Car notre accord décisif signifiait que le violent désaccord que j’avais exprimé en 1996 dans mon livre Pourquoi veut-on tuer l’Église ? à l’encontre de certaines positions de La Vie, n’avait plus de raison d’être. Nous étions entièrement solidaires sur l’essentiel, et ce fut pour moi l’occasion de découvrir l’itinéraire singulier de ce journaliste qui, de catholique était devenu protestant, pour redevenir plus que jamais catholique. Il a raconté lui-même pourquoi, à l’âge de 28 ans, il avait rompu avec l’Église de son baptême à cause du tandem Wojtyla-Ratzinger et qu’il y était revenu à cause du même tandem. Croyant trouver dans l’Église réformée la liberté qu’il pensait brimée dans l’Église romaine, il s’était rendu compte, en dépit de cours d’exégèse précieux, que le libéralisme théologique finissait par détruire la règle de la foi. Et c’est pourquoi il était revenu au tandem Wojtyla-Ratzinger, s’expliquant dans une formule lapidaire : « Ces hommes ont permis à l’Église de redevenir vraiment catholique. » En effet, la dépression post-concilliaire avait produit des dégâts considérables avec « une désorientation dogmatique, chacun se faisant son credo à la carte ». [...]"
Le cardinal Scola explique son opposition à la communion des «divorcés remariés»
07 septembre 2018
Le cardinal Scola a été archevêque de Milan de 2011 à 2017, après avoir été patriarche de Venise et évêque de Grosseto, recteur de l’Université pontificale du Latran et professeur de théologie à Fribourg, dans le sillage d'Hans Urs von Balthasar. Il est également le co-fondateur, avec Joseph Ratzinger, de la revue théologie internationale « Communio » et a été proche dans sa jeunesse de don Luigi Giussani, le fondateur de Communion et libération.
L’opposition du cardinal Scola a la communion des divorcés remariés vient de loin. Il l’avait affirmée en 2014 et en 2015 dans deux longs articles dans la revue « Il Regno ». Il l’a encore répété après la sortie d’ « Amoris laetitia » dans son diocèse de Milan. Et aujourd’hui il écrit même ceci : « j’en ai parlé au Saint-Père pendant une audience privée ». Cette confidence, avec beaucoup d’autres, se trouve dans le livre-entretien autobiographique que le cardinal Scola a publié à la mi-août : Angelo Scola, « Ho scommesso sulla libertà. Autobiografia », Conversazioni con Luigi Geninazzi, Solferino, Milan, 2018.
Voici ce qu’écrit le cardinal :
« Je voudrais partir de ce que je considère comme étant le cœur du problème, c’est-à-dire le lien substantiel entre le mariage et l’Eucharistie, en tant que sacrement de l’amour nuptial entre le Christ et l’Église ».
Habituellement – poursuit le cardinal Scola – on dit que le rapport entre le Christ époux et l’Église épouse « est un modèle pour le don réciproque des époux. Mais c’est bien plus que cela : c’est le fondement même du mariage ». En effet, qu’est-ce qui peut garantir ce oui définitif auquel les deux époux s’engagent devant la communauté ? se demande le cardinal. Et il répond :
« Certainement les sables mouvants de leur liberté. Ce n’est que par le lien nuptial entre le Christ et l’Église, qu’il soit reconnu explicitement ou implicitement, qu’une femme et un homme peuvent s’engager dans un rapport indissoluble. La référence à l’Eucharistie n’est donc pas quelque chose d’extrinsèque au mariage mais elle revêt pour lui un caractère fondateur. »
Le cardinal Scola ne fait pas de citations mais cet argument est celui qui sous-tend la critique la plus pénétrante contre « Amoris laetitia » qui ait été formulée jusqu’à présent, celle du théologien bénédictin Giulio Meiattini dans son livre « Amoris laetitia. I sacramenti ridotti a morale ». Le cardinal n’hésite pas à porter une estocade contre « Amoris laetitia » et le synode qui l’a précédée où, selon lui,
« le rapport fondamental entre Eucharistie et mariage ne saute pas aux yeux et il s’agit là selon moi d’une absence pénible ».
Notamment parce que « cette absence a permis que s’ouvre sur ‘Amoris laetitia’ le vaste champ des interprétations aventureuses ».
« La non-admissibilité des divorcés-remariés à l’eucharistie n’est pas un châtiment que l’on peut lever ou réduire, elle réside dans le caractère même du mariage chrétien qui, comme je l’ai dit, repose sur le fondement du don eucharistique du Christ époux à l’Église épouse. Il en découle que celui qui s’est exclu lui-même de l’Eucharistie en contractant une nouvelle union ne peut retrouver l’accès au sacrement eucharistique qu’en vivant la chasteté parfaite, comme l’affirme Jean-Paul II dans l’exhortation apostolique ’Familiaris consortio’. Mais on ne trouve aucune allusion à cela dans ‘Amoris laetitia’. On ne dit pas que cette prescription n’est plus valide mais on ne dit pas non plus qu’elle est encore valide. On l’ignore, tout simplement. En même temps, on rappelle que l’Eucharistie, comme le dit Saint Ambroise, ‘n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles’. Il est vrai que l’Eucharistie a également une fonction de guérison mais cette affirmation ne peut être utilisée hors de ce que dit la constitution conciliaire ‘Lumen gentium’ au numéro 11, à propos de la nature ecclésiale des sacrements ».
Plus loin, dans son livre-entretien autobiographique, le cardinal Scola rappelle la visite de Benoît XVI à Milan à l’occasion de la rencontre mondiale des familles, en juin 2012. Et il dit ceci :
« J’ai été particulièrement frappé par la magnifique réponse qu’il a faite sans préparation à une question sur les divorcés-remariés. Il a dit qu’il ne suffit pas que l’Église prétende aimer ces personnes mais qu’elles doivent voir et ressentir cet amour’. Et il ajouta que ‘leur souffrance, si elle est réellement et intérieurement acceptée, est un don pour l’Église’. Des paroles émouvantes qui révèlent une attention et une sensibilité à ce problème qui ne sont pas sorties de nulle part avec ‘Amoris laetitia’ comme voudrait le faire croire une version superficielle et grossière ».