu n'est pas même tenu par sa propre parole et que rien ne l'oblige à nous révéler la vérité. Si tel était son vouloir, l'homme devrait être idolâtre[7].

À partir de là, pour la compréhension de Dieu et du même coup pour la réalisation concrète de la religion, apparaît un dilemme qui constitue un défi très immédiat. Est-ce seulement grec de penser qu'agir de façon contraire à la raison est en contradiction avec la nature de Dieu, ou cela vaut-il toujours et en soi ? Je pense que, sur ce point, la concordance parfaite, entre ce qui est grec, dans le meilleur sens du terme, et la foi en Dieu, fondée sur la Bible, devient manifeste. En référence au premier verset de la Genèse, premier verset de toute la Bible, Jean a ouvert le prologue de son évangile par ces mots : « Au commencement était le λογος ». C'est exactement le mot employé par l'empereur. Dieu agit « σύν λόγω », avec logos. Logos désigne à la fois la raison et la parole – une raison qui est créatrice et capable de se communiquer, mais justement comme raison. Jean nous a ainsi fait don de la parole ultime de la notion biblique de Dieu, la parole par laquelle tous les chemins souvent difficiles et tortueux de la foi biblique parviennent à leur but et trouvent leur synthèse. Au commencement était le Logos et le Logos est Dieu, nous dit l'Évangéliste."[Lire le texte entier ici]

Il est urgent que les catholiques soient au fait de ce que prescrit le coran. Ce serait bien tant qu'à faire qu'ils connaissent aussi le Nouveau Testament... une très bonne lecture d'été !


Benoît XVI fête ses 65 ans de sacerdoce

Dans la salle Clémentine, là même où il avait annoncé sa renonciation, le Pape émérite, toujours discret et humble, fragile mais bien présent dans son habit blanc, assis à droite du Pape François, sur une chaise à l’écart face aux cardinaux de la curie, quelques évêques et invités, a écouté François le remercier de continuer à servir l’Eglise (v.o.)

« en vivant et témoignant de façon si intense et lumineuse de l’amour de Dieu qui remplit le cœur et nous permet de regarder l’avenir avec joie, même dans les années avancées de notre vie ».« Continuez à servir l’Eglise », « ne vous arrêtez pas de contribuer avec vigueur et sagesse à sa croissance ».

Alerte et visiblement heureux Benoît XVI a applaudi, s’est levé, tendant le mains vers François pour l’accueillir : une accolade chaleureuse entre frères sous les applaudissements nourris des cardinaux.  

Le cardinal Angelo Sodano, doyen du Sacré Collège, est revenu sur les souvenirs de son ordination, évoqués en 2006 lors d’un voyage en Bavière :

« Prostré à terre, enveloppé de la Litanie des saints, je me rendais compte que sur ce chemin nous ne sommes pas seuls, mais que la grande lignée des Saints cheminait avec nous, et que les saints encore en vie, c’est-à-dire que ceux d’aujourd’hui et de demain nous soutenaient et nous accompagnaient. Puis ce fut l’imposition des mains et le cardinal Faulhaber nous dit : ‘Jam non dico servos, sed amicos’, alors nous avons expérimenté le fait que l’ordination sacerdotale est comme une initiation dans la communauté des amis de Jésus, qui sont appelés à être avec Lui et à annoncer son message ».

Le Pape émérite a ensuite pris la parole. 

Benoît XVI a rappelé la nouvelle dimension que le Christ a donné à la réalité du remerciement. Il a transformé la Croix, la souffrance et le mal de ce monde en bénédiction.

« Faisant ainsi il a fondamentalement transsubstantié la vie et le monde, et nous a donné et nous donne chaque jour le Pain de la vie, qui dépasse le monde par la force de son amour.  Enfin, il a souhaité « nous insérer dans ce ‘merci’ au Seigneur pour recevoir réellement la nouveauté de la vie et aider à la transsubstantiation du monde : que ce soit un monde non de mort mais de vie ; un monde dans lequel l’amour triomphe de la mort. »

Benoît-et-moi a traduit l'intégralité de son discours.


L'hommage du pape François à Benoît XVI

Le pape François a rédigé la préface d'un recueil d’homélies du pape Benoît XVI sur le sacerdoce à paraître dans plusieurs pays. Enseigner et apprendre l’amour de Dieu, qui paraîtra aux éditions Parole et Silence après l’été 2016. Extrait de cette préface :

"Chaque fois que je lis les œuvres de Joseph Ratzinger/Benoît XVI, je me rends compte de plus en plus clairement qu’il a fait et qu’il fait encore de la “théologie à genoux“ : à genoux, car, avant encore d’être un très grand théologien et maître de la foi, on voit que c’est un homme qui croit vraiment, qui prie vraiment ; on voit que c’est un homme qui personnifie la sainteté, un homme de paix, un homme de Dieu. Et ainsi, il incarne de manière exemplaire le cœur de toute l’action sacerdotale : cet enracinement profond en Dieu sans lequel toute la capacité d’organisation possible et toute la prétendue supériorité intellectuelle, tout l’argent et tout le pouvoir deviennent inutiles ; il incarne ce rapport permanent avec le Seigneur Jésus sans lequel rien n’est plus véritable, tout devient une routine, les prêtres presque des salariés, les évêques des bureaucrates et l’Eglise n’est plus l’Eglise du Christ, mais un produit de notre création, une ONG en fin de compte superflue.

Le cardinal Ludwig Gerhard Müller a affirmé avec autorité que l’œuvre théologique de Joseph Ratzinger, d’abord, et de Benoît XVI, ensuite, le place parmi les plus grands théologiens sur le siège de Pierre ; aux côtés, par exemple, du pape Léon le Grand, saint et docteur de l’Eglise. (…) De ce point de vue, au jugement pertinent du préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, je voudrais ajouter que c’est peut-être aujourd’hui, en tant que pape émérite, qu’il nous donne de manière la plus évidente l’une de ses plus grandes leçons de “théologie à genoux“.

Sa Sainteté Benoît XVI, à travers son témoignage, nous montre en quoi consiste la véritable prière : non pas l’occupation de quelques personnes considérées comme particulièrement dévotes, voire peu adaptées à la résolution de problèmes pratiques ; cette “action“ qu’au contraire les plus “actifs“ considèrent comme l’élément décisif de notre service sacerdotal, reléguant ainsi de fait la prière au “temps libre“. Et prier n’est pas non plus simplement une bonne pratique qui permet de mettre un peu sa conscience en paix, ou seulement une dévotion pour obtenir de Dieu ce dont nous pensons avoir besoin à un moment donné. Non. La prière, nous dit Benoît XVI dans cet ouvrage, et il nous en apporte le témoignage, est le facteur décisif : elle est une intercession dont l’Eglise et le monde - et encore plus en cette période de véritable changement d’époque - ont plus que jamais besoin, comme le pain, plus que le pain.

Chers confrères ! Je me permets de dire que si l’un d’entre vous devait un jour avoir des doutes sur le cœur de son ministère, sur son sens, sur son utilité, s’il devait un jour avoir des doutes sur ce que les hommes attendent véritablement de nous, qu’il médite en profondeur les pages qui nous sont offertes : car ils attendent de nous avant tout ce que vous trouverez décrit dans ce livre, ce dont il apporte le témoignage ; que nous leur apportions Jésus-Christ et que nous les conduisions à Lui, à l’eau fraîche et vive, dont ils ont soif plus que de toute autre chose, que lui seul peut offrir et qu’aucun succédané ne pourra jamais remplacer ; que nous les conduisions au bonheur entier et véritable quand plus rien ne les satisfait ; que nous les portions à réaliser leur rêve le plus intime, que personne ne pourra jamais leur promettre d’exaucer !"


"C’est une réalité continuelle que l’Église et le pape sont menacés par les forces du mal."

Yves Chiron revient sur une controverse concernant le fameux secret de Fatima, qui n'aurait pas été entièrement révélé, faisant suite à une soi-disant révélation de Benoît XVI à un prêtre. Ce qui a obligé le pape émérite à sortir de sa réserve et à publier la mise au point suivante :

"Répondant à votre lettre très gentille du 22 février, je peux vous communiquer qu’un quatrième secret de Fatima n’existe pas. Le texte publié est intégral et il n’existe rien d’autre. 

Quand j’ai dit que ce secret ne parle pas uniquement du passé, je voulais préciser et expliquer simplement le genre de telles paroles, qu’on ne peut jamais réduire uniquement sur un point précis. C’est une réalité continuelle que l’Église et le pape sont menacés par les forces du mal

Même si on peut interpréter la vision sur un événement précis, on peut néanmoins voir en elle également un renvoi à des menaces toujours nouvelles et des dangers qui continuent. Avant tout il est important que l’invitation à la prière, qui soutient et aide le Pape et l’Église, restent actuelle même après le moment d’alors

J’espère avoir éclairci ainsi votre demande et reste avec mes saluts et ma bénédiction."

Antonio Socci, grand spécialiste de Fatima, a une interprétation intéressante.


"Les missionnaires du 16ème siècle étaient convaincus qu’une personne non-baptisée perdait son âme. Après Vatican II, cette conviction disparut" (Add.)

Cette bombe est de Benoît XVI lâchée le mois dernier dans cet entretien donné dans un journal italien, avvenire. La suite est délectable (si un lecteur a le texte en français pour confirmer ces traductions, ce serait parfait) :  

"Les missionnaires du 16ème siècle étaient convaincus qu’une personne non-baptisée perdait son âme. Après Vatican II, cette conviction disparut, donnant cette double crise dans l’Église. Sans cet espoir de salut, la foi perd sa base.

Comme le point de vue universaliste de Vatican II stipule que quiconque, en dehors de l’Église catholique, peut être sauvé, pourquoi devriez-vous convertir les païens dans la foi catholique, alors qu’ils peuvent l’être sans elle ? Ce point de vue empêche les catholiques eux-mêmes d’avoir besoin de pratiquer leur foi.

Pourquoi le chrétien devrait-il avoir nécessairement la foi chrétienne et suivre sa morale ? Si la foi et le salut ne sont désormais interdépendants, alors la foi requiert moins d’efforts. Encore moins acceptable est la solution des théories pluralistes et œcuméniques, pour lesquelles toutes les religions, chacune à sa manière, seraient des chemins de salut différents avec, dans ce sens, un équivalent dans leurs effets".

add. : Le site Benoît et moi offre la traduction complète qui valide, bien sûr, celle proposée ci-dessus.


Un entretien de Benoît XVI : le salut et la foi

Le pape émérite Joseph Ratzinger-Benoît XVI a été interrogé par le jésuite et théologien belge Jacques Servais, dans le cadre de la conférence intitulée: «Au moyen de la foi. Doctrine de la justification et expérience de Dieu dans la prédication des Exercices Spirituels», promue par la Rettoria del Gésù à Rome, entre le 8 et le 10 Octobre 2015. L'entretien écrit et donné dans la langue maternelle du pape, l'allemand, a été lu dans le cadre de la conférence de Rome, par le préfet de la maison pontificale et secrétaire personnel du pape Benoît XVI, Mgr Georg Gänswein. Le texte a été traduit par Jacques Servais et revu par le pape émérite. Benoît-et-moi l'a traduit en français. Extrait :

"[...] Dans les Exercices Spirituels, Ignace de Loyola n'utilise pas les images vétérotestamentaires de la vengeance, contrairement à Paul (comme on le voit dans la deuxième lettre aux Thessaloniciens); néanmoins , il nous invite à contempler comment les hommes, jusqu'à l'Incarnation, «descendaient en enfer» et à considérer l'exemple «des innombrables autres qui y ont fini pour bien moins de péchés que je n'en ai commis». C'est dans cet esprit que saint François Xavier a vécu sa propre activité pastorale, convaincu de devoir tenter de sauver du sort terrible de la damnation éternelle autant d' «infidèles» que possible. Peut-on dire que sur ce point, au cours des dernières décennies, il y a eu une sorte de «développement du dogme» dont le Catéchisme doit absolument tenir compte? 

Big304418a5800758b034«Il ne fait aucun doute qu'à ce point, nous sommes confrontés à une évolution profonde du dogme. Les Pères et les théologiens du Moyen Age pouvaient encore être d'avis qu'en substance, tout le genre humain était devenu catholique et que le paganisme existait désormais uniquement aux marges, la découverte du Nouveau Monde au début de l'ère moderne a radicalement changé les perspectives. 

Dans la seconde moitié du siècle dernier, la conscience que Dieu ne peut pas laisser aller en perdition tous les non baptisés et que même une félicité purement naturelle n'est pas pour eux une vraie réponse à la question de l'existence humaine - cette conscience a été pleinement affirmée. 

S'il est vrai que les grands missionnaires du XVIe siècle étaient encore convaincus que ceux qui ne sont pas baptisés sont à jamais perdus, ce qui explique leur engagement missionnaire, dans l'Eglise catholique d'après Vatican II, une telle conviction a été définitivement abandonnée. 

De là découle une double crise profonde. 

D'un côté, cela semble enlever toute motivation à un futur engagement missionnaire. Pourquoi devrait-on essayer de convaincre les gens d'accepter la foi chrétienne quand ils peuvent se sauver aussi sans elle? Mais un problème émergea, même pour les chrétiens: le caractère obligatoire de la foi et de sa forme de vie devint incertain et problématique. 

S'il y en a qui peuvent se sauver aussi par d'autres moyens, finalement, la raison pour laquelle le chrétien est lié aux exigences de la foi chrétienne et à sa morale n'est plus évidente. Mais si la foi et le salut ne sont plus interdépendants, même la foi devient non motivée. 

Ces derniers temps, plusieurs tentatives ont été formulées en vue de concilier la nécessité universelle de la foi chrétienne avec la possibilité de se sauver sans elle.

J'en mentionne ici deux: d'abord, la thèse bien connue des chrétiens anonymes de Karl Rahner. On y soutient que l'acte de base essentiel de l'existence chrétienne, qui s'avère décisif pour le salut, dans la structure transcendantale de notre conscience consiste dans l'ouverture au 'tout autre', vers l'unité avec Dieu. La foi chrétienne aurait fait émerger à la conscience ce qui est structurel dans l'homme en tant que tel. Donc, quand l'homme s'accepte dans son 'être' essentiel, il accomplit l'essentiel de l''être chrétien' même sans le savoir de manière conceptuelle.

Le chrétien coïncide donc avec l'humain et dans ce sens, est chrétien tout homme qui s'accepte lui-même, même s'il ne sait pas. Il est vrai que cette théorie est fascinante, mais elle réduit le christianisme lui-même à une pure présentation consciente de ce que l'être humain est en soi et donc néglige le drame du changement et du renouvellement, qui est central dans le christianisme.

Encore moins acceptable est la solution proposée par les théories pluralistes de la religion, pour lesquelles toutes les religions, chacune à sa manière, seraient des moyens de salut et en ce sens doivent être considérés comme équivalentes dans leurs effets. La critique de la religion, du type de celle exercée par l'Ancien Testament, par le Nouveau Testament et par l'Église primitive est dans son essence plus réaliste, plus concrète et plus vraie, dans son examen minutieux des diverses religions. Une réception aussi simpliste n'est pas proportionnelle à la grandeur de la question.

Rappelons récemment en particulier Henri de Lubac et avec lui d'autres théologiens qui ont mis l'accent sur le concept de substitution vicaire (sostituzione vicaria). Pour eux la proexistence du Christ serait une expression de la figure fondamentale de l'existence chrétienne et de l'Eglise en tant que telle.

Il est vrai que de cette façon, le problème n'est pas complètement résolu, mais il me semble que c'est en réalité l'intuition essentielle qui touche l'existence du chrétien individuel.

Le Christ, en tant qu'unique, a été et est, pour tous, et les chrétiens, qui dans l'image grandiose de Paul constituent son corps dans ce monde, participent à cet "être-pour". Chrétiens, pour ainsi dire, on ne l'est pas pour soi-même, mais plutôt, avec Lui, pour les autres. Cela ne signifie pas une sorte de billet spécial pour entrer dans la béatitude éternelle, mais la vocation de construire l'ensemble, le tout.

Ce dont la personne humaine a besoin pour le salut, c'est l'ouverture intime à Dieu, l'attente intime et l'adhésion à Lui, et cela signifie, vice versa que nous, avec le Seigneur que nous avons rencontré, allons vers les autres et essayons de leur rendre visible l'avènement de Dieu dans le Christ. Il est clair que nous devons réfléchir à l'ensemble de la question». [...]"


"Dieu ou rien" : Benoît XVI écrit au cardinal Sarah

CMwTNxaWgAAgl7rEtrangement, une partie du courrier écrit par le pape émérite au cardinal a été publié (traduction Benoît-et-moi) :

"C’est avec beaucoup de profit spirituel, de joie et de gratitude que j’ai lu 'Dieu ou rien'. La réponse courageuse que votre ouvrage donne aux problèmes suscités par la théorie du 'genre' pose avec netteté, dans un monde qui n’y voit plus clair, une question anthropologique fondamentale"."

Le cardinal Sarah poursuit sa tournée dans divers pays, son ouvrage ayant été traduit en anglais, en allemand...


Les évêques face à l'immigration clandestine

Certaines prises de position d'évêques en Europe se caractérisent actuellement dans certains pays comme la Belgique, l'Allemagne et surtout l'Italie par une incitation à accueillir les "migrants", c'est à dire des immigrés clandestins, sans poser de limites. Ces prises de position trouvent des échos plutôt favorables dans les milieux de gauche tandis qu'elles troublent de nombreux autres fidèles :

"Je comprends qu'il soit difficile à chacun d'ouvrir son cœur et sa maison, mais les vrais responsables de cette situation sont les politiques qui chevauchent la peur de l'invasion, ces voyageurs de commerce de quatre sous qui ne pensent qu'aux échéances électorales." (Mgr Nunzio Galantino, secrétaire de la Conférence épiscopale italienne)

"Les hommes ont le droit d’émigrer non seulement pour fuir les dangers mais aussi pour sortir de la pauvreté" (Cardinal Rainer Maria Woelki, archevêque de Cologne)

"Il y a actuellement dans le monde quelque 60 millions de personnes en fuite. Le pourcentage de ceux qui frappent aux portes de l’Union européenne est d’à peine 4%. L’Europe a les moyens de les prendre en charge" (Mgr Ludwig Schick,archevêque de Bamberg)

Lors la deuxième université d’été de l’Académia Christania, dont le Salon Beige a déjà parlé, Victor Aubert, président l’Académia, a répondu à Breizh Info en donant son sentiment face à ces prises de positions :

En France, en Italie, en Belgique, les évêques appellent à accueillir les migrants, à ouvrir les portes de l’Europe à ce nouveau camp des saints qui se profile. Comment dès lors peut on être à la fois un fidèle catholique en totale contradiction avec les représentants de l’église ?

"Je crois que les catholiques ne sont pas strictement tenus d’obéir à leurs évêques dans des domaines tels que la politique. Le rôle premier des évêques est d’expliciter la révélation et d’éclairer les principes de la morale évangélique. En dehors de ces deux rôles, leur autorité n’est pas infaillible. Si les évêques sont aveugles au péril que constitue l’immigration massive (tant pour l’Europe que pour les migrants eux même) cela ne déresponsabilise pas les fidèles d’ouvrir leurs yeux sur cette situation et d’agir en vue du bien commun."

L’Eglise ne portera-t-elle pas une lourde responsabilité (y compris l’actuel pape) dans les troubles qui pourraient arriver en Europe rapidement ?

"Pour ce qui est du Pape François, je pense qu’il faut d’abord se méfier des  prétendues déclarations à propos des immigrés, telles qu’elles nous sont retranscrites dans les grands médias du système, et aller lire l’intégralité des déclarations en italien, directement sur les médias du Vatican. On s’apercevra alors que le Pape François n’est pas si immigrationiste que veulent nous le faire croire ces médias qui isolent bien souvent certaines citations qui vont toujours dans le même sens. Par ailleurs il ne faut pas oublier que le Pape lui même peut être mal conseillé et désinformé quant aux situations réelles des problèmes liés à l’immigration massive.

Quant aux évêques qui se positionnent en faveur d’un accueil sans limite des immigrés, je pense en effet qu’ils se font les responsables des troubles que nous connaissons déjà en Europe et qui deviendront de plus en plus réguliers et nombreux dans les années à venir.  Pour ma part je pense qu’il est de la responsabilité des catholiques et des clercs éclairés sur ces sujets, de parler haut et fort de ces problèmes en faisant bien évidement preuve de pédagogie puisque ces sujets sont brûlants."

Comme Michel l'a déjà écrit dans un autre post, on pourra toujours de référer aux propos du pape Benoit XVI lors de la journée mondiale des migrants en 2013 :

"Certes, chaque État a le droit de réguler les flux migratoires et de mettre en œuvre des politiques dictées par les exigences générales du bien commun, mais toujours en garantissant le respect de la dignité de chaque personne humaine. Le droit de la personne à émigrer – comme le rappelle la Constitution conciliaire Gaudium et spes au n. 65 - est inscrit au nombre des droits humains fondamentaux, avec la faculté pour chacun de s’établir là où il l’estime le plus opportun pour une meilleure réalisation de ses capacités, de ses aspirations et de ses projets. Dans le contexte sociopolitique actuel, cependant, avant même le droit d’émigrer, il faut réaffirmer le droit de ne pas émigrer, c’est-à-dire d’être en condition de demeurer sur sa propre terre, répétant avec le Bienheureux Jean-Paul II que « le droit primordial de l’homme est de vivre dans sa patrie (...)"


"La miséricorde du Christ n'est pas une grâce à bon marché"

Citation trouvée sur Benoît-et-moi :

"La miséricorde du Christ n'est pas une grâce à bon marché, elle ne suppose pas la banalisation du mal. Le Christ porte dans son corps et sur son âme tout le poids du mal, toute sa force destructrice. Il brûle et transforme le mal dans la souffrance, dans le feu de son amour qui souffre. Le jour de la vengeance et de l'année de grâce coïncident avec le mystère pascal, dans le Christ mort et ressuscité. Telle est la vengeance de Dieu: lui-même, en la personne du Fils, souffre pour nous. Plus nous sommes touchés par la miséricorde du Seigneur, plus nous devenons solidaires de sa souffrance - et plus nous somme prêts à compléter dans notre chair "ce qu'il manque aux épreuves du Christ" (Col 1, 24)"

(Joseph Ratzinger, Homélie 'Missa pro eligendo Romano Pontifice', 18 avril 2005).


Du christianisme de masse au petit troupeau : pourquoi nous ne devons pas en avoir peur

RatzingerEn 1958, celui qui était encore l'abbé Ratzinger rédigeait un texte passionnant consacré à la déchristianisation de l'Europe. Le site Benoît-et-moi vient de le traduire dans son intégralité : il mérite d'être lu. Au lieu d'encourager l'Eglise à chercher à tout prix à maintenir les apparences en distribuant les sacrements au plus grand nombre, au risque d'amplifier sa paganisation interne, le futur Benoît XVI annonçait au contraire qu'elle devrait renoncer à coïncider avec le monde et se réduire au petit troupeau, pour pouvoir annoncer clairement la bonne nouvelle aux nouveaux païens, qui se croient encore chrétiens. Extrait :

"Ce n’est que si [l'Eglise] cesse d’être une évidence à bon marché, si elle entreprend de se présenter à nouveau elle-même comme ce qu’elle est que son message pourra parvenir jusqu’aux oreilles des nouveaux païens qui, jusqu’ici, peuvent encore se complaire dans l’illusion de n’être pas du tout des païens.
Pareil renoncement à des positions extérieures entraînera aussi, il est vrai, la perte d’avantages précieux qui résultent indubitablement de l’actuelle imbrication de l’Eglise et de la sphère publique. Il s’agit là d’un processus qui se produira, avec ou sans la collaboration de l’Eglise, et auquel elle doit donc se préparer. D’une manière générale, il faut, dans la nécessaire progression de cette démondanisation de l’Eglise, distinguer précisément trois plans : le plan des sacrements, celui de l’annonce de la foi et celui de la relation personnelle entre croyants et incroyants.

Le niveau des sacrements, jadis protégé par la discipline de l’arcane, est le niveau proprement existentiel intérieur à l’Eglise. Il faut qu’à nouveau il devienne clair que les sacrements sans la foi sont dépourvus de sens et l’Eglise devra ici, progressivement et avec beaucoup de prudence, renoncer à un rayon d’action qui ne fait, en définitive, que la tromper elle-même et tromper les hommes.

Plus l’Eglise se délimitera elle-même, discernant ce qui est proprement chrétien, se réduisant au besoin au petit troupeau, plus réaliste sera la manière dont elle pourra et devra reconnaître que sa mission se situe au second niveau, celui de l’annonce de la foi. Si le sacrement est le lieu où l’Eglise se sépare et doit se séparer de ce qui n’est pas Eglise, la parole est la manière par laquelle elle prolonge le geste accueillant de l’invitation au festin du Seigneur.

Sur le plan des relations personnelles, enfin, il serait totalement faux de conclure des limites que s’impose l’Eglise, requises pour ce qui relève des sacrements, à un isolement du chrétien croyant vis-à-vis de son prochain non croyant. Evidemment, parmi les croyants eux-mêmes, devra se reconstruire progressivement une sorte de fraternité des communiants qui se sentent reliés les uns aux autres par leur commune participation à la table du Seigneur, jusque dans la vie privée, savent pouvoir compter les uns sur les autres en cas de besoin, et constituent en vérité une famille. Mais cela ne doit pas entraîner une séparation sectaire; le chrétien devra plutôt être aussi, justement, un homme joyeux parmi les hommes, “homme avec eux” (Mitmensch) là où il ne peut être “chrétien avec eux” (Mitchrist).

En résumé, voici ce que pouvons retenir à titre de conclusion de ce premier ensemble de réflexions : l’Eglise a d’abord connu une modification de ses structures qui l’a conduite du petit troupeau à l’Eglise universelle; depuis le Moyen Âge, elle coïncide en Occident avec le Monde. Aujourd’hui, cette coïncidence n’est plus qu’une apparence, qui cache la nature véritable de l’Eglise et du monde et empêche en partie l’Eglise de se livrer à sa nécessaire activité missionnaire. Ainsi, tôt ou tard, que l’Eglise le veuille ou non, s’accomplira aussi, après une modification de ses structures internes, un changement extérieur qui fera d’elle fera le pusillus grex, le petit troupeau."

S'ensuit une catéchèse sur le petit nombre et la multitude : pourquoi ce petit troupeau de chrétiens se compliquerait-il la vie à chercher le Salut par la voie, jugée difficile, de l'Eglise, s'il est persuadé que de bons païens seront sauvés ? Le futur Benoît XVI nous renvoie au peuple élu : Dieu n'a certes pas choisi les juifs pour rejeter le reste de l'humanité, mais pour autant, il leur a confié un rôle particulier. Extrait :

Lire la suite "Du christianisme de masse au petit troupeau : pourquoi nous ne devons pas en avoir peur" »


2 doctorats honoris causa pour Benoît XVI et une leçon de musique liturgique

Ce matin à Castel Gandolfo, le pape émérite Benoît XVI, a reçu un doctorat honorifis causa de l'Université pontificale «Jean-Paul II» à Cracovie et de l'Académie de Musique de Cracovie. C'est le Card. Stanislaw Dziwisz, archevêque de Cracovie, Grand Chancelier de l'Université Pontificale «Jean-Paul II» qui a remis les deux diplômes. Voici un extrait du discours que Benoît XVI a prononcé sur la liturgie, traduit par Benoît-et-moi :

"[...] Dans les années de l'après-Concile, sur ce point, une très ancienne opposition s'était manifestée avec une passion renouvelée. J'ai moi-même grandi dans la région de Salzbourg, marqué par la grande tradition de cette ville. Ici, il allait de soi que les messes festives accompagnées par le chœur et l'orchestre faisaient partie intégrante de notre expérience de foi dans la célébration de la liturgie. La façon avec laquelle, à peine retentissaient les premières notes de la Messe du Couronnement de Mozart, le ciel s'ouvrait presque et on éprouvait très profondément la présence du Seigneur, reste gravée dans ma mémoire de façon indélébile. A côté de cela, cependant, la nouvelle réalité du Mouvement liturgique était néanmoins déjà présente, en particulier à travers l'un de nos chapelins qui devint plus tard vice-régent puis recteur du grand séminaire de Freising. Pendant mes études à Münich, puis, très concrètement, je suis de plus en plus entré dans le Mouvement liturgique à travers les leçons du professeur Pascher, l'un des plus importants experts du Concile en matière liturgique, et surtout à travers la vie liturgique de la communauté du Séminaire. Ainsi, la tension entre la participatio actuosa conforme à la liturgie, et la musique solennelle qui enveloppait l'action sacrée, est devenue progressivement perceptible bien que je ne la ressentais pas aussi forte. 

Dans la Constitution sur la liturgie de Vatican II (ndt: Sacrosanctum Concilium), il est écrit très clairement: «Le trésor de la musique sacrée sera conservé et cultivé avec la plus grande sollicitude» (§114). D'autre part, le texte souligne, comme catégorie liturgique fondamentale, la participatio actuosa de tous les fidèles à l'action sacrée. Ce qui dans la Constitution restait encore ensemble pacifiquement, par la suite, dans la mise en œuvre du Concile, a souvent été dans un rapport de tension dramatique. Des milieux significatifs du Mouvement liturgique considéraient que, pour les grandes œuvres chorales et même pour les messes pour orchestre, à l'avenir il y aurait de la place seulement dans les salles de concert, pas dans la liturgie. Ici, il ne pouvait y avoir de place que pour le chant et la prière des fidèles. D'autre part, on craignait l'appauvrissement culturel de l'Église qui en résulterait nécessairement. Comment concilier les deux? Comment mettre en œuvre le Concile en entier? Telles étaient les questions qui s'imposaient à moi et à beaucoup d'autres fidèles, aux gens simples, non moins qu'aux personnes en possession d'une formation théologique. [...]

Avec le Psautier, dans lequel opèrent aussi les deux motifs de l'amour et de la mort, nous nous trouvons directement à l'origine de la musique de l'Église de Dieu. On peut dire que la qualité de la musique dépend de la pureté et de la grandeur de la rencontre avec le divin, avec l'expérience de l'amour et de la douleur. Plus pure et plus vraie sera cette expérience, plus pure et plus grande sera la musique dont elle naît et se développe. 

A ce point, je voudrais exprimer une pensée qui ces dernières années m'a saisi de plus en plus, d'autant plus que les différentes cultures et religions entrent en relation entre elles. Dans le cadre des cultures et des religions les plus variées, il existe une grande littérature, une grande architecture, une grande peinture et de grandes sculptures. Et partout, il y a aussi de la musique. Et pourtant, dans aucune culture il n'existe une musique d'une grandeur comparable à celle née dans le contexte de la foi chrétienne: de Palestrina à Bach, Handel, jusqu'à Mozart, Beethoven et Bruckner. La musique occidentale est quelque chose d'unique, qui n'a pas d'égal dans d'autres cultures. Cela devrait nous faire réfléchir. 

Bien sûr, la musique occidentale va bien au-delà du domaine de la religion et de l'Église. Et pourtant, elle trouve toujours sa source la plus profonde de la liturgie dans la rencontre avec Dieu. Chez Bach, pour lequel la gloire de Dieu est le but ultime de toute la musique, cela est tout à fait évident. La réponse grande et pure de la musique occidentale s'est développée dans la rencontre avec ce Dieu qui, dans la liturgie, se rend présent pour nous dans le Christ Jésus. Cette musique, pour moi, est une démonstration de la vérité du christianisme. Là où se développe une telle réponse, s'est réalisée la rencontre avec la vérité, avec le vrai créateur du monde. Pour cette raison, la grande musique sacrée est une réalité de rang théologique et de signification permanente pour la foi de toute la chrétienté, même s'il n'est pas du tout nécessaire qu'elle soit exécutée toujours et partout. D'autre part, cependant, il est également clair qu'elle ne peut pas disparaître de la liturgie et que sa présence peut être une manière tout à fait spéciale de participation à la célébration sacrée, au mystère de la foi. [...]"


La Congrégation pour la Doctrine de la Foi a répondu concernant l'alimentation et l'hydratation artificielle

Approuvé par Benoit XVI en 2007 et consultable sur le site du Vatican, ce document de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi intitulé, "Réponse aux questions de la conférence épiscopale des Etats-Unis concernant l'alimentation et l'hydratation artificielle".

Première question : L’administration de nourriture et d’eau (par des voies  naturelles ou artificielles) au patient en "état végétatif", à moins que ces  aliments ne puissent pas être assimilés par le corps du patient ou qu’ils ne  puissent pas lui être administrés sans causer une privation grave sur le plan  physique, est-elle moralement obligatoire?

Réponse : Oui. L’administration de nourriture et d’eau, même par des voies  artificielles, est en règle générale un moyen ordinaire et proportionné de  maintien de la vie. Elle est donc obligatoire dans la mesure et jusqu’au moment  où elle montre qu’elle atteint sa finalité propre, qui consiste à hydrater et à  nourrir le patient. On évite de la sorte les souffrances et la mort dues à l’inanition et à la déshydratation.

Seconde question : Peut-on interrompre la nourriture et l’hydratation fournies  par voies artificielles à un patient en "état végétatif permanent", lorsque des  médecins compétents jugent avec la certitude morale que le patient ne reprendra  jamais conscience?

Réponse : Non. Un patient en "état végétatif permanent" est une personne, avec  sa dignité humaine fondamentale, à laquelle on doit donc procurer les soins  ordinaires et proportionnés, qui comprennent, en règle générale,  l’administration d’eau et de nourriture, même par voies artificielles.

Il est difficile d'être plus clair. Ce document pourrait être assez facilement distribué ou lu aux fidèles dans les églises pour éclairer les catholiques en France. Ce serait une belle œuvre de pédagogie au profit de la vérité.


Un film sur la vie de Benoît XVI

Lu dans La Vie :

"La vie du pape émérite Benoît XVI devrait être portée sur grand écran. La société Pantaleon Entertainment AG a indiqué (en allemand) ce mardi 2 juin avoir acquis dans ce but les droits sur le livre du biographe du pape, l'Allemand Peter Seewald. Cet ouvrage, à paraître en 2016, contiendra de nombreux détails inédits de la vie de Joseph Ratzinger. Le cinéaste Peter Alexander Weckert devrait réaliser le film. « La vie de Joseph Ratzinger offre largement assez de matière pour réaliser un grand film international », ont indiqué (en allemand)  les producteurs à l'agence Kath.net, qui ont reçu les encouragements de Mgr Georg Gänswein, préfet de la Maison pontificale et secrétaire de Benoît XVI. L'histoire devrait être racontée à travers les yeux du jeune Francesco qui se rend à Rome avec son chœur d'enfants « Pueri Cantores » pour participer aux liturgies du pape devant lequel il est appelé à chanter en solo."


La dernière encyclique de Benoît XVI

Selon le cardinal Sarah :

"Benoît XVI est le pape qui nous a invités constamment à croire avec notre coeur et notre intelligence. Il est d’une spiritualité si profonde qu’on retrouve en lui les Pères de l’Église : saint Augustin, saint Ambroise, saint Paul… Lui aussi nous apprend le primat de la prière dans la vie d’un homme et le primat de Dieu dans la société et dans l’Église. Lui aussi est en train d’écrire sa dernière encyclique en s’enfermant dans un monastère, pour nous dire combien la prière et Dieu doivent être premiers dans toute existence."


Détacher le Magistère de la pratique pastorale est une forme d’hérésie

DLe cardinal Robert Sarah, guinéen, préfet de la Congrégation pour le Culte divin, publie un ouvrage d'entretiens avec Nicolas Diat, l'auteur d'un ouvrage sur Benoît XVI, intitulé "L'homme qui ne voulait pas être Pape". Particularité de cet ouvrage : il est préfacé par le pape émérite Benoît XVI.

Famille chrétienne cite quelques extraits de cet entretien. Voici ce que le cardinal-préfet déclare à propos du synode sur la famille :

"L’idée qui consisterait à placer le Magistère dans un bel écrin en le détachant de la pratique pastorale, qui pourrait évoluer au gré des circonstances, des modes et des passions, est une forme d’hérésie, une dangereuse pathologie schizophrène. J’affirme donc avec solennité que l’Église d’Afrique s’opposera fermement à toute rébellion contre l’enseignement de Jésus et du Magistère." 

Autres extraits sur nos sujets du moment :

« L’euthanasie est le marqueur le plus aigu d’une société sans Dieu, infra-humaine […]. Pourtant, dans mes voyages, je constate un réveil des consciences. Les jeunes chrétiens d’Amérique du Nord montent progressivement au front pour repousser la culture de mort. Dieu ne s’est pas endormi, Il est vraiment avec ceux qui défendent la vie ! »

« Concernant mon continent d’origine, je veux dénoncer avec force une volonté d’imposer de fausses valeurs en utilisant des arguments politiques et financiers. Dans certains pays africains, des ministères dédiés à la théorie du genre ont été créés en échange de soutiens économiques ! Ces politiques sont d’autant plus hideuses que la plus grande partie des populations africaines est sans défense, à la merci d’idéologues occidentaux fanatiques. »


Islam, positivisme et raison : et si à Ratisbonne, Benoît XVI avait vu juste ?

Même La Vie le concède :

"je pense qu'au delà des troubles d’identité contemporains, au fond, dans son discours de Ratisbonne, Benoît XVI n'avait pas complètement tort (sic), qu’il y a dans l’islam un grave et ancien problème à résoudre, et que les musulmans et eux seuls peuvent le résoudre en le prenant à bras le corps, pas en le niant."

Dans son discours tant décrié à Ratisbonne, Benoît XVI interrogeait en 2006 la relation entre la foi et la raison. L'islam, qui prône le jihad, n'interroge pas la raison :

"(...) j'ai lu la partie, publiée par le professeur Théodore Khoury (de Münster), du dialogue sur le christianisme et l'islam et sur leur vérité respective, que le savant empereur byzantin Manuel II Paléologue mena avec un érudit perse, sans doute en 1391 durant ses quartiers d’hiver à Ankara. (...)

Dans le septième entretien (διάλεξις – controverse) publié par le professeur Khoury, l'empereur en vient à parler du thème du djihad, de la guerre sainte. L'empereur savait certainement que, dans la sourate 2,256, on lit : pas de contrainte en matière de foi – c'est probablement l'une des plus anciennes sourates de la période initiale qui, nous dit une partie des spécialistes, remonte au temps où Mahomet lui-même était encore privé de pouvoir et menacé. Mais, naturellement, l'empereur connaissait aussi les dispositions – d'origine plus tardive – sur la guerre sainte, retenues par le Coran. Sans entrer dans des détails comme le traitement différent des « détenteurs d'Écritures » et des « infidèles », il s'adresse à son interlocuteur d'une manière étonnamment abrupte – abrupte au point d’être pour nous inacceptable –, qui nous surprend et pose tout simplement la question centrale du rapport entre religion et violence en général. Il dit : « Montre moi ce que Mahomet a apporté de nouveau et tu ne trouveras que du mauvais et de l'inhumain comme ceci, qu'il a prescrit de répandre par l'épée la foi qu'il prêchait ». Après s'être prononcé de manière si peu amène, l'empereur explique minutieusement pourquoi la diffusion de la foi par la violence est contraire à la raison. Elle est contraire à la nature de Dieu et à la nature de l'âme. « Dieu ne prend pas plaisir au sang, dit-il, et ne pas agir selon la raison (‘σύν λόγω’) est contraire à la nature de Dieu. La foi est fruit de l'âme, non pas du corps. Celui qui veut conduire quelqu'un vers la foi doit être capable de parler et de penser de façon juste et non pas de recourir à la violence et à la menace... Pour convaincre une âme douée de raison, on n'a pas besoin de son bras, ni d'objets pour frapper, ni d'aucun autre moyen qui menace quelqu'un de mort... ». L’affirmation décisive de cette argumentation contre la conversion par la force dit : « Ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu ». L'éditeur du texte, Théodore Khoury, commente à ce sujet: « Pour l'empereur, byzantin nourri de philosophie grecque, cette affirmation est évidente. Pour la doctrine musulmane, au contraire, Dieu est absolument transcendant. Sa volonté n'est liée à aucune de nos catégories, fût-ce celle qui consiste à être raisonnable ». Khoury cite à ce propos un travail du célèbre islamologue français R. Arnaldez, qui note que Ibn Hazm va jusqu'à expliquer que Dieu n'est pas même tenu par sa propre parole et que rien ne l'oblige à nous révéler la vérité. Si tel était son vouloir, l'homme devrait être idolâtre."

... et le monde occidental tend a cultiver la raison, mais en en excluant le divin, ce qui rend le dialogue impossible entre les cultures :

"C'est ainsi seulement que nous devenons capables d'un véritable dialogue des cultures et des religions, dont nous avons un besoin si urgent. Dans le monde occidental domine largement l'opinion que seule la raison positiviste et les formes de philosophie qui s'y rattachent seraient universelles. Mais les cultures profondément religieuses du monde voient cette exclusion du divin de l'universalité de la raison comme un outrage à leurs convictions les plus intimes. Une raison qui reste sourde au divin et repousse la religion dans le domaine des sous-cultures est inapte au dialogue des cultures."

Des journalistes incapables de comprendre l'ampleur de l'outrage que représentent leurs caricatures pour les musulmans. Des islamistes poussant la déraison jusqu'à tuer ces journalistes pour un dessin. Le discours de Ratisbonne trouve un étrange écho aujourd'hui.


«Comment parler aujourd'hui de Dieu»

Benoît-et-moi rapporte un extrait d'un entretien du Père Horn, religieux salvatorien et un des responsables du Ratzinger Schülerkreis, la réunion annuelle des anciens élèves du professeur Ratzinger autour de ce dernier, fin août. Le père Horn répondait à une question sur le thème de la rencontre d'août 2015 :

"Normalement, le Schülerkreis, lors de la réunion à Castel Gandolfo, propose trois arguments et les noms de plusieurs personnalités pour l'année suivante. Après la rencontre, je vais voir le Saint-Père pour les lui présenter. Cette fois, après une réflexion ultérieure, fin novembre, le Pape émérite Benoît a choisi le thème «Comment parler aujourd'hui de Dieu», en invitant le professeur Tomás Halík, un prêtre tchèque, un homme spécial, avec différentes expériences du monde moderne."


Le Cardinal Müller qualifie Benoit XVI de « Mozart de la théologie »

Wolfgang Amadeus Mozart étant l’un des compositeurs les plus reconnus dans l’histoire de la musique, cette qualification est un éloge de grandes proportions, d’autant plus lorsqu’elle est prononcée par le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.

Ces paroles du Cardinal Müller à propos du Pape émérite suscitèrent l’applaudissement de la foule, et furent suivies par l’expression de

« la profonde gratitude de l’Eglise à Benoît XVI pour son engagement inlassable de chercheur et maître de la science de Dieu. (…) En effet la Congrégation pour la Doctrine de la Foi est particulièrement liée à Joseph Ratzinger, qui non seulement a présidé la Curie Romaine durant plus de 23 ans, mais aussi partage la mission de promouvoir et protéger la Doctrine de la Foi ; la théologie abondamment riche du Pape émérite fut de grande importance dans ce domaine, permettant que la Doctrine de la Foi brille dans toute son intensité et beauté. »

Le Pape François ajouta que l’œuvre intellectuelle du Pape émérite est un

« cadeau pour l’Eglise et pour tout le monde, l’offre de ce qu’il avait de plus précieux : sa connaissance de Jésus, le fruit de tant d’années d’études, de discussion théologique et d’oraison. Parce que Benoît XVI étudia la théologie sur ses deux genoux. »


Divorcés-remariés : Benoît XVI corrige... Joseph Ratzinger et le cardinal Kasper

Opera omniaEn février dernier, alors qu'il ouvre le consistoire des cardinaux convoqué par le pape François en vue du synode sur la famille, le cardinal Kasper prononce un discours qui fera du bruit. En appui de sa plaidoierie en faveur de l'accès des divorcés-remariés à la communion, il cite en effet un article de Joseph Ratzinger, datant de 1972, qui va dans son sens.

Seulement, voilà : dans ses oeuvres complètes, qui viennent d'être publiées en Allemagne, Benoît XVI a profondément remanié la conclusion de l'article en question, pour la mettre en conformité avec ce qu'il a toujours enseigné par la suite. Nous voilà donc en possession d'un article revu et corrigé en 2014, qui permet au pape émérite non seulement d'empêcher quiconque de se réclamer de lui en reprenant le texte initial de 1972, mais de nous faire connaître sa position actuelle sur la question des divorcés remariés. Bref, de se faire entendre sur la question la plus débattue du synode sur la famille.

Sandro Magister publie les deux versions, rappelant aux imprudents qui ont exhumé la première que

"Cet article de 1972 a été la première et la dernière manifestation par Ratzinger d’une "ouverture" à l’accès des divorcés remariés à la communion. Par la suite, en effet, non seulement il a pleinement adhéré à la position rigoriste, consistant à leur interdire de communier, qui a été réaffirmée par le magistère de l’Église au cours du pontificat de Jean-Paul II, mais il a également, en tant que préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, contribué dans une mesure déterminante à l'argumentation déployée en faveur de cette interdiction."

Et Sandro Magister de rappeler les prises de position de Joseph Ratzinger, notamment sa lettre adressée aux évêques le 14 septembre 1994, dans laquelle il réfute expressément les thèses favorables à l'accès des divorcés remariés à la communion, thèses soutenues, entre autres, par un certain... Kasper.

La "retractatio" de Benoît XVI - la nouvelle conclusion de l'article de 1972, rédigée en 2014 - mérite d'être lue in extenso ici. En voici un extrait :

"De tout ce qui a été dit jusqu’à maintenant il résulte d’une part que l’Église d'Occident – l’Église catholique – sous la conduite du successeur de Pierre, sait qu’elle est étroitement liée à ce que le Seigneur a dit à propos de l'indissolubilité du mariage, mais d’autre part qu’elle a également cherché à discerner quelles étaient les limites de cette indication afin de ne pas imposer aux gens plus de contraintes que nécessaire.

C’est ainsi que, en partant de la suggestion faite par l’apôtre Paul et en s’appuyant en même temps sur l'autorité du ministère pétrinien, elle a en outre élaboré, pour les mariages non sacramentels, la possibilité de divorcer pour le bien de la foi [ndlt : lire le texte complet pour bien saisir cet aspect]. De la même manière, elle a examiné sous tous les aspects la question de la nullité d’un mariage.

L'exhortation apostolique "Familiaris consortio" de Jean-Paul II, publiée en 1981, a franchi un pas supplémentaire. Il est écrit, au numéro 84 : "Avec le Synode, j’exhorte chaleureusement les pasteurs et toute la communauté des fidèles à aider les divorcés en faisant en sorte, avec une grande charité, qu’ils ne se sentent pas séparés de l’Église [...]. Que l’Église prie pour eux, qu’elle les encourage et se montre à leur égard une mère miséricordieuse et qu’ainsi elle les soutienne dans la foi et dans l’espérance".

C’est ainsi qu’une mission importante est attribuée à la pastorale, mission qui n’a peut-être pas encore été suffisamment transposée dans la vie quotidienne de l’Église. Certains détails sont indiqués dans l’exhortation elle-même. Il y est dit que ces personnes, dans la mesure où elles sont baptisées, peuvent participer à la vie de l’Église et même qu’elles ont le devoir de le faire. Une liste des activités chrétiennes qui leur sont ouvertes et nécessaires est donnée. Peut-être, cependant, faudrait-il souligner avec davantage de clarté ce que peuvent faire leurs pasteurs et leurs frères dans la foi afin que ces personnes puissent ressentir véritablement l'amour de l’Église. Je pense qu’il faudrait leur reconnaître la possibilité de s’engager dans les associations ecclésiales et également celle d’accepter d’être parrain ou marraine, ce que le droit ne prévoit pas pour le moment.

Il y a un autre point de vue qui s’impose à moi. Si l’impossibilité de recevoir la sainte eucharistie est perçue comme tellement douloureuse, c’est notamment parce que, de nos jours, presque toutes les personnes qui participent à la messe s’approchent aussi de la table du Seigneur. Ce qui fait que ceux qui sont frappés par cette impossibilité apparaissent également comme étant publiquement disqualifiés en tant que chrétiens.

Je pense que l’avertissement que nous lance saint Paul, quand il nous invite à nous examiner nous-mêmes et à réfléchir au fait qu’il s’agit ici du Corps du Seigneur, devrait être de nouveau pris au sérieux : "Que chacun, donc, s’éprouve soi-même et qu’alors il mange de ce pain et boive de ce calice ; car celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur, mange et boit sa propre condamnation" (1 Cor 11, 28 s.) Un sérieux examen de soi, qui peut même conduire à renoncer à la communion, nous ferait en outre sentir d’une manière nouvelle la grandeur du don de l'eucharistie et il représenterait en même temps une forme de solidarité avec les divorcés remariés.

Je voudrais ajouter à cela une autre suggestion pratique. Dans beaucoup de pays on a vu s’installer la coutume selon laquelle les personnes qui ne peuvent pas recevoir la communion (par exemple celles qui appartiennent à d’autres confessions) s’approchent de l’autel, mais en gardant les mains sur la poitrine. Elles font comprendre, par ce comportement, qu’elles ne reçoivent pas le saint sacrement, mais qu’elles demandent une bénédiction, qui leur est donnée en tant que signe de l'amour du Christ et de l’Église. Il est certain que cette forme pourrait être également choisie par les personnes qui vivent un second mariage et qui, par conséquent, ne sont pas admises à la table du Seigneur. Le fait que cela rende possible une communion spirituelle intense avec le Seigneur, avec tout son Corps, avec l’Église, pourrait être pour elles une expérience spirituelle qui leur donnerait de la force et les aiderait."


Un autre message de Benoît XVI

Cette fois, à la Conférence internationale «Le respect de la vie, chemin pour la paix», qui se tient à Medellín, en Colombie, promue par la Fondation Vaticane Joseph Ratzinger :

« L'engagement pour la paix – si fondamental dans un monde déchiré par la violence – commence avec le respect inconditionnel de la vie de l'homme, créé à l'image de Dieu et donc doté d'une dignité absolue. La foi en Dieu créateur est le fondement essentiel de la dignité humaine comme nœud essentiel de chaque ordre juridique. Le thème de la paix et le thème du respect de la vie humaine sont liées à la foi en Dieu créateur comme la vraie garantie de notre dignité»


Benoît XVI : ‘le dialogue peut-il se substituer à la mission ?’

Le pape émérite avertit que le dialogue ne peut se substituer à la mission évangéliquebien que la renonciation à la vérité puisse paraître utile pour la paix entre les religions du monde.’ Il précise que toutes les religions ne sont pas égales.

‘Même ainsi, cela reste mortel pour la foi. L’homme se fait plus petit, non plus grand, quand il n’y a pas d’espace pour le regard dirigé vers Dieu.’

Beaucoup de gens se demandent de nos jours : la mission sert-elle encore à quelque chose ? Est-elle d’actualité ? Ne serait-il pas plus approprié de favoriser le dialogue interreligieux et la paix dans le monde ? Ces idées présupposent que les religions soient des formes différentes d’une même et unique réalité, des variantes adaptées à chaque culture mais qui se réfèrent à un genre commun, la ‘religion.’ La question de la vérité est mise entre parenthèses.

Le pape émérite critique les thèses des deux principaux théologiens protestants du XXe siècle :

Dans ses débuts, la mission chrétienne s’attaquait aux éléments négatifs des religions païennes et portait un regard étroitement critique sur ces dernières. La foi put développer sa force rénovatrice en terrassant leurs traditions qu’elle considérait comme démoniaques. C’est sur ces éléments que le théologien évangélique Karl Barth mit en opposition religion et foi, jugeant la première négativement comme un comportement arbitraire de l’homme qui tente par lui-même de s’approprier Dieu. Dietrich Bonhoeffer reprit ce postulat en se prononçant en faveur d’un christianisme sans religion. Ces visions unilatérales sont inacceptables.

Benoît XVI rappelle :

‘nous n’annonçons pas Jésus Christ pour que notre communauté ait un nombre maximum de personnes, et encore moins du pouvoir. Nous parlons de Lui parce que nous sentons le devoir de transmettre la joie qui nous a été transmise. La joie exige d’être communiquée ; l’amour exige d’être communiqué ; la vérité exige d’être communiquée. Qui a reçu une grande joie, ne peut se la garder pour lui seul mais doit la transmettre. Il en va de même pour le don de l’amour et le don de la reconnaissance de la vérité qui se manifeste.’

‘Nous serons des annonciateurs crédibles de Jésus Christ lorsque nous le trouverons réellement au plus profonds de notre existence, quand, à travers cette rencontre avec Lui, nous est donnée la grande expérience de la vérité, de l’amour et de la joie. « Nous avons connu et cru en l’amour » : cette phrase exprime la nature authentique du christianisme. L’amour, qui se réalise et se reflète de multiples manières chez les saints de tous les temps, est la preuve authentique de la vérité du christianisme’.

Traduction intégrale par Benoît-et-moi.